Diverticules ventriculaires



André Vliers: Professeur ordinaire à la faculté de médecine de l'université catholique de Louvain, chef du service de cardiologie pédiatrique de l'hôpital universitaire Saint-Luc
avenue Hippocrate, 10, 1200 Bruxelles (Belgique) France
11-041-H-10 (1995)



Résumé

Le diverticule ventriculaire est une entité rare généralement d'origine congénitale, consistant en une ectasie sacculaire de la paroi. Le diverticule a, contrairement à l'anévrisme, un anneau d'ouverture étroit, une paroi musculaire contractile et se présente comme un doigt de gant émergeant de la paroi ventriculaire principalement gauche. L'anévrisme ventriculaire est habituellement acquis soit en période prénatale soit le plus souvent en postnatal et communique avec la cavité ventriculaire par un large collet, sa paroi étant plutôt fibreuse et akinétique [ 14 ].

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Plan

Diverticules
Anévrismes

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Les diverticules sont soit des anomalies isolées, le diverticule étant infrathoracique et souvent de découverte fortuite, soit des éléments du syndrome polymalformatif de la ligne médiane.

Il n'est pas certain que ces diverticules isolés puissent être dissociés des anévrismes dont l'ouverture de communication avec la cavité ventriculaire est beaucoup plus large. Plusieurs auteurs décrivent des diverticules sans anomalie de la paroi abdominale [ 2], [12], [27 ].

Circonstances de découverte
Ces diverticules sont rarement symptomatiques et de découverte fortuite chez le jeune enfant [ 10], [12 ]. Occasionnellement, un souffle [ 5], [16 ] ou une calcification à la radiographie du thorax [ 18 ], mais surtout un trouble du rythme [ 14], [21 ] ou une défaillance cardiaque sont à l'origine des investigations amenant la découverte de l'anomalie.

Anatomopathologie
Ces diverticules isolés naissent le plus souvent du ventricule gauche et ne s'accompagnent pas d'une autre malformation cardiaque. La localisation préférentielle est soit apicale, soit périannulaire mitrale. Cependant, dans une série personnelle de 9 enfants avec diverticule, l'équipe du " Kyoto Prefectural University " au Japon décrit quatre origines ventriculaire droite ou mixte biventriculaire [ 14 ]. Un collet relativement étroit les unit à la cavité ventriculaire. La paroi est rarement musculaire, très souvent fibreuse [ 16 ], parfois cryptique [ 21 ], expansive en systole à l'échocardiographie [ 14 ]. Occasionnellement, la paroi se calcifie [ 8 ] ou la cavité diverticulaire est source d'embolisation sur thrombose [ 1], [6 ]. Le réseau coronaire est toujours normal [ 17 ].

Symptômes
Il s'agit très souvent de découvertes fortuites [ 10 ]. L'existence d'un souffle est plutôt rare et non spécifique. Un clic, lié à l'expansion systolique de la poche à paroi fibreuse, a été décrit. Dans les cas où la poche est importante, des anomalies électrocardiographiques peuvent être observées [ 14 ] : onde Q profonde au niveau de la poche, anomalies de la repolarisation, troubles de la conduction intraventriculaire surtout en cas de localisation droite. L'existence de troubles du rythme ventriculaire est plus fréquemment décrite soit comme signe révélateur [ 21 ] soit comme symptôme principal souvent réfractaire au traitement antiarythmique [ 14], [16], [20 ]. La présence de faisceaux accessoires de la région septale postérieure en cas de diverticule du sinus coronaire a été démontrée. Dans ce cas, la conduction accessoire anormale n'a disparu qu'après séparation chirurgicale du collet de la paroi ventriculaire gauche [ 13 ]. Radiologiquement, ce sont soit une silhouette cardiaque inhabituelle comprenant un contour ventriculaire expansif en systole [ 10], [14 ], soit des calcifications battantes qui pourront suggérer le diagnostic [ 13], [21], [22 ].
Le diagnostic définitif est toujours apporté par la ventriculographie, mais l'imagerie non invasive moderne réalisée pour des symptômes atypiques a permis la découverte facile de ces poches soit par échographie [ 15], [16], [24 ] soit par résonance magnétique [ 15], [16], [24 ].

Evolution - Traitement

- Les deux complications les plus redoutables sont les arythmies ventriculaires réfractaires au traitement [ 13], [14], [16], [20 ] et les embolisations à partir de thrombus de la poche [ 1], [6 ]. Des cas totalement asymptomatiques à évolution cependant limitée ont par ailleurs été décrits [ 24 ].
- Pour ces raisons, l'excision chirurgicale (et non la ligature du collet) semble l'attitude thérapeutique la plus appropriée [ 13], [14], [21 ]. L'intervention sous circulation extracorporelle est indiquée lorsque la poche est large et la nature de la paroi au niveau du collet inconnue.
Cette anomalie congénitale bien définie, a été décrite avant 1866 par O'Bryan, puis reprise dans le traité de Peacock sur les malformations du coeur humain [ 23 ]. En 1949 Lowe [ 19 ], en 1951 Skapinker [ 25 ] et en 1952 Snellen et Bruins [ 26 ] font une description anatomique détaillée doublée d'une explication embrylogique séduisante [ 26 ]. Les publications de Cantrell [ 3 ] et Critteden [ 7 ] qui ont donné leur nom à ce type de malformation sont bien plus tardives.
Anatomie pathologique
Il s'agit toujours d'un diverticule en doigt de gant émergeant de la pointe du ventricule gauche et dirigé à travers une hernie diaphragmatique et une fente sternale vers la paroi abdominale antérieure jusqu'à la région ombilicale. Occasionnellement, le diverticule peut être isolé, sans anomalie cardiaque associée [ 14 ]. Une origine biventriculaire apicale a été décrite par Skapinker [ 25 ]. La structure pariétale du diverticule est en tout point semblable à celle d'une paroi ventriculaire : endocarde, myocarde, épicarde. Il existe donc une dynamique systolique synchrone à celle du ventricule gauche. Très souvent, il existe une cardiopathie associée : communication interventriculaire avec ou sans sténose pulmonaire [ 3], [7], [11], [14], [19], [26 ].
Embryologie
Les lésions décrites dans le syndrome d'anomalies de la ligne médiane peuvent être expliquées par l'absence de résorption du tissu mésoblastique situé antérieurement par rapport aux tubes cardiaques lors des premières semaines de l'embryogenèse. La persistance de ce tissu empêcherait la fusion antérieure des cavités coelomiques latérales et maintiendrait donc une attache antérieure et caudale de la paroi cardiaque et un non-recouvrement par le péricarde. Toutes les anomalies de la ligne antérieure se trouveraient ainsi expliquées [ 26 ].
Symptômes révélateurs
La découverte d'une structure vermiculaire battante dans le champ cranial d'une omphalocèle est très souvent à l'origine de la découverte du syndrome [ 26 ]. L'existence d'un diverticule apical du ventricule gauche doit toujours être recherchée chez le nouveau-né présentant une omphalocèle ou une anomalie mineure de la ligne médiane antérieure.
Mise en évidence
Théoriquement, l'échocardiographie doit pouvoir découvrir ces diverticules apicaux d'un diamètre de 1 cm environ. Cependant, la plupart des auteurs ont eu recours à une ventriculographie gauche montrant l'endroit d'émergence exacte et le trajet du diverticule (fig. 1). Les anomalies auscultatoires et électrocardiographiques sont rares et attribuables à des anomalies associées. Il n'y a pas d'anomalie du trajet coronarien [ 14], [25 ].
Evolution et traitement
Dans la revue de 13 cas relevés dans la littérature de 1894 à 1950, par Skapinker, la rupture spontanée du diverticule semble, en dehors des facteurs apportés par les lésions associées, la principale cause de décès. A l'heure actuelle, une telle évolution est invraisemblable et la résection simple du diverticule après mise à découvert de l'émergence du diverticule peut être réalisée dans de bonnes conditions.
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Les anévrismes qui constituent de larges poches akinétiques sont soit d'origine parasitaire ou infectieuse, soit d'origine hypoxique (artériosclérose ou infarctus, trajet coronarien anormal). Une localisation particulière de la poche anévrismale a été décrite chez le jeune Bantou [ 4], [6], [9 ]. Il semble bien qu'il s'agisse d'une entité particulière à la race car sa fréquence (2/10 000 de la population hospitalisée des cliniques universitaires de Kinshasa) dépasse très largement celle rencontrée dans d'autres parties du monde [ 18 ]. Très souvent, il s'agit de jeunes adultes, plus rarement d'enfants, jamais de nourrissons, ce qui rend l'étiologie congénitale hautement improbable. L'anévrisme, situé préférentiellement dans la région sous-valvulaire aortique ou périannulaire mitrale, est rarement asymptomatique. Les symptômes révélateurs sont la dyspnée, la défaillance cardiaque et les troubles du rythme. Une radioscopie attentive permet dans presque tous les cas de détecter un contour ventriculaire surajouté parfois calcifié, expansif en systole [ 18 ] (fig. 2). Le tracé électrocardiographique est presque toujours anormal : lésions d'ischémie antérolatérale. Différents agents infectieux (bacille de Koch, filariose, schistosomiase) ont été incriminés mais jamais retrouvés avec une fréquence suffisante pour en déduire un lien de causalité. L'évolution spontanée est souvent fatale bien que des survies prolongées aient été décrites. La chirurgie cardiaque étant difficilement possible en Afrique centrale, il n'y a pas de large expérience postopératoire. Des cas sporadiques ont subi avec succès la résection de ces poches akinétiques souvent calcifiées.

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