Aspects génétiques de l'hypertension artérielle









Xavier Jeunemaître: Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier
Laboratoire de biologie moléculaire, département d'hypertension artérielle, hôpital Broussais, 96, rue Didot, 75014 Paris France
Pierre Corvol: Professeur au Collège de France
Inserm U 36, Collège de France, 3, rue d'Ulm, 75005 Paris France
11-301-D-10 (1997)



Résumé

L'hypertension artérielle (HTA) est une maladie complexe. Les systèmes physiologiques impliqués dans la régulation de la pression artérielle (PA) sont nombreux et interactifs, et de nombreuses anomalies biologiques ont été décrites chez les hypertendus, sans que l'on sache si ces anomalies sont causales ou bien secondaires à l'élévation de PA. La recherche de facteurs génétiques prédisposant à l'hypertension artérielle constitue une alternative à ces études physiologiques. Cependant cette recherche est difficile :

- le phénotype est difficile à définir : la pression artérielle de chaque individu est variable en fonction des circonstances, sa mesure est entachée d'erreur et la prise en compte d'un critère qualitatif (hypertension artérielle ou non) ajoute un degré d'incertitude supplémentaire ;
- la pluralité probable des gènes impliqués dans cette pathologie rend difficile l'usage des études classiques de liaison sur des familles étendues.
Malgré ces difficultés, des résultats importants ont été récemment acquis, tant chez l'homme que chez l'animal.

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Plan

Hérédité en partie responsable de l'hypertension artérielle
Identification de loci impliqués dans certaines hypertensions artérielles expérimentales animales
Marqueurs actuellement testés sur l'hypertension artérielle essentielle humaine
Formes rares mendéliennes d'hypertension artérielle
Conclusion

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La définition de l'hypertension artérielle est opérationnelle et, selon les critères de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), elle inclut les patients dont la pression artérielle est supérieure à 160 mmHg pour la systolique et 95 mmHg pour la diastolique. Cette définition ne repose pas sur une base physiopathologique, mais sur des données épidémiologiques qui ont montré l'apparition de complications cardiovasculaires lorsque la pression artérielle dépasse ces chiffres et que le traitement antihypertenseur peut apporter un bénéfice. Cependant la pression artérielle se présente sous forme de trait quantitatif dans la population, et son niveau est la conséquence de l'addition, voire de l'interaction de facteurs génétiques et environnementaux. Aussi bien la courbe de distribution de la pression artérielle que le mode complexe de transmission de la maladie indiquent que plusieurs gènes interviennent dans la prédisposition et le développement de l'hypertension artérielle.
De nombreuses études épidémiologiques ont montré que le niveau de pression artérielle d'un individu est en partie héritable. L'agrégation familiale de la pression artérielle est un phénomène général qui concerne tous les niveaux de pression artérielle dans pratiquement toutes les populations [ 50 ]. Quel que soit le statut tensionnel d'un sujet (pression artérielle basse, normale ou élevée), les pressions artérielles relevées chez les apparentés seront plus ressemblantes que ne le voudrait le hasard. La méthodologie d'étude de cette ressemblance familiale de la pression artérielle peut être évaluée par l'étude des coefficients de corrélation existant entre les niveaux tensionnels d'individus génétiquement apparentés. Les corrélations obtenues sont de l'ordre de 0,15 entre parents, 0,25 entre parents et enfants naturels. Cependant, deux constatations compliquent cette analyse :

- les familles partagent, non seulement un patrimoine génétique, mais aussi un environnement commun ;
- les effets de chacune de ces composantes sont complexes et probablement interactifs.
L'analyse de l'effet de conditions familiales particulières (étude de jumeaux, de familles avec enfants adoptés) permet d'analyser les parts respectives des gènes et de l'environnement sur le trait quantitatif qu'est la pression artérielle. Les études de jumeaux partent du principe d'une différence de moitié du patrimoine génétique entre jumeaux dizygotes (DZ) et d'une complète identité génétique entre jumeaux monozygotes (MZ). Si l'on admet un environnement commun pour l'ensemble des jumeaux, les différences de corrélation observées entre MZ et DZ sont essentiellement liées à un effet génétique. Elles montrent une corrélation très élevée de la pression artérielle chez les MZ (0,60 à 0,80), très significativement supérieure à celle observée chez les jumeaux DZ (0,30 à 0,50), suggérant une composante génétique élevée (50 à 60 %) dans la variance de la pression artérielle [ 18 ]. Hong et al [ 16 ] ont tenté d'approcher les parts respectives de l'environnement et de la génétique dans le niveau tensionnel de 289 paires de jumeaux âgés de plus de 50 ans, élevés ensemble ou séparément. Ils confirment des niveaux d'héritabilité génétique de 0,44 et 0,34 pour la pression artérielle systolique. L'étude de familles dans lesquelles cohabitent des enfants naturels et adoptés permet de comparer les relations entre membres apparentés ou non, partant du principe qu'ils sont tous exposés au même environnement familial. L'âge d'adoption pouvant jouer un rôle primordial dans la composante environnementale, il est important qu'il soit relativement homogène et précoce. L'étude exemplaire est celle portant sur des familles canadiennes d'origine française qui a permis l'analyse de trois types de structure familiale :
- familles avec uniquement des enfants adoptés ;
- avec des enfants adoptés et naturels ;
- avec uniquement des enfants naturels.

Cette étude canadienne a porté sur 1 176 parents issus de 606 familles avec 445 enfants naturels et 756 enfants adoptés [ 1 ]. Les corrélations entre parents et enfants naturels, ou entre enfants naturels entre eux, sont approximativement le double de celles impliquant des enfants adoptés. Il est intéressant de noter que les corrélations observées entre enfants non apparentés (naturels versus adoptés) sont beaucoup plus fortes (multiplié par 2) qu'entre les adultes non apparentés (époux). L'environnement familial commun jouerait donc un plus grand rôle chez les enfants que les adultes, cet effet étant possiblement médié par la coagrégation de la pression artérielle avec le poids dans cette tranche d'âge.
En prenant en compte plus de 100 covariables obtenues chez 371 familles franco-canadiennes, Pérusse et al [ 35 ] suggèrent que la composante liée à l'environnement familial commun est élevée à tous les âges (0,30 à 0,40) alors que la composante génétique de la pression artérielle décroît beaucoup chez les adultes (0,15), sans effet maternel spécifique décelable. Cette étude illustre la nécessité d'analyser des enfants ou des adultes jeunes afin d'obtenir les conditions optimales de détection d'un effet génétique sur la pression artérielle.

Le mode de distribution de la pression artérielle dans la population a alimenté une controverse scientifique dès les années 1960. À partir de l'étude de 178 hypertendus et de leur 350 frères et soeurs, Platt [ 38 ] montra la bimodalité de la distribution de la pression artérielle et conçut la théorie selon laquelle l'hypertension artérielle sévère de l'adulte est une maladie mendélienne, compatible avec un gène dominant, avec pénétrance incomplète, et de fréquence 0,24. Cette théorie fut vigoureusement combattue par Pickering [ 37 ] qui insista sur la distribution unimodale de la pression artérielle, et sur le fait que la pression artérielle devait être considérée comme un trait quantitatif, comme la taille ou l'intelligence, l'hypertension artérielle ne représentant que la partie extrême de la courbe de la distribution. Bien que les résultats de la plupart des autres études aient, depuis, donné raison à Pickering avec une distribution unimodale de la pression artérielle déviée vers la droite, la possibilité d'une sous-population n'est pas exclue.
Peu d'analyses familiales de ségrégation ont été publiées qui concernent directement la pression artérielle. Carter et Kannel [ 8 ], sur l'analyse de 1 141 familles de Framingham retrouvent une héritabilité de 31 % pour la pression artérielle systolique liée à une composante polygénique, sans effet gène majeur. Les résultats sont également compatibles avec l'effet d'un gène majeur rare (=0,02) pour une pression artérielle systolique basse, expliquant 7 % de la variance de ce paramètre. Plus récemment, l'étude de 1 560 individus issus de 374 familles françaises canadiennes [ 41 ] a généré des résultats d'interprétation plus complexe. Bien que l'analyse classique de ségrégation ne montre pas de composante monogénique, la correction pour une distribution non normale de la pression artérielle (commingling analysis) suggère un effet gène majeur de transmission mendélienne si l'on fait l'hypothèse d'un gène récessif pour une pression artérielle systolique élevée et ne s'exprimant qu'à l'âge adulte. Un effet particulier de l'âge est aussi suggéré par l'étude de 1 266 individus de moins de 50 ans issus de 278 familles caucasiennes [ 36 ]. Les résultats sont compatibles avec l'effet d'un gène majeur dépendant de l'âge et du sexe associé à une composante polygénique. L'effet du gène majeur pourrait expliquer 1 à 6 % de la variance de la pression artérielle systolique chez les enfants de 5 ans et près de 61 à 55 % de cette variance chez les femmes et les hommes adultes de moins de 50 ans.
Pour conclure sur les résultats de ces études biométriques, il est important de souligner que l'héritabilité génétique issue de ces études est remarquablement constante, voisine de 30 %, alors que l'effet environnemental familial est plus diversement estimé (5 à 30 % de la variance de la pression artérielle) (tableau I).


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Chez l'homme, le niveau de pression artérielle n'est pas un phénotype facilement accessible aux études de liaison génétique, du fait de la faible héritabilité génétique, de l'hétérogénéité vraisemblable entre populations et entre familles et de l'interaction forte avec l'environnement. Afin de simplifier son approche, des modèles expérimentaux ont été utilisés dans lesquels la variance génétique de la pression artérielle est plus élevée et où l'environnement peut être plus strictement contrôlé.
Les souches de rongeurs sont particulièrement intéressantes à étudier pour plusieurs raisons :

- le rat, et maintenant la souris, se prêtent facilement aux études expérimentales dans le domaine cardiovasculaire ;
- l'utilisation d'une souche pure de rats hypertendus permet de disposer d'une élévation génétique de la pression artérielle d'étiologie homogène ;
- du fait des conditions environnementales standardisées, l'héritabilité de la pression artérielle y est plus élevée, voisine de 60 %.
Cette stratégie a été utilisée d'une façon générale pour les différentes souches sélectionnées, pour des niveaux élevés de pression artérielle. Un premier croisement est obtenu entre souche hypertendue et souche témoin (génération F1) puis un second croisement entre individus hétérozygotes F1 aboutit à une génération où existent des animaux homo- ou hétérozygotes pour un marqueur donné. Des dizaines de croisements différents ont maintenant été effectués. Nous ne reprendrons ici que les résultats qui ont été les plus significatifs. Ainsi, Rapp et al [ 39 ] ont montré l'implication potentielle du gène rénine dans l'hypertension artérielle chez les rats Dahl sensibles au sel. Chaque dose d'un allèle S (sensibilisé au sel) était associée à une élévation de pression artérielle de 10 mmHg. Cependant, ces mêmes auteurs n'ont pas retrouvé de différence de séquence du gène rénine lui-même entre les deux souches résistantes ou sensibles au sel, posant l'hypothèse d'un gène causal proche, sur le chromosome 13 du rat, mais distinct du gène rénine. Le croisement de souches différentes de rats génétiquement hypertendus a permis, aux mêmes auteurs, de montrer un rôle possible des loci de l'enzyme de conversion de l'angiotensine (ECA) et du récepteur de l'atrial natriuretic factor (ANF) sur la pression artérielle. La même stratégie a été utilisée chez le rat lyonnais hypertendu (LH) et sa souche témoin normotendue (LN). Une liaison significative (lod score = 5,6) a pu être établie entre la pression artérielle diastolique (PAD) et un marqueur microsatellite du gène rénine sur le chromosome 13 du rat [ 12 ]. Chaque dose d'un allèle H était associée à l'élévation de pression artérielle de l'ordre de 2 mmHg. Dans cette étude, le locus rénine (gène rénine lui-même ou gène très proche) expliquait 8 % de la variance totale de la PAD (61 % de la variance génétique estimée). L'obtention de lignées congéniques, ne différant de la souche témoin que par un segment de chromosome, est aussi un outil de plus en plus utilisé pour identifier des régions chromosomiques responsables d'une élévation de la pression artérielle. À partir de deux souches génétiquement homogènes, l'une hypertendue et l'autre normotendue, un système de backcross sur plusieurs générations avec sélection des animaux porteurs du segment de chromosome désiré, il est possible d'obtenir deux souches dont le génome est identique à 99 % excepté pour la région considérée. Cette technique permet donc de confirmer qu'un locus (appelé QTL, quantitative trait locus), préalablement identifié par une étude de croisement, contrôle réellement le niveau tensionnel. Des régions portées par les chromosomes 1, 2 et 10 de rat semblent expliquer la majeure partie de la variance de la pression artérielle [ 40 ]. Un pari stratégique encore plus novateur a été fait en réalisant une étude de liaison génétique sur la pression artérielle, utilisant un panel de marqueurs génétiques anonymes positionnés sur l'ensemble du génome du rat. Cette stratégie, appelée clonage positionnel, ne fait plus appel aux propriétés physiologiques du gène avec lequel on recherche une liaison génétique, comme c'était le cas pour la rénine, mais seulement à la position du marqueur génétique sur le chromosome. Utilisant cette stratégie, deux régions situées sur le chromosome 10 du rat ont montré une liaison génétique très significative avec le niveau de pression artérielle (lod score > 3) [ 15 ]. L'une de ces régions contient le gène de l'enzyme de conversion de l'angiotensine, située chez l'homme dans la région 17q 23, dans une région synténique avec le génome du rat. Des résultats plus récents semblent exclure le gène de l'enzyme de conversion de l'angiotensine et situer le ou les gènes responsables d'une élévation de la pression artérielle dans cette souche, plus centromériques sur le chromosome 10 du rat. Récemment, l'utilisation d'un croisement entre une souche WKY HD-1 congénique pour le gène ECA (portant un fragment de 6 cM du rat SHR-SP) et une souche SHR-SP montre que ni le taux plasmatique, ni le gène de l'enzyme de conversion de l'angiotensine lui-même ne sont associés à la variation tensionnelle entre les deux souches [ 26 ].
Transgenèse additive
La production d'animaux transgéniques à partir d'oeufs fertilisés et transfectés par un gène étranger s'est développée depuis plus de 10 ans. La puissance de la technique vient du fait que l'influence du transgène peut être suivie tout au long du développement et du vieillissement de l'animal. Elle permet l'étude des éléments promoteurs, responsables de l'expression du transgène, de même que l'analyse de l'effet du transgène lui-même. Sa faiblesse majeure est l'insertion non contrôlable du nombre et du site d'insertion des copies du transgène. Chaque animal transgénique est donc particulier et peut donner naissance à une lignée transgénique dont les caractéristiques peuvent être différentes d'une autre lignée possédant le même transgène. Ces études de transgenèse additive montrent que la surexpression des gènes du système rénine angiotensine entraîne une élévation de la pression artérielle. Une des premières études spectaculaires fut celle réalisée par l'équipe de Mullins [ 29 ], portant sur l'introduction du gène ren-2 de souris chez le rat. Les animaux portant le transgène développèrent une hypertension artérielle sévère et précoce, sensible à l'administration de captopril. Contrairement à ce qui était initialement décrit, le modèle biologique correspond bien à un modèle hypertension artérielle à rénine haute. Une autre confirmation du rôle presseur du système rénine angiotensine est venu de l'analyse de rats transgéniques pour le gène de l'angiotensinogène. Compte tenu de l'absence de clivage de l'angiotensinogène humain par la rénine de rat, une activation d'ensemble du système rénine angiotensine et une hypertension artérielle ne sont observées que lorsqu'on introduit de la rénine humaine de façon exogène ou transgénique [ 32 ].
Transgenèse recombinante
La recombinaison homologue constitue une alternative intéressante qui, pour des raisons techniques, n'a pu être développée pour le moment que chez la souris. Elle consiste à remplacer électivement un gène d'intérêt par une copie inactivée de ce gène, ou bien par une copie dupliquée du gène. Ici, l'emplacement du transgène est, en tout point, comparable à l'emplacement du gène original, permettant aux facteurs transcriptionnels placés en cis ou en trans d'exercer leur action physiologique. De nombreuses expériences de délétions de gènes (knock-out) ont été effectuées chez la souris, portant initialement sur des gènes de l'organogenèse. Plus récemment, cette technique a également été appliquée au domaine cardiovasculaire. Des délétions électives de tous les gènes du système rénine angiotensine ont maintenant été effectuées. Chacune d'entre elles montre que l'inhibition du système abaisse les chiffres de pression artérielle de la souris d'environ 20 mmHg. Deux études originales méritent cependant d'être mentionnées plus en détail :
- la première a consisté en l'inactivation du gène de l'enzyme de conversion de l'angiotensine chez la souris [ 25 ]. La stratégie moléculaire a été d'insérer in vitro une séquence inactivatrice au niveau de l'exon 14 du gène, exon essentiel dans l'activité de l'enzyme. L'obtention de quelques mâles chimériques permit d'obtenir des souris F1 hybrides, hétérozygotes pour le gène ECA inactivé. Le croisement des souris F1 permit d'obtenir une génération F2 ayant les différents génotypes possibles (+/+, +/-, -/-). Une relation positive existe entre activité de l'enzyme de conversion de l'angiotensine et la pression artérielle, bien que limitée aux souris mâles chez les animaux hétérozygotes (tableau II). Les lésions rénales (amincissement du cortex, désorganisation vasculaire) observées chez les souris -/- sont du même type que celles observées chez les souris pour lesquelles le gène de l'angiotensinogène est détruit. Surtout les souris mâles sont infertiles, soulignant l'importance de l'enzyme de conversion de l'angiotensine dans la composition du liquide spermatique ;
- la seconde a consisté en la délétion et/ou la duplication du gène de l'angiotensinogène par la même équipe [ 24 ], aboutissant à la création de souris possédant zéro, une, deux, trois ou quatre copies du gène de l'angiotensinogène en position chromosomique normale. Les souris avec zéro copie mourraient rapidement quelques jours après le sevrage, soulignant l'importance d'un système rénine angiotensine fonctionnel. Les niveaux plasmatiques d'angiotensinogène augmentaient progressivement avec le nombre de copies du gène (tableau II), de même que la pression artérielle avec une élévation d'environ 8 mmHg par copie supplémentaire.



Correspondance modèle murin - modèle humain
Une des difficultés d'interprétation des études de liaison utilisant des croisements de souches de rongeurs normo- et hypertendues, porte sur l'interprétation des liaisons génétiques, en partie en raison de la largeur de l'intervalle de confiance de ces liaisons. En effet, il est très difficile de restreindre la liaison génétique calculée à une région très précise, compte tenu du nombre d'animaux analysés et de la nature multigénique de l'hypertension artérielle. De ce fait, la présence d'un gène candidat dans un segment chromosomique lié à la pression artérielle peut être fortuite aussi bien que causale (exemples du gène rénine et de l'enzyme de conversion de l'angiotensine). L'autre difficulté majeure tient au caractère aléatoire de la transposition des gènes impliqués dans l'hypertension artérielle entre les espèces. Les processus de sélection très particuliers qui ont présidé à la génération des souches animales hypertendues peuvent ne pas refléter les processus génétiques mis en jeu chez l'homme. À ce jour, l'ensemble des études porte à plus de dix, le nombre de locus et/ou de gènes qui semblent impliqués dans l'hypertension artérielle des différentes souches de rats sélectionnées pour l'hypertension artérielle. Cependant, aucun de ces gènes n'a pour le moment été montré comme responsable de tout ou partie de l'hypertension artérielle humaine.
Malgré ces imperfections, le modèle animal reste une source d'informations majeure de recherche génétique sur l'hypertension artérielle. Le développement de souris transgéniques possédant une délétion élective de tel ou tel gène régulateur de la pression artérielle et leur croisement potentiel laisse entrevoir un immense champ d'investigation d'effet génétique direct, d'interaction génétique et d'interaction avec l'environnement.

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Le rôle important du système rénine angiotensine (SRA) dans la régulation du tonus vasculaire et du bilan hydroélectrolytique, désigne les gènes correspondants comme autant de gènes candidats dans l'hypertension artérielle. L'ensemble des gènes de cette cascade enzymatique ont été clonés et localisés : il s'agit des gènes de l'angiotensinogène (AGT, chromosome 1q 42), la rénine (REN, chromosome 1q 32), l'enzyme de conversion de l'angiotensine I (ECA, chromosome 17q 23, le récepteur de type 1 de l'angiotensine II (AT1R, chromosome 3). Des marqueurs génétiques polymorphes situés sur ces différents loci ont été isolés, permettant des analyses de liaison génétique sur des familles avec incidence élevée d'hypertension artérielle.
Des arguments majeurs ont fait du gène de la rénine un gène candidat de premier ordre à tester dans l'hypertension artérielle humaine :

- cette aspartyl-protéase constitue joue le facteur limitant essentiel dans l'activité du système rénine angiotensine ;
- le gène rénine semble associé à la genèse de certaines hypertensions animales (rats de Dahl, rats lyonnais) ;
- des rats transgéniques porteurs du gène rénine de souris (REN-2) développent une hypertension précoce et sévère.

Cependant, la majeure partie des études n'ont pas retrouvé d'association ou de liaison entre le locus rénine et l'hypertension essentielle humaine. Ainsi, les fréquences de plusieurs polymorphismes de restriction (RFLP) ont été retrouvées similaires chez des sujets hypertendus et témoins. Des études de liaison portant sur des familles isolées ou sur des paires de germains hypertendus [ 22 ] n'ont pas montré de coségrégation entre le gène rénine et l'hypertension artérielle.
L'enzyme de conversion de l'angiotensine I est la seconde enzyme clé du système rénine angiotensine (SRA), présente sous deux formes (somatique et testiculaire) par épissage alternatif [ 44 ]. La forme somatique, largement distribuée dans l'organisme, permet de générer l'octapeptide actif angiotensine II à partir du décapeptide angiotensine I et inactive la bradykinine vasodilatatrice. Cette double action, génération d'une substance puissamment vasopressive et inactivation d'un peptide vasodilatateur et hypotenseur renforce son rôle dans le tonus vasculaire, comme le démontre l'efficacité des inhibiteurs de l'enzyme de conversion dans le traitement de l'hypertension artérielle.
Des études de ségrégation ont montré l'héritabilité du taux plasmatique de ECA, avec des corrélations de l'ordre de 0,30 entre parents et enfants, dont la variabilité interindividuelle semble au mieux expliquée par l'effet d'un gène majeur IgA [ 6 ]. Un polymorphisme reflétant la présence ou l'absence d'un fragment intronique de 287bp (séquence ALU) a été détecté qui pourrait expliquer 30 à 40 % de la variance du taux plasmatique de ECA. Cependant, plusieurs études n'ont pas montré d'association entre le polymorphisme I/D du gène ECA et la pression artérielle ou la présence d'une hypertension artérielle. L'utilisation d'un marqueur très polymorphe, situé au locus de l'hormone de croissance (hGH) et très proche du gène ECA chez plus de 200 paires de germains (frères/soeurs) hypertendus de l'Utah aux États-Unis, a également montré des résultats négatifs [ 21 ]. Le caractère non limitant, au moins au niveau du plasma, de la réaction enzymatique entre ECA et l'angiotensine I dans la génération de l'angiotensine II, et la majeure partie des études génétiques effectuées, militent pour l'absence de relation directe entre le gène ECA et l'hypertension artérielle. À l'inverse, ce gène a été impliqué dans la susceptibilité génétique à l'infarctus du myocarde, l'hypertrophie ventriculaire gauche, la progression des néphropathies diabétiques ou à IgA [ 6 ].
L'angiotensinogène est le substrat spécifique du système rénine angiotensine, et il est en règle considéré comme un réservoir de l'angiotensine I pour l'action de la rénine. Son taux plasmatique a été corrélé au niveau de la pression artérielle et retrouvé plus élevé chez les hypertendus et enfants de parents hypertendus que chez les normotendus. L'utilisation de la technique de recombinaison homologue a permis d'obtenir la délétion et/ou la duplication du gène de l'angiotensinogène (AGT), aboutissant à la création de souris possédant zéro, une, deux, trois ou quatre copies du gène de l'angiotensinogène. Les niveaux plasmatiques d'angiotensinogène augmentent progressivement avec le nombre de copies du gène, de même que la pression artérielle avec une élévation de 8 à 10 mmHg par copie supplémentaire [ 24 ].
Une large étude effectuée sur 215 familles françaises et américaines a permis de montrer le rôle potentiel du gène de l'angiotensinogène sur la pression artérielle [ 23 ]. Il existe une liaison positive entre le gène de l'angiotensinogène et hypertension artérielle, particulièrement pour les paires de frères-frères, et les sujets les plus sévèrement hypertendus (tableau III). Cette liaison a également été retrouvée chez des familles anglaises et des familles originaires des Antilles [ 10], [11 ]. De plus, un polymorphisme (Met 235 Thr) a été retrouvé, plus fréquent chez les sujets hypertendus que chez les sujets témoins, et associé à une élévation de 10 à 20 % de la concentration plasmatique de l'angiotensinogène. Les sujets porteurs de la mutation Thr en position 235 pourraient ainsi présenter une élévation chronique du taux de l'angiotensinogène, qui, entraînant un niveau d'activité d'ensemble du SRA plus élevée, aboutirait au long cours à une élévation de pression artérielle. L'allèle T235 est en complet déséquilibre de liaison avec une substitution GA en position -6 dans le promoteur du gène. Des résultats préliminaires montrent que cette substitution est associée in vitro à une élévation de l'expression de l'angiotensinogène.

Ces polymorphismes pourraient représenter le type même d'allèles de susceptibilité à l'hypertension artérielle essentielle, très communs dans la population générale mais n'entraînant qu'une élévation modeste de la pression artérielle de l'ordre de 3 à 5 mmHg. La présence d'un tel allèle de prédisposition pourrait avoir des effets plus marqués lorsque l'expression de l'angiotensinogène est augmentée comme dans le cas de la grossesse ou de l'administration orale d'estrogènes. Des études menées dans l'hypertension artérielle de la grossesse suggèrent en effet qu'une anomalie primitive de l'angiotensinogène pourrait se conduire comme un facteur favorisant à la maladaptation circulatoire observée dans cette pathologie. Outre l'élévation dans le plasma d'une forme de haut poids moléculaire de l'angiotensinogène, des études de liaison et d'association ont été rapportées comme positives entre le gène de l'angiotensinogène et l'hypertension artérielle de la grossesse [ 2], [49 ].
Plusieurs autres mutations du gène de l'angiotensinogène, plus rares, ont été également identifiées (fig 1). Chacune d'entre elles a des conséquences fonctionnelles particulières. Citons la mutation faux-sens LeuPhe en position 10, retrouvée à l'état hétérozygote chez une femme ayant présenté une prééclampsie [ 19 ] et qui se situe sur le site de clivage de l'angiotensine I par la rénine. Les résultats des test cinétiques effectués, in vitro et in vivo, montrent une efficacité catalytique (Kcat/Km) de la rénine pour l'angiotensinogène muté environ deux fois supérieure à celle observée pour la forme sauvage. Cela permet de supposer que la présence de ce variant pourrait, au moins dans certains cas d'activation ou de non-régulation du SRA, représenter un facteur génétique contribuant à une élévation de la synthèse d'angiotensine II et, en conséquence, à une élévation de la pression artérielle. La stimulation du SRA pendant la grossesse peut représenter une telle circonstance.

La deuxième mutation faux-sens bien explorée est la modification Tyr Cys en position 248 de l'angiotensinogène mature. L'exploration d'une famille française a montrée que la mutation à l'état hétérozygote est associée à une baisse de la concentration plasmatique d'angiotensinogène d'environ 40 %, à une altération de la sécrétion de la protéine in vitro en cellules CHO, à une modification de la reconnaissance immunologique de la protéine par des anticorps monoclonaux, ainsi qu'à une modification de sa glycosylation [ 13 ].
Le dernier gène candidat du système rénine dans l'hypertension artérielle est constitué par le récepteur de type 1 de l'angiotensine II (AT1R). Ce récepteur à sept domaines transmembranaires, couplé aux protéines G, est impliqué dans la plupart des fonctions principales de l'angiotensine II dans l'organisme. L'hypothèse de mutations activatrices de ce récepteur et dans l'hypertension artérielle n'a pas pu être démontrée. Un polymorphisme en aval du récepteur pourrait être associé à une fréquence accrue d'hypertension artérielle essentielle, mais il n'existe pas de coségrégation entre le gène de l'AT1R et l'hypertension artérielle sur près de 200 familles collectées au sein de l'hôpital Broussais [ 4 ].

Plusieurs autres gènes candidats ont été évalués dans l'hypertension artérielle essentielle humaine. Nous analyserons brièvement trois d'entre eux.

NO synthase
La synthèse d'oxyde nitrique (NO) par l'endothélium joue un rôle important dans l'équilibre du tonus vasculaire et plusieurs études ont suggéré que les sujets hypertendus ont une capacité de vasodilatation endothélium-dépendante altérée. De plus l'inactivation de la NO synthase chez la souris entraîne une élévation de la pression artérielle, sensible au sel [ 17 ]. Cependant, à ce jour, les études cas-témoins ou les études de liaison ont été négatives [ 5 ], suggérant qu'il n'existe pas de variation génétique, fréquente à ce niveau, responsable de l'hypertension artérielle essentielle.

Gène SA
Après avoir été identifié à partir d'une stratégie d'expression différentielle au niveau du rein, le gène SA a été montré comme lié au niveau de pression artérielle dans plusieurs souches de rats hypertendus [ 20 ]. Après clonage du gène SA chez l'homme et identification de marqueurs polymorphes dans la région, l'équipe de Soubrier n'a pas retrouvé de liaison ou d'association avec l'hypertension artérielle, malgré l'utilisation d'un large panel de familles hypertendues [ 31 ].

-adducine
L'adducine est une protéine du cytosquelette qui interagit avec d'autres protéines cytosoliques et membranaires et qui pourrait avoir un rôle dans la transduction du signal et dans le transport ionique à travers la membrane. L'intérêt pour ce gène a été amplifié par la découverte de mutations faux-sens sur le gène de l'-adducine et de la liaison de ce locus avec l'hypertension artérielle de la souche de rats hypertendus développée par l'équipe de Bianchi à Milan [ 3 ]. De façon intéressante, il existe également des polymorphismes (mutations faux-sens) chez l'homme qui ont été rapportées par le même groupe comme associées à une élévation de pression artérielle [ 9 ].

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Bien qu'elles ne représentent qu'un pourcentage faible des hypertendus, ces formes représentent une avancée considérable dans la compréhension moléculaire du déterminisme génétique de l'hypertension artérielle.
L'hyperaldostéronisme suppressible par la dexaméthasone (HSD) associe une hypertension précoce, souvent apparue avant l'âge de 20 ans, et un tableau biologique d'hyperaldostéronisme primaire (hypokaliémie, rénine plasmatique basse, aldostérone plasmatique et urinaire élevée) d'intensité variable. Elle se distingue des autres hyperaldostéronismes primaires par son caractère familial, sa transmission autosomique dominante, par l'importante production de stéroïdes 18-hydroxylés, et par la normalisation de l'aldostérone et de la pression artérielle par de faibles doses de dexaméthasone.
La découverte du défaut moléculaire responsable de HSD en 1992 a transformé la stratégie diagnostique de la maladie. Chez l'homme, les deux gènes CYP11B1 (11 OHase) et CYP11B2 (aldostérone synthase) possèdent une très forte homologie de séquence (93 % en acides aminés) et sont situés très proches l'un de l'autre (environ 50 kb) sur le bras long du chromosome 8. Sur une grande famille atteinte de HSD, Lifton et al [ 28 ] ont montré la survenue d'une duplication-fusion entre la région promotrice du gène CYP11B1 et la région codante du gène CYP11B2. Cette duplication-fusion, par crossing-over et recombinaison inégale aboutit à la présence d'un gène chimérique, dont l'activité est celle de l'aldostérone synthase mais dont la spécificité tissulaire et la régulation sont celles de la 11 OHase. L'étude de recombinants in vitro a permis de montrer l'importance des exons 5 et 6 dans la spécificité de l'activité aldostérone synthase [ 33 ]. Il existe donc au niveau des zones glomérulée et fasciculée une synthèse excessive, génétiquement transmise et dépendante de l'adrenocorticotrophic hormone (ACTH) de composés minéralocorticoïdes (aldostérone, 18 OH et 18 oxocortisol). L'étude d'une famille française a souligné la possibilité d'adénomes ou macronodules surrénaliens dont la culture primaire montre la sensibilité à ACTH [ 34 ].
Un des intérêts majeurs de la connaissance de cette pathologie est la possibilité d'un traitement spécifique basé sur de petites doses de dexaméthasone associé à un antialdostérone. Les sièges possibles de recombinaison entre CYP11B1 et CYP11B2 sont encadrés par des sites de restriction enzymatique, permettant une sensibilité complète du dépistage de la maladie par southern-blot.
Le syndrome de Liddle est également une maladie autosomique dominante caractérisée par une hypertension artérielle sévère s'accompagnant d'une hypokaliémie avec alcalose métabolique. Il existe une expansion volémique non liée à une production excessive d'aldostérone ou d'autres minéralocorticoïdes comme le montrent les niveaux bas de rénine et d'aldostérone plasmatiques. Le premier cas a été décrit par Liddle en 1963 [ 27 ] et, dès cette époque, l'hypothèse d'une réabsorption accrue de sodium au niveau du tube rénal distal a été avancée, hypothèse renforcée par la guérison de la maladie après transplantation rénale, et corrections de l'hypertension et l'hypokaliémie par le triamtérène ou l'amiloride. La connaissance moléculaire de la structure du canal épithélial a permis d'élucider le type de mutation génétique à l'origine de la maladie.
Le canal Na épithélial sensible à l'amiloride (ENaC) est un canal ionique localisé dans la membrane apicale des épithéliums impliqués dans la réabsorption du sodium (tubule rénal, colon descendant, arbre trachéobronchique, glandes sudoripares) et dont les propriétés électrophysiologiques sont très particulières : grande sélectivité vis-à-vis de l'ion sodium, faible conductance, blocage sélectif par l'amiloride. Il est composé d'au moins trois sous-unités, constituées chacune d'une extrémité N-terminale cytoplasmique, de deux segments membranaires séparés par une boucle extracellulaire d'environ 400 acides aminés et d'une extrémité C-terminale cytoplasmique [ 7 ]. Ces sous-unités possèdent une homologie de séquence avec les gènes mec-4 et deg-1 du nématode Caenorhabditis elegans, impliqués dans la mécanotransduction. L'ensemble de ces gènes pourraient appartenir à une famille génique codant pour des canaux cationiques, impliqués dans le contrôle du volume intra- et extracellulaire.
Schimkets et al [ 42 ] ont mis en évidence une liaison génétique complète entre la maladie existant dans la famille initiale décrite par Liddle et le gène codant pour la sous-unité du canal (1994). Depuis lors, six mutations différentes de la sous-unité et une mutation de la sous-unité ont été mises en évidence dans huit familles non apparentées atteintes de la maladie de Liddle [ 14], [47 ]. Cinq d'entre elles aboutissent à l'introduction d'un codon stop ou à un décalage du cadre de lecture, générant une chaîne tronquée à son extrémité carboxyterminale. Les deux autres sont des mutations ponctuelles situées au niveau d'un motif proline-tyrosine carboxyterminal hautement conservé. Dans chaque cas, l'augmentation du courant sodium liée à la mutation a pu être démontrée, par expression des chaînes mutées dans des oocytes de Xénope, qui témoigne d'une activité normale de chaque canal mais d'une augmentation du nombre de canaux disponibles à la membrane.
L'élucidation moléculaire de la fonctionnalité des mutations présentes dans la maladie de Liddle est très récente. Chacune des sous-unités possèdent deux motifs comportant plusieurs prolines et une tyrosine (motif PY) hautement conservées à travers les espèces. Staub et al [ 45 ] ont montré la possibilité d'une liaison du motif PY carboxyterminal des sous-unités du canal Na épithélial avec la protéine Nedd4 via des domaines double tryptophane (WW). Nedd4 possède également un domaine calcium-dépendant liant les lipides (et donc la membrane cellulaire) et un domaine homologue au domaine C-terminal des ubiquitine-ligases. Nedd4 pourrait constituer un ligand intracellulaire physiologique de l'extrémité carboxy-terminale des sous-unités du canal sodium épithélial et jouer un rôle critique dans l'endocytose et la dégradation du canal. Dans le syndrome de Liddle, l'absence ou la non-fonctionnalité du motif PY rendent vraisemblablement impossible la liaison de Nedd4 à la sous-unité mutée (fig 2). Il pourrait en résulter un turnover anormal du canal sodium avec un nombre augmenté de canaux à la membrane plasmique, responsable de la réabsorption sodée excessive à l'origine de l'hypertension artérielle.

Le syndrome d'excès apparent de minéralocorticoïdes (syndrome d'Ulick) est un syndrome rare, décrit chez environ 25 patients à ce jour, responsable chez l'enfant d'une hypertension artérielle sévère avec hypokaliémie et inhibition du système rénine angiotensine aldostérone [ 48 ]. Ce syndrome, transmis selon le mode autosomal récessif, est secondaire à un déficit en 11 hydroxystéroïde déshydrogénase (11HSD). Cette enzyme constitue un complexe enzymatique qui transforme le cortisol actif en cortisone inactive.
Des mutations du gène de la 11HSD2 à l'état homozygote ou hétérozygote combiné, ont été montrées chez les personnes atteintes [ 30], [46 ]. Le déficit enzymatique aboutit à des concentrations intratissulaires importantes de cortisol qui agit alors comme un puissant minéralocorticoïde, en particulier au niveau des récepteurs minéralocorticoïdes du tubule rénal. Malgré une cortisolémie normale, il en résulte donc un rapport cortisol/cortisone très élevé dans les urines et une hypertension artérielle mimant celle produite par un hyperaldostéronisme.

Autres formes
Il existe d'autres formes d'hypertension artérielle où l'élévation de la pression artérielle n'est que contingente à un tableau clinique plus complexe. C'est le cas de certains blocs enzymatiques surrénaliens (déficits en 11 OHase, en 17 OHase). Le phéochromocytome traduit dans 5 à 10 % des cas la présence d'une maladie héréditaire, MEN 2A, 2B, maladie de von Hipple-Lindau, pour lesquelles les gènes ont été identifiés. La concentration des mutations dans la MEN2A donne un contexte favorable à un dépistage génétique de routine par recherche de mutations sur les exons 10, 11, 13 et 16 de l'oncogène RET. La polykystose rénale (PKR) s'accompagne le plus souvent d'une hypertension artérielle qui peut jouer un rôle défavorable dans l'évolution de la fonction rénale. Des progrès majeurs sur le déterminisme génétique de cette pathologie ont été effectués ces dernières années avec l'identification des gènes PKD1, PKD 2 et ARPKD. Une forme particulière d'hypertension artérielle associée à une brachydactylie a été montrée dans une famille d'origine turque avec une liaison génétique sur le chromosome 12 [ 43 ].

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Le développement de marqueurs hautement polymorphes, la sélection d'un grand nombre de familles sur des critères de sévérité et d'aggrégation familiale du trait, l'utilisation de phénotypes biologiques plus fins, la caractérisation de gènes responsables d'une élévation de pression artérielle chez des souches d'animaux sélectionnés pour ce trait, les progrès rapides des techniques de biologie moléculaire (en particulier pour la recherche directe de mutations) devraient permettre de progresser rapidement dans la compréhension de l'hypertension artérielle essentielle. La possibilité d'étude de liaison génétique par des marqueurs anonymes positionnés tout le long du génome (qui requiert un grand nombre de marqueurs et de familles) permettrait, en revanche, de ne pas cantonner l'étude des gènes à ceux qui sont déjà connus pour réguler physiologiquement la pression artérielle.
L'évolution de la contribution de tel ou tel locus dans l'hypertension artérielle essentielle permettra de démembrer l'hypertension essentielle en différentes formes cliniques selon les gènes impliqués, voire selon les mutations impliquées. Les données du risque génétique permettront d'orienter le choix thérapeutique et d'aboutir, à terme, à une individualisation moléculaire du traitement. L'éventuelle association préférentielle de complications spécifiques de certaines formes d'hypertension artérielle ainsi reconnues sera appréciée par des études cliniques. La prédiction d'un risque particulier de complications sera également à la base d'un traitement plus adapté, voire d'une surveillance accrue. Enfin la prédiction d'un risque génétique favorisera une prévention ciblée de la maladie.

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