Anévrysmes de l'aorte abdominale sous-rénale









Jean-Noël Fabiani: Professeur des Universités, chirurgien des Hôpitaux
Christophe Saliou: Ancien chef de clinique, assistant des hôpitaux de Paris
Service de chirurgie cardiovasculaire, unité de chirurgie vasculaire, hôpital Broussais, 96, rue Didot, 75014 Paris France
11-645-A-10 (1997)



Résumé

Les anévrysmes de l'aorte abdominale sont les plus fréquents de tous les anévrysmes artériels. Ils ont été étudiés de façon approfondie depuis la première mise à plat-greffe effectuée par Dubost en 1952. La rupture, risque évolutif majeur, est mortelle chez 50 % des patients arrivant à l'hôpital. Elle ne doit pas faire renoncer à l'intervention en extrême urgence, malgré plusieurs publications tentant régulièrement d'établir des critères préoprératoires de gravité.
L'échographie est l'examen du dépistage, de la surveillance et du suivi postopératoires.
Les techniques chirurgicales ont peu évolué, mais l'anesthésie et la réanimation per- et postopératoires permettent d'atteindre des taux de mortalité très faibles pour des équipes entraînées dans la chirurgie non urgente de l'anévrysme de l'aorte abdominale. La chirurgie reste le traitement de référence, et la place de l'endovasculaire reste à définir.

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Plan

Introduction
Historique
Définition
Anatomie
Fréquence
Étiologie et pathogénie
Formes étiologiques
Évolution
Diagnostic clinique
Examens complémentaires à visée diagnostique
Bilan préopératoire
Traitement

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Les anévrysmes de l'aorte abdominale (AAA) représentent la treizième cause de mortalité aux États-Unis, et sont les plus fréquents de tous les anévrysmes artériels [ 36 ] (fig 1). Cette pathologie a connu en 40 ans des bouleversements sur tous les plans. Le mode de dépistage a complètement changé avec l'avènement de l'échographie et du scanner abdominal [ 71], [80 ]. Les anévrysmes sont maintenant découverts le plus souvent de façon fortuite lors de la réalisation d'une échographie abdominopelvienne au cours du bilan d'un adénome prostatique, ou d'un scanner abdominal dans le bilan d'une pathologie digestive. Les patients sont vus à un stade plus précoce. Ceci a deux conséquences : moins d'anévrysmes rompus sont opérés, mais des patients plus jeunes porteurs de lésions anévrysmales entre 3 et 5 cm se retrouvent soumis à une surveillance annuelle ou semestrielle, voire trimestrielle selon des critères qui ne sont pas toujours bien définis. Le dialogue chirurgien-radiologue-médecin traitant avec le patient doit être univoque et précis quant aux éventuelles douleurs abdominales qui nécessitent une hospitalisation d'urgence. Mais comment appréhender l'angoisse des patients conscients de la gravité potentielle de cette lésion, qui sont reconvoqués de façon régulière pour le suivi de l'anévrysme ? Certains inciteront le chirurgien à une intervention rapide. Pourquoi ne pas opérer les patients à un stade plus précoce plutôt que d'attendre la dégradation de leur fonction myocardique, ou l'apparition de tares contre-indiquant alors momentanément, voire définitivement la chirurgie [ 81 ] ?

L'épidémiologie des AAA s'est modifiée elle aussi. La prédominance masculine est évidente pour tous, mais des facteurs familiaux sont reconnus [ 47 ].
L'étiopathogénie a, elle aussi, évolué et l'anévrysme de l'aorte ne peut plusêtre considéré comme une manifestation banale de la maladie athéromateuse. Des facteurs génétiques, métaboliques, enzymatiques et cellulaires sont évoqués [ 3], [94], [95 ].
Le bilan préopératoire des AAA varie selon les équipes, surtout dans la recherche d'une pathologie coronarienne associée [ 32], [100 ]. Aucun examen non invasif ne peut, pour l'instant, exclure de façon formelle une pathologie coronarienne grave. La morbidité et la mortalité négligeables de la coronarographie préopératoire, face au risque de l'infarctus du myocarde périopératoire, incitent à la réalisation de cet examen. Il est vrai que les indications de revascularisations myocardiques doiventêtre clairement définies. L'interrogatoire, l'examen clinique, l'électrocardiogramme de repos et d'effort prennent alors toutes leurs valeurs avant de déclencher des examens complémentaires plus invasifs. En effet, les études ne sont pas toujours concordantes quant aux résultats des revascularisations myocardiques préventives [[38], [43]].
Mais le bouleversement à venir sera peut-être thérapeutique. Même si certaines publications font état de ralentissement de la croissance d'anévrysmes chez certaines espèces animales traitées par bêtabloqueurs, le traitement doit rester chirurgical [ 83 ]. Le traitement par endoprothèses nécessite des études expérimentales fiables, et le règlement de certains problèmes techniques : le recouvrement des ostia rénaux, mésentérique inférieur et iliaques internes dans les prothèses bifurquées, les fuites périprothétiques et la réinjection de la coque anévrysmale par les artères lombaires [ 62 ]. De plus, la mise en place d'un tel matériel nécessite de " naviguer " dans la lumière artérielle au contact du thrombus mural, avec des possibilités de migrations et d'embolies distales. Ces techniques seront de plus à comparer aux techniques chirurgicales usuelles, dont les résultats, au sein des équipes entraînées, donnent des taux de mortalité inférieur à 3 % [ 49 ].

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Quelques dates importantes ont récemment été rappelées par Thévenet [ 93 ] :

- 1951 : première intervention par résection-greffe effectuée par Dubost [ 31 ] ;
- 1964 : première série d'anévrysmes aortiques opérés : De Bakey et al [ 27 ] ;
- 1966 : Szylagyi et al démontrent le bénéfice sur la survie à long terme de la chirurgie des AAA [ 89 ].
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Un anévrysme artériel correspond à une dilatation localisée d'un segment plus ou moins long d'artère avec perte du parallélisme des bords, qui permet la distinction avec le seul diagnostic différentiel existant : l'artériomégalie, qui correspond à une dilatation diffuse de tout le système artériel [ 44 ]. Du diamètre aortique dépendent les indications chirurgicales, celui-ci varie selon l'âge et le sexe. Steinberg et al ont mesuré sur des artériographies les limites du diamètre aortique chez des patients de plus de 40 ans (tableau I) [ 85 ]. Selon le Ad Hoc Comitee, le diamètre moyen est compris entre 1,4 et 2,05 cm chez l'homme adulte et 1,19 et 1,87 cm chez la femme [ 85 ]. La définition de l'anévrysme doit donc tenir compte de ces limites, et du diamètre transverse interne de l'anévrysme comparé au calibre de l'aorte sus-jacente considérée comme normale. L'anévrysme est une dilatation qui atteint une fois et demie le calibre de l'artère, les chiffres inférieurs étant considérés comme des ectasies. Un diamètre transversal de l'aorte abdominale sous-rénale supérieur à 35 mm chez l'homme et 30 mm chez la femme est considéré comme un anévrysme [ 50 ].
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L'aorte abdominale est la partie terminale de l'aorte. Elle est située dans l'espace rétropéritonéal, en avant et légèrement à gauche du rachis dorsolombaire. Elle a une direction oblique en bas et à droite. Son origine se situe au niveau de l'orifice diaphragmatique par lequel elle pénètre dans l'espace rétropéritonéal, en D12. L'aorte abdominale sous-rénale en est le segment distal et débute en dessous de l'origine des artères rénales (tiers inférieur du corps vertébral de L1, ou bord supérieur du corps vertébral de L2). Elle correspond au segment V de la classification chirurgicale [ 93 ]. Elle a une longueur de 10 cm environ qui peut varier selon la situation haute ou basse de sa bifurcation en artères iliaques primitives : tiers supérieur de L5 ou de L4, dont la projection cutanée est l'ombilic. L'épaisseur de la paroi aortique normale est d'environ 0,7 mm. Elle se termine en deux artères iliaques primitives qui forment un angle de 60 à 70°. Cette bifurcation siège au-dessus du confluent des deux veines iliaques primitives. Les collatérales de l'aorte abdominale sous-rénale sont de cinq types.
Artères rénales
La disposition modale en une artère rénale droite, et une artère rénale gauche n'est présente que dans 50 à 80 % des cas [ 54 ]. Une artère polaire est présente chez 2 à 5 % des sujets normaux. Elle peut naître de l'aorte ou des artères iliaques primitives. Les artères polaires passent en avant de la veine cave inférieure et posent le problème de leur réimplantation lors de la cure des anévrysmes sous-rénaux (fig 2).
Artères lombaires
En nombre variable-classiquement, quatre paires d'artères lombaires naissent de l'aorte abdominale sous-rénale -, elles sont parfois responsables de pertes sanguines importantes au cours de la mise à plat des anévrysmes.
Artères gonadiques
Elles partent, de façon le plus souvent symétrique, des bords latéraux de l'aorte, mais dans 17 % des cas elles naissent des artères rénales.
Artère mésentérique inférieure
Elle naît du bord antérolatéral gauche de l'aorte 6 à 8 cm en dessous des artères rénales. Elle vascularise le côlon gauche et le sigmoïde, et développe des anastomoses importantes avec les branches des artères hypogastriques.
Artère sacrée moyenne
Elle naît de façon quasi constante de la bifurcation aortique. En arrière, l'aorte abdominale est séparée du rachis lombaire par le grand ligament vertébral antérieur. En avant, elle entre en contact en haut avec le bloc duodénopancréatique accolé par le fascia de Treitz (au niveau L2-L3), dont la section constitue le premier temps de l'abord chirurgical de l'aorte abdominale sous-rénale ; cette dernière est recouverte par le péritoine pariétal postérieur. Les éléments du système nerveux végétatif sont constitués par le plexus intermésentérique et le plexus mésentérique inférieur. La veine rénale gauche passe transversalement en avant et en haut (niveau L2). Elle représente la limite supérieure de la dissection chirurgicale de l'aorte abdominale sous-rénale. L'artère mésentérique supérieure et les artères rénales partent légèrement au-dessus de la veine rénale gauche (au niveau L2). Sur le bord gauche de l'aorte, se trouvent les plexus sympathiques intermésentériques, suivis en bas par le plexus hypogastrique qui croise la face antérieure de l'artère iliaque primitive gauche. La section chirurgicale de ceux-ci est responsable d'éjaculation rétrograde [ 61 ]. Les rapports plus lointains sont représentés par le muscle psoas iliaque et le rein gauche. À droite de l'aorte, se trouve la veine cave inférieure. Le confluent iliocave se situe en regard du corps vertébral de L5, mais la veine iliaque primitive gauche est surcroisée par l'artère iliaque primitive droite. La veine cave inférieure reçoit, dans sa portion abdominale, les veines lombaires gauches qui longent la face postérieure de l'aorte. Le sigmoïde à gauche et les anses grêles en avant constituent des rapports plus lointains. Les uretères, plus externes, sont concernés par la chirurgie des artères iliaques, mais peuvent se médialiser en cas d'anévrysmes inflammatoires [ 99 ].
Anomalies veineuses
Elles sont importantes à connaître car les plaies veineuses, au cours de la chirurgie aortique, peuvent entraîner des hémorragies massives. La tomodensitométrie (TDM) est un examen essentiel dans leur diagnostic préopératoire. Elles sont dues à la persistance de la veine sus-cardinale ou de la veine périaortique. L'incidence de 2 % rapportée par De Laurentis et al est semblable à celle des autres auteurs [ 28 ]. Quatre types principaux d'anomalies sont décrits.
Veine rénale gauche rétroaortique
La plus fréquente, elle est rapportée 13 fois par De Laurentis et al [ 28 ]. Ces auteurs insistent sur la dissection chirurgicale qui doitêtre menée vers le haut jusqu'à ce que la veine rénale soit identifiée ; son trajet est habituellement oblique vers le bas pour rejoindre la veine cave.
Veine rénale gauche double
Elle peutêtre présente même en cas de veine rénale gauche antérieure. Le segment postérieur peutêtre haut situé ou oblique vers le bas.
Veine cave inférieure double
La veine cave inférieure comporte alors deux segments qui se rejoignent, en règle, au niveau des veines rénales. Ce segment gauche de veine cave inférieure peutêtre postérieur ou antérieur.
Veine cave inférieure gauche
Elle est le plus souvent préaortique. C'est l'anomalie veineuse la moins fréquente (0,5 %).
Anomalies rénales
Deux types d'anomalies congénitales du haut appareil urinaire peuvent modifier la technique chirurgicale : les anomalies de la fusion et celles de l'ascension rénale.
Rein en " fer à cheval "
C'est l'anomalie la plus fréquente. Les études autopsiques et les revues de littérature rapportent une incidence de 2,5/1 000 [ 20 ]. Les deux reins sont correctement latéralisés mais présentent un défaut de rotation avec fusion des deux pôles inférieurs. Cette fusion est le plus souvent constituée de parenchyme rénal normal, et siège de façon quasi exclusive en avant de l'aorte (fig 4). Près d'une centaine de cas d'associations rein en " fer à cheval " et AAA sous-rénale ont été colligés par Lesage et al dans une revue de littérature extensive en 1990 [ 54 ]. Les principaux intérêts de cette association sont l'identification de la vascularisation rénale préopératoire et l'abord de l'aorte sous-rénale.
Anomalies de l'ascension rénale
Elles se caractérisent par une situation pelvienne, iliaque ou intrathoracique d'un ou des deux reins. Leur étiologie est inconnue. Elles sont associées, dans près d'un tiers des cas, à des malformations génitales. Leur fréquence est extrêmement faible : environ 1/1 000 des séries autopsiques [ 54 ].
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Les AAA sous-rénale ont été particulièrement bien étudiés car ils représentent la localisation la plus fréquente de la maladie anévrysmale : 62,5 % de tous les anévrysmes artériels, devant les anévrysmes de l'artère poplitée, qui ne représentent que 16 % [ 29 ]. Ils sont situés en règle 2 à 3 cm en dessous des artères rénales, ce qui correspond à l'émergence de la deuxième paire d'artères lombaires. Cette fréquence particulière serait en partie due aux conditions hémodynamiques locales [ 59 ]. C'est une pathologie de fréquence croissante : 16 % de cas supplémentaires par an, parmi les populations nord-américaines et européennes [ 36 ]. Cet accroissement ne semble pas seulement dû à la multiplication des examens complémentaires (échographie, TDM) faits pour d'autres pathologies. Le vieillissement de la population est sûrement en cause, mais il semble exister une augmentation vraie de cette incidence. Celle-ci varie de 1,8 à 6,6 % dans les études autopsiques [ 97 ]. La fréquence est estimée à 45/100 000 chez l'homme et à 20/100 000 chez la femme. Le sex ratio varie selon les séries de trois à huit hommes pour une femme, mais la prédominance masculine a tendance à diminuer avec l'âge [ 50 ].
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L'AAA sous-rénale est classiquement considéré comme une manifestation de l'athérosclérose. Hammond a démontré la forte corrélation entre la survenue d'un AAA, l'intoxication tabagique et l'hypertension artérielle [ 42 ]. Cronenwett a trouvé une incidence élevée d'hypertension artérielle chez les malades porteurs d'un AAA avec une forte corrélation entre la survenue d'une rupture, une bronchopathie obstructive préexistante et une pression artérielle diastolique élevée [ 25 ]. Il n'existe pas de vasa vasorum au niveau de l'aorte abdominale. La nutrition se fait par diffusion à partir de la lumière artérielle, celle-ci pouvantêtre annihilée par la plaque d'athérome. Cependant, certains malades porteurs d'AAA ne présentent aucun des facteurs de risque classiques. Pour Gandhi et al, ces facteurs de risque ne pourraient ainsiêtre que des catalyseurs de la formation des anévrysmes artériels [ 36 ]. Il est possible que les lésions athéroscléreuses soient la conséquence plutôt que la cause des anévrysmes. Les régimes fortement athérogènes n'entraînent pas forcément de lésions anévrysmales chez l'animal. Les modèles expérimentaux d'athérome mettant en jeu le traumatisme endothélial et/ou la surcharge lipidique ne donnent qu'exceptionnellement des anévrysmes. Des cas familiaux ont été recensés et des études de protéolyse du collagène ont mis en évidence des enzymes dans la paroi anévrysmale [ 1], [2], [51 ]. À partir de ces constatations, d'autres hypothèses ont été formulées. Une mutation sur le chromosome X de souris, d'espèce déterminée, affecte le couplage élastine-collagène. Cette anomalie vient interférer avec le métabolisme du cuivre [ 2], [47 ]. Selon Johansen, le risque serait six fois plus élevé chez les parents au premier degré d'un malade porteur d'un AAA [ 47 ]. Une fréquence anormalement élevée d'AAA a été récemment mise en évidence chez des malades atteints d'hypercholestérolémie familiale [ 51 ]. Le groupe sanguin O serait également plus fréquemment rencontré chez les porteurs d'AAA [ 22], [60 ]. Histologiquement, l'aorte abdominale contient plus de collagène et moins d'élastine que l'aorte thoracique, ce qui la rend plus rigide et moins distensible. Elle contient d'autre part un nombre d'unités lamellaires (unité structurale de la média) moins important que ne le laisserait supposer son diamètre. Les pressions s'exerçant sur la paroi artérielle sont régies par la loi de Laplace. L'augmentation du rayon aortique et la diminution de l'épaisseur entraînent une augmentation de la tension pariétale avec tendance naturelle à l'accroissement du diamètre aortique. Quand le vaisseau est de forme cylindrique, la tension pariétale est égale au produit de la pression transmurale par le rayon [ 39 ]. Le stress pariétal exercé sur un vaisseau dépend en fait, non seulement de la tension, mais également du pouvoir de ce vaisseau à résister à cette tension, c'est-à-dire de son épaisseur et de la qualité de la paroi. La formule de Peterson fait intervenir l'épaisseur de la paroi artérielle dans l'expression du risque de rupture. Plus l'artère se dilate, plus la force exercée sur la paroi entraîne une modification des composants histologiques : diminution des fibres élastiques aux dépens des fibres collagènes ; il s'ensuit une augmentation de la rigidité pariétale. Quand l'artère devient sphérique, l'acquisition d'un second rayon lui permet d'augmenter sa résistance. Il a été possible d'établir une corrélation entre le risque de rupture dans les 5 ans qui suivent la découverte de l'anévrysme et la taille de celui-ci : il est de 15 % si le diamètre est de 4 cm et de 75 % si le diamètre est à 8 cm. L'accentuation de la courbe est nette pour le diamètre de 5 cm, qui constitue le point critique de l'évolution anévrysmale. Le thrombus mural pourrait sembler jouer un rôle tampon en augmentant l'épaisseur artérielle. En fait, il ne constitue qu'un agent minime dans le maintien de l'équilibre pariétal. Le rôle des calcifications est lui aussi très modéré dans le maintien de cet équilibre. Leur présence représente plus un phénomène évolutif surajouté, ne pouvant en aucun cas éviter la rupture. Les points fixes constitués par les collatérales contraignent les artères à se couder et à devenir tortueuses. La présence d'un gros anévrysme aortique peut avoir des conséquences sur la pression artérielle centrale, car il agit dans certains cas comme " amortisseur ". Ainsi, la pression systolique qui monte chez un patient athéromateux aux artères indurées est-elle compensée par la dilatation aortique, qui offre un élément ralentisseur et compliant en série sur le système. En cas de mise à plat par une prothèse non compliante, la conséquence hémodynamique sera une augmentation de la pression systolique, nécessitant parfois un traitement spécifique. Les points fixes constitués par les artères lombaires contraindraient, selon certains auteurs, les artères à se couder, notamment chez les patientsâgés et hypertendus [ 37 ]. Le reflux diastolique sur la bifurcation aortique participerait à cette dilatation artérielle [ 59 ]. Il existe une diminution des contenus en élastine et en collagène des parois anévrysmales. La collagénase, enzyme protéolytique, est présente dans la paroi des anévrysmes rompus [ 16 ]. Cette lyse du collagène est étayée par des études in vivo. Anidjar a réalisé un modèle expérimental d'AAA par perfusion d'élastase dans l'aorte de rat [ 3 ]. Cependant, dans les parois des anévrysmes aortiques, la mise en évidence d'enzymes protéolytiques est très difficile et, comme le précise Anidjar, les véritables enzymes lytiques des parois, et surtout les mécanismes déterminant leur présence et leur mise en oeuvre, restent à déterminer. La laparotomie pourrait provoquer une augmentation de l'activité protéolytique circulante, ce qui expliquerait certaines ruptures anévrysmales survenues après chirurgie abdominale [ 88 ]. Ils ont été impliqués dans la genèse des anévrysmes de l'aorte. Selon Anidjar, cette carence pourrait jouer un rôle au moment de la maturation des anévrysmes [ 3 ]. Tilson a montré, sur des prélèvements autopsiques, hépatiques, que le taux de cuivre est abaissé chez les malades ayant un AAA [ 1], [94 ]. Cependant, d'autres auteurs ont montré que le taux de cuivre de la paroi anévrysmale était élevé sur des prélèvements frais [ 38 ]. En 1986, Beckman a mis en évidence des infiltrats inflammatoires dans les parois anévrysmales [ 10 ]. Dans la plupart des cas, existait un infiltrat au niveau de l'adventice. Ces constatations ne doivent cependant pas amener à la dénomination abusive d'anévrysmes dits " inflammatoires " de façon systématique. Ce terme doitêtre employé seulement pour un anévrysme présentant une fibrose périaortique intense [ 84], [99 ]. Les macrophages sont, d'autre part, présents dans les plaques d'athérome et dans les lésions athéromateuses expérimentales. La présence d'une fragmentation des fibres élastiques est toujours associée à un infiltrat inflammatoire important. D'autre part, les polynucléaires neutrophiles et les macrophages peuvent produire des enzymes protéolytiques. La plasmine serait un activateur puissant des proélastases et des collagénases.
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Définition
Les anévrysmes inflammatoires de l'aorte abdominale (AAAI) sont une entité clinique, radiologique, macroscopique et thérapeutique. Ils représentent environ 10 % de tous les anévrysmes abdominaux, avec des chiffres variables selon les séries (1,1 à 10 %) mais, comme le précisent Suy et al, la variation de cette incidence dépend des critères choisis : poussée douloureuse ou définition de la Mayo Clinic :
- paroi anévrysmale épaisse, aspect blanc nacré ;
- fibrose rétropéritonéale associée ;
- adhérences aux organes de voisinage et notamment, à la veine cave inférieure, le duodénum, la veine rénale gauche, ce qui rend compte de la difficulté du geste opératoire [ 72], [86], [87 ].


Anatomopathologie
Sur le plan macroscopique, l'anévrysme inflammatoire est caractérisé par une paroi épaisse, fibreuse, avec fibrose périaortique, qui donne un aspect blanc, nacré. La paroi postérieure de l'aorte est souvent normale.
Sur le plan microscopique, il n'existe que des signes inflammatoires non spécifiques au niveau de la paroi. Il n'y a pas d'hémosidérine dans la fibrose périaortique.

Étiologie
L'hypothèse communément admise est celle d'une réaction auto-immune aux composants athéromateux de la paroi anévrysmale (céroïde). D'autres hypothèses ont été avancées : fibrose due à des microhémorragies répétées, compression des vaisseaux lymphatiques par l'anévrysme et extravasation [ 87 ].

Clinique
Les douleurs abdominales et lombaires, associées à une perte de poids, sont relativement caractéristiques des anévrysmes inflammatoires : 66 % des patients de la série de Suy et al présentaient des douleurs de ce type [ 87 ].
Les complications urinaires peuvent révéler ces anévrysmes. Selon Lesèche et al, des complications urinaires peuvent survenir dans 41 % des cas [ 55 ]. Des anuries révélatrices sont possibles [ 84 ].
Malgré l'engainement possible de la veine cave inférieure par la fibrose, les oedèmes des membres inférieurs sont rares. De même les obstructions duodénales sont exceptionnelles.
Les embolies distales et les ruptures seraient moins fréquentes que dans les anévrysmes athéromateux. Les ruptures semblent plus volontiers postérieures, là où la fibrose est moins développée, et peuvent évoluer sur un mode chronique, à type de rupture cloisonnée.
Enfin ils sont asymptomatiques dans 5 à 20 % des cas selon les séries [ 87 ].

Biologie
Classiquement, la vitesse de sédimentation (VS) est élevée (73 % des patients de la série de Pennell [ 72 ]). Mais sa normalité n'exclut pas le diagnostic et dans certaines séries, il n'y a pas plus d'anomalies de la VS dans les AAAI, que dans les AAA banals.

Examens radiologiques
L'échographie abdominale est fiable pour apprécier le retentissement urinaire, elle l'est beaucoup moins pour reconnaître les caractéristiques des anévrysmes inflammatoires.
L'artériographie n'a aucun caractère spécifique dans ce contexte.
Le scanner et l'imagerie par résonance magnétique (IRM) sont les deux examens de référence, nettement supérieurs à ceux de l'échographie dans le diagnostic des AAAI [ 92 ].
Ces examens montrent une répartition en " cocarde " : la lumière artérielle, le thrombus mural, puis la couronne hyperdense autour de la paroi aortique calcifiée, mais surtout antérolatérale, sur 1,5 à 2 cm. Ils apprécient également l'étendue de la fibrose périaortique, grâce à l'injection iodée, qui est parfois difficile à différencier d'une rupture rétroaortique (fig 5).

L'IRM est, pour certains auteurs, le meilleur examen diagnostique de ces anévrysmes réalisant l'aspect caractéristique en " peau d'oignon ", c'est-à-dire une alternance de bandes claires et de bandes sombres :

- lumière artérielle : signal peu intense ;
- thrombus : signal plus intense ;
- paroi aortique : signal de même tonalité que la lumière artérielle ;
- et la fibrose : signal d'intensité moyenne.
Pour Tennant et al, cet examen permet un diagnostic positif dans 100 % des cas et précise le niveau du collet et des artères rénales dans 97 % des cas [ 92 ].
Traitement
Traitement chirurgical
C'est la mise à plat-greffe, mais la présence de la fibrose implique quelques précautions.
- Un repérage préopératoire des uretères est souvent réalisé sur des clichés d'urographie (en fin d'artériographie). On constate parfois une médialisation des uretères, avec rétrécissement au niveau du tiers moyen, responsable d'urétérohydronéphrose. Le cathétérisme des uretères ne se discute qu'en cas d'hydronéphrose. Il n'est pas réalisé par toutes les équipes. Le drainage des cavités pyélocalicielles par néphrostomie présente un risque infectieux non négligeable.
- Une dissection minimale est nécessaire, afin d'éviter les plaies des organes de voisinage, veine rénale gauche, veine cave inférieure, et surtout les plaies duodénales parfois inaperçues, mais responsables de décès postopératoires. L'urétérolyse dans les fibroses rétropéritonéales est difficile à réaliser, et plusieurs cas de plaies urétérales ont été rapportés [ 87 ].
- Un clampage suprarénal est parfois nécessaire, et une voie rétropéritonéale permet souvent un meilleur contrôle du collet supérieur, une mobilisation aisée du rein gauche, et évite la mobilisation duodénale. D'autre part les remaniements inflammatoires sont moindres en postérolatéral. Aucune étude randomisée n'a cependant permis d'affirmer la supériorité d'une des voies d'abord.
- Le contrôle endoluminal des artères iliaques évite toute dissection hasardeuse au contact des veines iliaques.

Après la mise à plat-greffe de l'anévrysme, la fibrose régresse rapidement dispensant de toute urétérolyse intempestive. L'examen histologique de la fibrose et de la paroi anévrysmale a permis de constater une augmentation des lymphocytes T [ 56 ].

Traitement médical
La corticothérapie a une efficacité certaine dans le traitement des fibroses périaortiques, à la dose de 0,50 mg/kg pendant 6 à 9 mois, ou 100 mg/j de prednisone pendant 1 mois [ 84], [87 ]. Elle réalise une véritable urétérolyse chimique, mais ses effets sur la croissance anévrysmale sont discutés. Le risque de rupture anévrysmale est probablement accru par les corticoïdes [ 8 ].

Résultats
Ils sont désormais comparables à ceux des anévrysmes athéromateux [ 87 ]. Le schéma thérapeutique peutêtre ainsi résumé, en dehors de l'urgence :

- anévrysme inflammatoire isolé : mise à plat-greffe ;
- anévrysme inflammatoire et obstruction urétérale modérée : corticothérapie per- et postopératoire et mise à plat-greffe ;
- anévrysme inflammatoire et insuffisance rénale : drainage des voies urinaires, corticoïdes à fortes doses, chirurgie et enfin ablation des sondes ;
- anévrysme non opérable : pontage extra-anatomique et exclusion.


Ils représentent une catégorie de maladies rares, au premier rang desquelles se trouvent la maladie de Behçet, la maladie de Takayasu, plus exceptionnellement la maladie de Horton et la maladie de Kawasaki, voire le lupus.

Maladie de Takayasu
C'est " la maladie des femmes sans pouls ". Elle associe des lésions sténosantes et anévrysmales. Elle est fréquente au Japon et au Chili. Elle touche la femme jeune, avec atteinte de l'aorte, des troncs supra-aortiques, des artères viscérales, en particulier rénales. Les anévrysmes aortiques sont rares, petits, plutôt sacculaires et évoluent spontanément vers la rupture. Ce sont néanmoins les lésions sténosantes qui sont les plus fréquentes au niveau aortique, associées à des atteintes rénales [ 95 ].

Maladie de Behçet
La maladie de Behçet est une affection répandue dans le bassin méditerranéen. L'atteinte du système vasculaire constitue l'un des critères du diagnostic, avec une atteinte veineuse (thrombophlébites) très fréquente. L'atteinte artérielle est beaucoup moins connue. C'est néanmoins l'une des causes de décès les plus fréquentes, avec l'atteinte neurologique centrale chez ces patients. L'atteinte de la média entraîne une fragilisation de la paroi aortique avec apparition de lésions à l'emporte-pièce responsable de faux anévrysmes. La principale caractéristique est le caractère récidivant de ces lésions, avec des ruptures anastomotiques itératives, posant de graves problèmes chirurgicaux. L'atteinte artérielle peut inaugurer la maladie, mais survient en général 3 à 8 ans après le début de celle-ci [ 78 ]. Sa fréquence est difficile à apprécier, de 2,2 à 34 % selon les séries. Une trentaine d'observations d'anévrysmes aortiques ont été récemment colligées [ 78 ]. Les patients présentant des anévrysmes rompus sont décédés.

Maladie de Horton
Cette artérite à cellules géantes touche les sujetsâgés et concerne plus volontiers les troncs supra-aortiques. Elle donne exceptionnellement des anévrysmes aortiques [ 7 ].

Les anévrysmes infectieux de l'aorte abdominale sont caractérisés par une évolution rapide vers la rupture [ 24 ].

Fréquence
Les anévrysmes infectieux ne représentent que 0,5 % des anévrysmes artériels et une étiologie infectieuse au niveau aortique n'est retrouvée que dans 1 à 2 % des cas [ 35 ].

Définition
Cormier les divise en trois groupes :

- une greffe bactérienne se produit sur une aorte initialement non ectasique, le plus souvent au niveau d'une plaque athéromateuse ;
- un abcès pariétal se produit dans l'anévrysme faisant discuter le rôle d'une fistule aortoduodénale : infection primitive aortique ou contamination secondaire par des germes venant de la lumière digestive ;
- une embolie au cours d'une maladie d'Osler. D'autres causes emboliques infectieuses apparaîtront vraisemblablement de plus en plus avec la fréquence accrue des toxicomanies par voie veineuse, après greffe cardiaque primaire, ou directement au cours de septicémies, entrant alors dans le premier groupe [ 23 ].

Les anévrysmes athéromateux, d'aspect opératoire banal, posent de plus le problème de la découverte d'un germe lors de l'examen bactériologique fait de façon systématique lors de leur mise à plat. En effet 10 à 15 % des cultures sont positives dans les examens systématiques des thrombi intra-anévrysmaux. Pour Farkas et al qui ont analysé les résultats bactériologiques de 500 malades, seuls les anévrysmes rompus avec signes infectieux généraux, et cultures bactériologiques positives (paroi et/ou thrombus) correspondent à un anévrysme infectieux [ 34 ].

Étiologie
Les mécanismes étiologiques ont été énoncés plus haut.
Les Salmonella cholerae et typhi murinum sont les germes les plus fréquemment rencontrés dans les anévrysmes infectieux primaires, c'est-à-dire au cours d'une septicémie. Les vésicules biliaires pathologiques sont des réservoirs potentiels de salmonelles. Puis viennent les staphylocoques et les streptocoques.
Les staphylocoques dorés sont également rencontrés dans les anévrysmes des endocardites infectieuses.
Quant aux anévrysmes de contiguïté, ils sont secondaires à des adénites suppurées à staphylocoques dorés, Yersinia pseudotuberculosis, ou à des foyers tuberculeux (mycobactéries) [ 70 ].
Le virus de l'immunodéficience humaine (HIV) peut entraîner des anévrysmes infectieux primaires, à localisation aortique [ 41 ].

Clinique
Le tableau complet, douleurs abdominales, masse battante, syndrome infectieux, n'est présent selon Patra et al que dans 25 à 30 % des cas [ 70 ]. L'association fièvre et douleurs abdominales semble, en revanche, très fréquente.

Examens complémentaires
Les adénopathies, un épanchement, des bulles gazeuses périaortiques sur un scanner ou une échographie sont des éléments en faveur d'un anévrysme infectieux. L'aspect artériographique d'anévrysme sacciforme sur une artère apparemment saine est classiquement en faveur de ce diagnostic, mais n'est absolument pas spécifique [ 35 ].
Seule la preuve bactériologique est l'élément fondamental du diagnostic : hémocultures, paroi, thrombus aortique. L'examen histologique peut aussi apporter des éléments diagnostiques : présence de colonies microbiennes, tissus nécrotiques.

Traitement

Traitement chirurgical
Il comporte la résection large de tous les tissus nécrotiques infectés. Le mode de revascularisation est fonction des habitudes des différentes équipes. La revascularisation in situ est souvent faite dans le contexte de l'urgence [ 35 ]. Certains ont proposé l'utilisation des prothèses imprégnées d'antibiotiques, sans qu'une efficacité formelle ne soit démontrée. Le lavage abondant, l'épiploplastie de couverture font partie des mesures habituelles. L'utilisation des allogreffes in situ est probablement la solution idéale, mais ces greffons sont rarement disponible en urgence [ 5 ].
Les revascularisations extra-anatomiques (pontages axillobifémoraux) restent des interventions logiques, mais responsables d'une lourde mortalité, 28 % pour Fichelle et al [ 35 ].

Traitement médical
L'antibiothérapie est commencée avant la chirurgie, après de multiples prélèvements bactériologiques. Elle sera adaptée aux différents germes retrouvés dans la paroi et les tissus infectés. Elle est poursuivie au moins 6 semaines.

Ce sont des affections héréditaires touchant le tissu élastique. Elles sont représentées par les maladies d'Ehlers-Danlos et de Marfan, cette dernière touchant en fait plus volontiers l'aorte ascendante [ 15 ]. Il est possible d'observer des localisations sous-rénales isolées chez des malades atteints de Marfan sans autre localisation, voire même d'en faire le diagnostic par un examen histologique [ 98 ]. Elles posent des problèmes thérapeutiques en raison de l'atteinte diffuse des artères, avec des risques de dissection lors du clampage, rendant les anastomoses difficiles.

Ils résultent de la soufflure d'un faux chenal dans les suites d'une dissection, habituellement à point de départ thoracique (fig 6). L'anévrysme se présente avec deux chenaux circulants à l'ouverture. La dilatation se fait aux dépens de la paroi externe fragilisée. Celle-ci est constituée par le tiers externe de la média clivée par la dissection. L'évolution selon Kieny et al peut se faire dans des délais allant au-delà de 10 ans, avec risque de rupture dans 30 à 40 % des cas [ 50 ]. Cette entité ne mérite pas d'individualisation sur le plan thérapeutique, hormis de rares cas où la dissection se poursuit sur les vaisseaux iliaques.


Les anévrysmes post-traumatiques de l'aorte abdominale sous-rénale sont peu fréquents comparés aux lésions de l'isthme. Quelques cas isolés ont été rapportés [ 13 ]. Ils sont le plus souvent secondaires à des accidents de la voie publique, et concernent des adultes jeunes. À unâge plus avancé, le diagnostic avec un anévrysme athéromateux est parfois difficile.


Anévrysmes thoracoabdominaux
Nous ne ferons que les citer car ils sortent du cadre de cette présentation. Ils touchent la portion IV de l'aorte située entre le diaphragme et les artères rénales ; mais ils n'y sont qu'exceptionnellement localisés, prolongeant plutôt un anévrysme thoracique, précédant parfois un anévrysme sous-rénal ou participant plus rarement à une dilatation complète de l'aorte.
Le risque opératoire est élevé parce que l'abord y est plus large (thoracophrénolaparotomie), l'intervention plus longue et plus hémorragique, et surtout parce que la plupart des viscères sont concernés par le clampage et les réimplantations de leurs artères respectives. Ces interventions ne peuventêtre réalisées que dans des centres très spécialisés comportant une réanimation et utilisant des systèmes d'autotransfusion peropératoire. Le risque de paraplègie est surtout important quand l'anévrysme déborde sur l'aorte thoracique basse.

Anévrysmes juxtra- et pararénaux
Si les anévrysmes purement sous-rénaux représentent 95 %, ils ont une extension suprarénale dans 5 % des cas. Ils ne méritent une individualisation qu'en raison du clampage sus- rénal quasi obligatoire à l'implantation de la prothèse et au geste de revascularisation des artères rénales parfois nécessaire : pontages, réimplantation en palette [ 82 ].

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L'anévrysme de l'aorte est une pathologie grave étant donné son risque évolutif vers la rupture, mortelle dans 85 à 100 % des cas, et au moins chez 50 % des patients qui arrivent à l'hôpital [ 91 ]. Le nombre de décès par rupture d'AAA a été multiplié par 6 aux États-Unis entre 1951 et 1968 [ 36 ]. La croissance moyenne d'un anévrysme est de 0,4 cm par an. Cette croissance est régie par des facteurs hémodynamiques obéissant à la loi de Laplace. Mais cette croissance peutêtre modeste ou nulle pendant plusieurs années avant de subir des poussées expliquant l'augmentation brutale de petits anévrysmes. Chez un patient porteur d'un AAA, le risque annuel de rupture est estimé à 6 %. C'est dire la nécessité d'un dépistage précoce, et d'un traitement préventif de la rupture, réalisé par des équipes entraînées, aboutissant, pour une chirurgie réglée, à une mortalité inférieure à 5 %. Le risque de rupture est maximal pour les diamètres supérieurs ou égaux à 7 cm mais des ruptures peuvent survenir pour des anévrysmes de 3,5 à 4 cm [ 52], [66 ].
Pour Limet, la croissance des anévrysmes est principalement exponentielle [ 57 ]. Il insiste sur la répétition des examens de surveillance, afin de dépister le moment où la croissance va s'accélérer. Les croissances triphasiques ou linéaires sont dues à l'affaiblissement de la paroi aortique par l'athérome, et aux altérations de la matrice extracellulaire. Pour Limet, le tournant pourrait correspondre à l'activation d'enzymes, responsables de la croissance des anévrysmes [ 57 ]. Il a en effet démontré qu'il existait une relation linéaire entre l'accroissement du diamètre et la diminution de la concentration en élastine de la paroi aortique.

C'est le terme de la croissance, évolution inéluctable de la croissance anévrysmale.

Prérupture
À ce stade l'anévrysme est déjà compliqué mais malgré l'urgence, un bilan préopératoire est réalisable et le risque opératoire comparable à une chirurgie standard. L'anévrysme, jusqu'alors latent, subit une poussée inflammatoire au niveau du tissu adventitiel, responsable de douleurs importantes mais il n'y a pas d'hématome rétropéritonéal à proprement parler. L'anévrysme devient douloureux spontanément et la palpation retrouve la masse, certes battante et expansive, sensible, sans empâtement lombaire.
Une fièvre à 38°C est également possible avec une hyperleucocytose, une anémie ou une VS accélérée, mais la douleur est incontestablement le signal d'alarme qui doit faire hospitaliser le malade directement en milieu chirurgical spécialisé.
Des examens morphologiques doivent impérativementêtre réalisés en urgence :

- l'échographie, car elle est facile à obtenir et affirme le diagnostic d'anévrysme si celui-ci n'était pas connu, et confirme l'absence d'hématome rétropéritonéal. La situation redevient donc celle d'un anévrysme à froid qu'il importe d'analyser en urgence ;
- le scanner et l'artériographie, le bilan coronarien sont ensuite discutés, en fonction de l'évolution clinique. Toute persistance, ou exacerbation de la douleur représente pour nous une indication urgente.


Rupture anévrysmale
Elle peut se faire dans la grande cavité abdominale, dans le rétropéritoine ou dans un organe adjacent (veine cave inférieure, duodénum, voire un uretère). Rarement l'anévrysme est découvert au stade de rupture chronique, et son existence a même été contestée jusqu'à la première description faite en 1961 par Szylagyi [ 91 ]. Pour Chaillou et al, cette rupture cloisonnée évolue toujours vers la rupture franche dans un délai impossible à préciser [ 18 ]. Il s'agit parfois d'une découverte peropératoire.

Rupture rétropéritonéale
Elle associe une douleur abdominale à irradiation postérieure et un collapsus hémorragique. Le diagnostic d'anévrysme (si celui-ci n'était pas connu) peutêtre difficile. Il existe une défense abdominale, et la palpation retrouve une masse profonde, battante et douloureuse ayant perdu son caractère expansif : il s'agit de l'hématome rétropéritonéal sous tension. Le diagnostic doitêtre étayé par un seul examen réalisé en urgence, à condition qu'il ne retarde en rien une intervention salvatrice : l'échographie abdominale. Le traitement chirurgical urgent doitêtre fait par des chirurgiens entraînés, mais tout transfert comporte un risque vital majeur.


L'ouverture du péritoine d'emblée peutêtre fatale, par " levée " de la sangle abdominale qui maintient encore une hémostase précaire. Le contrôle de l'aorte thoracique par thoracotomie ou sternotomie est parfois réalisé. Le clampage comporte des risques de plaies veineuses importantes (veine splénique, veine rénale gauche). Le taux de mortalité reste très élevé 50 à 70 % par collapsus, infarctus du myocarde, colite ischémique [ 30], [33], [42 ].

Rupture intraduodénale
Il s'agit d'un tableau rare, 0,04 à 0,07 % dans les séries autopsiques (plus fréquent en cas de faux anévrysme sur prothèse). Comme le précisent Bacourt et al, son étiologie n'est pas toujours univoque : anévrysme infectieux vrai, anévrysme athéromateux surinfecté, ou fistule digestive primaire sur anévrysme non septique [ 4 ]. Ses fistules se situent dans 8 % des cas sur le duodénum (D3, le plus souvent). Mais des localisations jéjunales sont possibles [ 4 ].
Son installation souvent insidieuse peut faire errer le diagnostic. Des hémorragies digestives basses, peu abondantes, accompagnées d'épisodes septicémiques (30 % des cas), à hémocultures positives, avec des douleurs abdominales sont les signes révélateurs. Ils constituent une triade présente dans environ 33 % des cas.
Cette hémorragie basse peutêtre fatale. La découverte d'un anévrysme à la palpation dans ce contexte doit faire envisager la fistulisation duodénale, surtout s'il est sensible (participation inflammatoire).
L'examen le plus fiable pour l'affirmer est la fibroscopie, qui retrouve une ulcération sur la face postérieure du troisième duodénum. La TDM apporte des éléments en faveur du caractère septique de l'anévrysme : image gazeuse, épanchement périaortique.
L'intervention est difficile du fait du risque septique, et rejoint dans ses principes, la chirurgie pour prothèse aortobifémorale septique : excision des tissus nécrotiques, revascularisation extra-anatomique ou in situ (homogreffes artérielles), associées à la suture de la brèche digestive. La mortalité globale est de 50 % [ 4 ].

Rupture dans la veine cave inférieure
Elle est rare. Sa fréquence varie de 1 à 4 % des anévrysmes rompus [ 74 ]. Toutes les formes d'AAA peuvent entraîner des fistules aortocaves, mais principalement les anévrysmes athéromateux et les anévrysmes infectieux [ 24], [74 ]. L'urgence est cette fois hémodynamique : la rupture dans la veine cave inférieure entraîne une fistule artérioveineuse à gros débit. L'évolution vers l'insuffisance cardiaque aiguë peutêtre très rapide. La douleur et l'état de choc (présent seulement dans 30 % ces cas) constituent des signes d'appel, mais la pression artérielle initiale peutêtre normale, contrastant avec une franche accélération du pouls. La palpation de l'abdomen perçoit une masse battante avec un thrill continu à renforcement systolique et l'auscultation retrouve un souffle continu. Souvent sont associés des oedèmes des membres inférieurs, une hématurie, voire une embolie pulmonaire (migration d'un thrombus intra-anévrysmal dans la veine cave).
La localisation de la fistule est au mieux appréciée par une artériographie, le scanner montrant une opacification de la veine cave inférieure, pendant l'opacification artérielle.
L'intervention consiste à fermer la fistule aortocave par l'intérieur de l'anévrysme précédemment contrôlé et ouvert. L'occlusion temporaire de la veine cave par des sondes à ballonnets peut stopper l'hémorragie. Le clampage de la veine cave sous-rénale est nécessaire pour éviter les embolies peropératoires et effectuer l'hémostase.

Complications thromboemboliques
Elles sont curieusement rares, malgré l'importance des thrombi intra-anévrysmaux . Dans une série de 426 embolies périphériques, Darling et al ne retrouvent un anévrysme iliaque ou aortique que dans 1,5 % des cas [ 26 ]. Un fragment de ce thrombus peut se mobiliser dans la circulation et se bloque au niveau d'une bifurcation artérielle, entraînant une ischémie aiguë d'un membre inférieur. Le traitement de l'ischémie aiguë prime et le bilan étiologique permet la découverte de l'anévrysme.


Exceptionnellement, la thrombose anévrysmale intraluminale se complète [ 46], [69 ] . Le tableau est celui d'un syndrome de Leriche avec ischémie bilatérale des membres inférieurs et impuissance, la gravité du syndrome dépendant de l'existence ou non d'une circulation collatérale. Il est en règle d'installation brutale et de pronostic catastrophique dans les pathologies ectasiantes. L'intervention consiste à rétablir une circulation normale au niveau des membres inférieurs et au moins d'une hypogastrique (risque périnéal et colique), soit à l'aide d'une intervention directe après angiographie, soit à l'aide d'un montage extra-anatomique laissant l'anévrysme en place (la thrombose de l'anévrysme éliminant le risque de rupture).


Les embolies fibrinoplaquettaires " en pluie " dans le lit d'aval, expliquent sa détérioration progressive : l'association d'une artérite distale et d'un anévrysme de l'aorte abdominale plaide de toute façon pour une attitude chirurgicale.

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L'AAA est le plus souvent asymptomatique : plus de 60 % des cas selon Kieny et al [ 50 ]. La présence de douleurs traduit déjà le stade des complications ou des poussées inflammatoires. Tout anévrysme douloureux de l'aorte abdominale sous-rénale nécessite une hospitalisation en urgence dans un service de chirurgie vasculaire. Les signes fonctionnels amenant à consulter sont multiples mais non spécifiques. Parfois des troubles digestifs orientent vers une maladie ulcéreuse duodénale, une affection colique ou une pathologie vésiculaire [ 65 ]. L'association d'un ulcère gastroduodénal à un anévrysme de l'aorte abdominale est par ailleurs fréquente : une étude autopsique a montré une forte incidence d'ulcères gastroduodénaux chez des malades porteurs d'un anévrysme de l'aorte. Des douleurs lombaires peuvent faire discuter une arthrose rachidienne ; une claudication intermittente associée doit faire pratiquer un bilan vasculaire, et conduit parfois à la découverte d'un anévrysme aortique. Cette claudication peutêtre due à des lésions sténosantes iliofémorales ou à une destruction du lit d'aval par emboles successifs. Enfin, la découverte est souvent fortuite par la palpation abdominale ou par le malade lui-même. Insistons cependant sur la fréquence actuelle des anévrysmes découverts lors d'une échographie abdominale demandée pour une autre pathologie.

Classiquement, l'AAA sous-rénale est une masse battante, expansive, non douloureuse, médiane ou légèrement latéralisée à gauche. La possibilité de glisser le tranchant de la main entre le pôle supérieur de l'anévrysme et l'auvent costal traduit le caractère sous-rénal de la masse (signe de De Bakey). La présence d'un souffle n'est pas un argument en faveur du diagnostic, l'absence de souffle ne peutêtre retenue contre lui. Parfois une légère douleur, ou tout au moins une sensibilité spécifique, est retrouvée à la palpation : elle doit évoquer une participation inflammatoire.
Une masse abdominale transmettant les battements de l'aorte chez l'obèse, une aorte déroulée chez le sujetâgé ou chez une femme jeune aux artères hyperpulsatiles, sont des diagnostics différentiels. En fait, la discussion n'existe qu'avec un anévrysme de petite taille. Dans tous ces cas, l'échographie abdominale permet un diagnostic facile.
Une ischémie aiguë de membre inférieur, par migration embolique, peut révéler un anévrysme aortique. L'échographie abdominale doit faire partie du bilan de toute ischémie aiguë embolique de jambe.
Les anévrysmes inflammatoires représentent une entité particulière, caractérisée par des douleurs abdominales et lombaires importantes associées à un amaigrissement, une anorexie et un syndrome inflammatoire biologique. Des coliques néphrétiques ou des anuries sont parfois révélatrices de ces anévrysmes en raison de la fibrose rétropéritonéale associée [ 76 ].
Les anévrysmes infectieux de l'aorte abdominale associent classiquement une fièvre, des douleurs spontanées abdominales ou lombaires et l'existence d'une masse abdominale pulsatile [ 35 ].

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L'intérêt des différents examens radiologiques de l'aorte abdominale a été récemment rappelé par Sapoval et al [ 79 ].

Cet examen met en évidence des calcifications dans environ 70 % des cas (fig 13) ; il n'est cependant contributif qu'avec des clichés de profil et de pénétration correcte. Nous considérons que la radiographie d'abdomen sans préparation ne peut en aucun casêtre considérée comme un moyen de diagnostic fiable.


C'est l'examen de référence dans le diagnostic et la surveillance des AAA. L'échographie est une technique non invasive, peu onéreuse, reproductible dont la fiabilité est de 95 %. Son seul inconvénient est d'être opérateur dépendante. C'est dire la nécessité de répéter les examens de surveillance par un même opérateur entraîné. L'examen utilise des sondes de 3,5 ou 3,75 MHz. L'étude de l'aorte nécessite des coupes axiales et longitudinales. La mesure du diamètre axial est plus exacte que celle du diamètre antéropostérieur. Ce dernier est comparé au diamètre de l'aorte sus- et sous-jacente. L'échographie méconnaît cependant les calcifications et peutêtre limitée par l'obésité et les gaz intestinaux ; elle montre deux zones, le thrombus périphérique faiblement échogène et la lumière centrale circulante. Elle est réalisée dans les suspicions de ruptures d'anévrysmes, si la présence d'un hématome rétropéritonéal est authentifiée, en raison de la disponibilité de cet examen dans la plupart des centres [ 71], [80 ].

C'est à notre avis l'examen de référence dans le diagnostic préopératoire et le bilan des AAA. Les nouvelles générations de scanner (hélicoïdal) procurent de plus une définition supérieure de l'image et des mensurations très précises indispensables en vue de traitement endoluminal [ 9], [53 ]. La quantité de produit de contraste nécessaire est moindre [ 71 ].
L'étude aortique comporte, en scanner traditionnel, des coupes jointives (de 3 à 5 mm). L'anévrysme est ainsi mesuré en hauteur, et ses limites sont définies : extension aux artères iliaques, hypogastriques ou aux artères rénales. La TDM permet surtout de repérer les anomalies rénales, ou veineuses associées. Cet examen donne une image morphologique fiable, reproductible, non opérateur dépendante. Il permet une mesure précise du diamètre, l'étude des organes adjacents. L'extension du thrombus mural, l'existence des calcifications, les zones de soufflures pariétales, l'érosion des corps vertébraux sont parfaitement visualisés. La présence d'un hématome rétropéritonéal, et sa diffusion dans le psoas sont également bien vues. Des calcifications intraluminales sont parfois observées, pouvant évoquer une dissection ancienne (fig 14). Les insuffisances du scanner sont le manque de précision dans la mesure des diamètres lorsque l'aorte présente une angulation importante, et l'absence de repérage fiable des artères rénales accessoires, ou de la mésentérique inférieure. Aucun examen complémentaire ne doit cependant faire retarder une intervention urgente.

Les reconstructions 3D permettent d'améliorer la définition des limites des anévrysmes. Elles donnent une impression de relief en ne gardant que les pixels externes les plus proches de l'opérateur et en les ombrant.

Elle constitue encore la méthode de référence indispensable à toute chirurgie préalable pour de nombreuses équipes. L'avènement des nouvelles techniques scanographiques et de l'IRM aurait pu en limiter l'usage, mais elle est pour l'instant nécessaire pour déterminer la faisabilité de la technique endovasculaire . Elle est réalisée à l'aide d'un cathéter d'angiographie marqué. Les renseignements attendus de l'artériographie ont été rappelés par Mialhe et al [ 63 ] :



- état et calibre de l'aorte sus-jacente, en sachant que l'artériographie n'est pas un bon examen pour la mesure du diamètre anévrysmal, puisqu'elle n'opacifie que le chenal circulant ;
- disposition, nombre des artères rénales, perméabilité des artères digestives, état de la circulation pelvienne et notamment des artères hypogastriques et de la mésentérique inférieure. Le risque de couverture de l'une ou l'autre de ces artères peut avoir des conséquences dramatiques ;
- hauteur et calibre des collets anévrysmaux avec étude de face et de profil ;
- état des artères iliaques, taille, sinuosité, orientation, qui présagent de difficultés lors de la mise en place du dispositif endoluminal. L'existence de lésions sténosantes doit égalementêtre notée, mais leur retentissement est apprécié au mieux par l'écho-doppler artériel des membres inférieurs ;
- enfin l'état du lit d'aval doitêtre correctement évalué : anévrysmes associés, embolies distales.


Cette méthode coûteuse, peu disponible, n'a pas de place véritable dans le diagnostic préopératoire des AAA. Mais elle pourrait supplanter, à terme, l'angiographie. Pour l'analyse de l'aorte les séquences d'écho de spin pondérées T1 permettent d'obtenir des images suffisantes. Le sang circulant apparaît en noir sur les clichés, c'est-à-dire un signal nul, mais en raison des phénomènes d'entrée et de sortie de coupe, il peutêtre blanc .



Pour clore cette énumération nous citerons les conclusions de Tennant et al qui ont comparé trois méthodes diagnostiques (échographie, TDM, IRM) et leur performance dans le repérage des limites des anévrysmes aortiques, et la détection de phénomènes inflammatoires associés [ 92 ]. Cette étude prospective portait sur une série de 79 AAA, dont 15 anévrysmes inflammatoires. Les auteurs ont ainsi montré que l'échographie avait échoué dans le repérage exact du collet anévrysmal dans trois cas d'anévrysmes inflammatoires, et dans 15 cas d'anévrysmes non inflammatoires. Elle n'a également jamais pu distinguer précisément l'origine des artères rénales, et n'a jamais pu différencier anévrysmes inflammatoires et non inflammatoires. Le caractère inflammatoire a puêtre précisé dans tous les cas en TDM, et le niveau des artères rénales a été incorrect dans deux cas d'anévrysmes inflammatoires, et quatre cas d'anévrysmes non inflammatoires. En revanche, l'IRM a identifié tous les anévrysmes inflammatoires, précisé exactement tous les collets, le niveau des artères rénales, et visualisé leur émergence sauf dans deux cas. Cette technique non invasive semble la plus prometteuse pour l'évaluation future des AAA.

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Cette recherche doitêtre une obsession chez le médecin traitant, l'anesthésiste, le cardiologue, l'angiologue et le chirurgien. Les contre-indications doiventêtre réduites au strict minimum, étant donné le bénéfice sur l'espérance de vie de la chirurgie [ 89 ]. Seules des affections fatales à court terme (néoplasies, sida évolué, bronchopathie oxygénodépendante ou altération majeure de la fonction ventriculaire gauche), sont susceptibles de récuser les patients. Les indications doivent rester très larges. Il n'y a pas de limite d'âge, mais les risques chirurgicaux, de même que ceux de l'abstention, doiventêtre bien compris par tous [ 22 ]. La recherche d'un foyer infectieux est impérative : ORL, trouble trophique distal notamment.

C'est la première atteinte associée à déceler [ 14 ]. Elle est responsable de 60 à 70 % des décès postopératoires après cure d'AAA [ 40 ]. L'atteinte coronarienne des populations de malades présentant un AAA, est de 40 à 60 % [ 43 ]. Elle est fréquemment sous-estimée car silencieuse : 20 % des malades asymptomatiques auraient des lésions sévères. L'étude de Hertzer et al a bien montré que l'incidence de la coronaropathie, chez les porteurs d'un AAA, était la plus élevée de tous les malades vasculaires [ 43 ]. De plus tous les malades aux antécédents d'infarctus, d'angor, ou ayant des anomalies sur l'électrocardiogramme de base ont des atteintes bi- ou tritronuclaires sur la coronarographie. L'évaluation du risque coronarien est l'objet de nombreuses controverses. L'examen clinique et un interrogatoire policier sont les premiers éléments de cette enquête.
L'électrocardiogramme d'effort est un test de référence, mais son interprétation est difficile chez des patients artéritiques qui claudiquent, ou chez des patients sous bêtabloqueurs.
L'échocardiographie détecte les anomalies de la contraction myocardique, les zones d'akinésie témoins d'infarctus anciens et d'éventuelles anomalies associées : valvulopathies, thrombus intracavitaires.
La scintigraphie au thallium-dipyridamole, qui simule une épreuve d'effort, provoque une vasodilatation des artères coronaires. Les coronaires sténosées ne se dilatent pas et leurs territoire correspondants sont vascularisés par des collatérales émanant des coronaires saines : ce sont les images précoces. Puis par vasodilatation secondaire, elles reperfusent leurs territoires : on obtient des images tardives de redistribution (3 à 4 heures plus tard). Ce phénomène traduit l'existence d'une zone myocardique viable, en aval d'une sténose donc susceptible d'être revascularisée préventivement. Ces images sont des marqueurs prédictifs d'événements cardiaques postopératoires. Cet examen peu invasif semble néanmoins d'une fiabilité incertaine, et d'une valeur prédictive médiocre. Pour Baron et al, la redistribution ne préjuge en rien des complications postopératoires [ 6 ]. Dans cette étude Baron et al ont montré que chez les patients suspects d'ischémie myocardique, seule la coronarographie donnait un reflet objectif de l'atteinte coronarienne. Trois attitudes semblent donc se dégager :

- patient asymptomatique, sans antécédent, avec électrocardiogramme de base et d'effort normaux : aucun test supplémentaire ;
- patient " coronarien " connu : coronarographie ;
- patient paucisymptomatique : test intermédiaire ? échocardiographie de stress (à la dobutamine), scintigraphie au thallium, peut-être, mais seule la coronarographie donne des réponses indiscutables.


L'examen des creux poplités et des scarpas, la palpation des pouls distaux font partie de l'examen clinique initial. Un anévrysme poplité est associé dans 40 % des cas à un anévrysme aortique. Ces localisations doiventêtre connues, en raison du risque de thrombose postopératoire.

Dans la littérature, l'altération de la fonction respiratoire est retrouvée chez 25 à 33 % des malades présentant un anévrysme de l'aorte abdominale [ 96 ]. Les explorations fonctionnelles respiratoires sont systématiques avant toute chirurgie aortique réglée. L'altération de la ventilation est en effet présente chez plus de 30 % des patients porteurs d'un AAA [ 49 ]. La bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) est un facteur favorisant et aggravant de la rupture anévrysmale [ 25 ]. La fréquence des complications respiratoires serait importante en cas de capacité vitale forcée inférieure à 70 %, et de rapport de Tiffeneau inférieur à 65 % [ 96 ].

Les antécédents, l'examen clinique, doivent faire rechercher une pathologie carotidienne vertébrale ou sous-clavière associée. L'écho-doppler des vaisseaux du cou est indispensable avant toute chirurgie aortique, toute sténose carotidienne supérieure à 70 % étant à notre avis à traiter avant l'anévrysme.

L'interrogatoire, les dosages biologiques sont la base de cette recherche. L'échographie rénale, l'écho-doppler, voire l'urographie intraveineuse étant réalisés au moindre doute.

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Mise à plat-greffe
C'est la technique de référence. Elle a évolué dans les dernières années vers une simplification.

Voies d'abord
Elles dépendent des habitudes de chaque opérateur. La laparotomie médiane est la plus utilisée : 92,5 % des voies d'abord réalisées chez 780 malades dans l'étude de l'Association universitaire de recherche en chirurgie (AURC) [ 49 ]. Elle est simple, permet une exploration complète de la cavité péritonéale, un contrôle correct du collet supérieur sous- ou juxtarénal et des artères iliaques. Ses principaux reproches sont :

- l'amputation de la capacité respiratoire, jusqu'à 50 % chez certains patients. Cette altération de la fonction ventilatoire est due à la limitation de l'amplitude des mouvements par la douleur et est aggravée par des bronchopathies préexistantes. Elle peutêtre limitée par des analgésies péridurales, une prise en charge kinésithérapique active pré- et postopératoire ;
- la traction peropératoire sur les anses intestinales entraîne une diminution des pressions artérielles systoliques et diastoliques, avec chute des résistances vasculaires systémiques, aboutissant à une augmentation de la fréquence et du débit cardiaque. Ces phénomènes seraient dus à la libération de prostaglandines [ 45 ] ;
- les complications pariétales postopératoires. Les patients atteints d'anévrysmes de l'aorte abdominale ont un diastasis des muscles droits, et font plus fréquemment que d'autres opérés de l'abdomen des éventrations postopératoires. La voie d'abord transversale diminuerait ces éventrations ;
- le retard à la reprise du transit intestinal est aussi un inconvénient de cette voie, avec l'inconfort d'une sonde nasogastrique pendant plusieurs jours pour les malades.

La voie rétropéritonéale a des avantages théoriques, mais une étude prospective randomisée n'a, en 1990, montré aucune différence significative pour la plupart des critères utilisés. Les patients semblent cependant reprendre plus vite leur transit et avoir moins de douleurs. En revanche, les complications pulmonaires postopératoires n'étaient pas améliorées de façon significative [ 17 ]. Cette voie semble cependant avoir des indications électives : abdomen hostile (radique, multiopéré, antécédents infectieux), anévrysmes inflammatoires, collet haut situé.

Technique opératoire
Nous décrirons brièvement la technique par voie médiane transpéritonéale. Après laparotomie médiane verticale, le duodénum et les anses grêles sont refoulés. Le péritoine pariétal postérieur est incisé. On contrôle d'abord le collet de l'anévrysme sans faire le tour de l'aorte, le clamp étant serré au ras du rachis (fig 20). Puis les iliaques sont également contrôlées sans dissection trop importante (on évite ainsi les plaies urétérales et des veines iliaques). L'anévrysme est ensuite ouvert, c'est-à-dire mis à plat : le thrombus estôté et mis en culture selon les équipes. Les artères lombaires qui refluent sont aveuglées, par l'intérieur du sac, de même que l'artère mésentérique inférieure. Cette artère est parfois réimplantée dans la prothèse : ceci dépend de l'état de la vascularisation du petit bassin, et des artères hypogastriques. La prothèse est alors cousue par l'intérieur de la poche anévrysmale, au niveau du collet supérieur, puis inférieur. La prothèse est un tube droit en cas d'anévrysme aortique, ou une prothèse bifurquée, le plus souvent bi-iliaque, en cas d'anévrysmes iliaques associés (fig 21). Après purge du corps prothétique, on rétablit la circulation sanguine. Ce déclampage nécessite une parfaite collaboration chirurgien-anesthésiste en raison des modifications hémodynamiques induites par cette chasse sanguine distale. La coque anévrysmale est ensuite refermée sur la prothèse, afin de séparer la prothèse du duodénum et d'éviter une complication devenue ainsi rare : la fistule duodénale. Aucun drain n'est habituellement justifié. En cas de rupture anévrysmale un clampage thoracique ou par sternotomie peut permettre de contrôler un état de choc majeur [ 77 ].



Choix du matériel
Il est fonction des habitudes des chirurgiens, le Dacron® (polyester) étant le plus utilisé, mais aucune étude randomisée n'a confirmé sa supériorité par rapport au PTFE (polytétrafluoroéthylène) [ 75 ]. Les prothèses en polyester imprégnées, en tricots chaînés assurant une étanchéité immédiate sont les plus employées.

Exclusion et pontage extra-anatomique
Berguer et al ont résumé les indications de cette technique qui doit rester d'indication anecdotique dans le traitement des AAA [ 11 ]. Karnody et al ont utilisé cette technique pour 60 malades à haut risque [ 48 ]. La technique consistait en une ligature des artères distales et réalisation d'un pontage extra-anatomique, type axillofémoral. Ce type d'intervention doitêtre réalisé chez des malades à très haut risque chirurgical, ou comme dans le cas de Berguer, chez un malade atteint d'un lymphome rétropéritonéal. En effet, cette intervention simple peut se compliquer de coagulopathies de consommation, d'échec de thrombose, puisque la ligature est unipolaire. La rupture est alors possible, puisque l'anévrysme reste alimenté par les artères lombaires. Le thrombus peut également s'étendre aux artères d'amont : artères rénales et digestives.

Traitement endoluminal

Démarche expérimentale et homologation
L'implantation d'une endoprothèse, dans cette pathologie, a pour but d'exclure la poche anévrysmale, de diminuer la pression du sang circulant sur cette coque et de conserver la perfusion distale.
La sélection des patients nécessite des critères anatomiques basés sur les examens paracliniques, notamment le scanner, et pour l'instant l'artériographie [ 62 ]. Mais, même si des améliorations autoriseront peut-être le traitement de l'artère sur toute sa hauteur, on voit d'emblée que la chirurgie gardera des indications. En effet, il n'est pas anodin de couvrir en même temps artères hypogastriques et mésentérique inférieure, en raison du risque de colite ischémique et d'ischémie pelvienne. Ce qui explique le choix des indications actuelles, souvent " compassionnelles ". Il existe donc déjà un biais dans les indications.
La classification actuellement proposée comprend cinq stades et a été rappelée par Cormier et al [ 21 ] :

- type 0 : absence de collet supérieur ; les systèmes actuellement disponibles ne permettent pas de traiter ces lésions et menacent de recouvrir les ostia des artères rénales ;
- type I : collet supérieur de 15 à 20 mm de haut sous l'artère rénale la plus basse ; collet inférieur d'au moins 20 mm de haut jusqu'à la bifurcation du carrefour aortique ; possible traitement endoluminal par tube aorto-aortique ;
- type II : collet supérieur adéquat ; absence de collet inférieur ; pas d'anévrysme iliaque ;
- type III : idem, mais anévrysme iliaque associé. Pour les types II et III, des prothèses bifurquées sont possibles, ou des prothèses dégressives associées à des pontages fémoro-fémoraux croisés ;
- type IV : comprend un ou deux anévrysmes iliaques étendus à la bifurcation iliaque, et le risque de nécrose pelvienne ou nécrose grave.


Matériel et techniques
Les types de prothèse disponibles sont :

- les endoprothèses de type Stent-graft, qui sont des prothèses vasculaires classiques avec deux systèmes d'attache métallique aux extrémités ;
- les endoprothèses couvertes, avec un support métallique sur toute leur longueur.

Les principaux systèmes évalués ont récemment été répertoriés par Mialhe et al [ 63 ].

- Stent-graft de Parodi.
- Le graft Attachment Device de White-Yu.
- L'endograft EVT.
- L'endoprothèse Stentor bifurquée de Mialhe.
- L'endoprothèse de Chuter-Gianturco.
- Le pontage endoluminal Corvita.
- Le stent " cotricoté " Meditech.

Les différentes techniques de traitement endovasculaire des anévrysmes doivent beaucoup aux travaux de Parodi [ 68 ]. La mise en place de ces dispositifs nécessite un abord chirurgical en raison du calibre des introducteurs (18, 24 F). Les lésions semblant le plus facilement accessibles sont les anévrysmes de la partie moyenne de l'aorte abdominale. La mise en place des prothèses bifurquée nécessite parfois l'exclusion d'un des anévrysmes iliaques et la réalisation d'un pontage croisé.
Avant d'entamer la mise en place d'un tel matériel chez l'homme, il est souhaitable de disposer de données expérimentales, mais comme le précise Long, aucun modèle animal n'est parfaitement satisfaisant [ 58 ].

Les indications doiventêtre larges et sont basées sur la taille de l'anévrysme, l'existence de douleurs ou de complications. La taille au-delà de laquelle l'indication chirurgicale est retenue est fréquemment discutée [ 52], [57], [81 ]. Tous les anévrysmes doiventêtre opérés étant donné leur risque inéluctable de rupture dès qu'ils atteignent 5 cm. Les courbes actuarielles de survie comparant l'évolution spontanée et les malades traités sont particulièrement significatives sur ce point [ 66 ]. Seule l'altération de l'état général, une affection engageant le pronostic vital, ou une atteinte respiratoire ou cardiaque grave, représentent des contre-indications au traitement. Il est à notre avis incohérent de penser que ces patients seront d'excellents patients pour le traitement endoluminal. En effet ces indications dites compassionnelles peuvent se transformer en indications hémostatiques urgentes en cas de complications de la procédure. Il est sans doute peu probable que des patients soient laissés sans intervention de sauvetage en cas de complications, mais quel sera le pronostic de ces malades, récusés pour une chirurgie froide, et qui sont opérés dans des conditions encore plus mauvaises ?


Traitement chirurgical
Les résultats de la chirurgie sont bons pour la chirurgie réglée, avec une mortalité inférieure à 4 % [ 49 ]. La mortalité reste très élevée pour les anévrysmes rompus variant selon les séries, et selon l'inclusion ou non dans ces séries des anévrysmes opérés en urgence, des ruptures chroniques, ou des découvertes opératoires qui sont en fait des chirurgies réglées sur des malades préparés. Une augmentation de la morbidité et de la mortalité a été rapportée en cas de chirurgie rénale combinée [ 82 ].

Traitement endoluminal
Les résultats de Palmaz ont été récemment rappelés lors de la première réunion " High Tech en angioplastie périphérique " en 1995 [ 73 ]. À partir de travaux expérimentaux chez l'animal, il a montré les limites de la technique du traitement endoluminal des anévrysmes de l'aorte abdominale. Il a utilisé une endoprothèse métallique recouverte de PTFE. L'étude anatomopathologique chez le chien a mis en évidence l'existence d'une néo-intima recouvrant la quasi-totalité de la prothèse, sans lésion mécanique pariétale. Mais des questions persistent quant au devenir des prothèses à long terme et des fuites même minimes qui demeurent encore fréquentes après mise en place du matériel, essentiellement du fait d'un défaut d'hermétisme au niveau des anastomoses. De plus, on ne peut préjuger à long terme, ni de l'absence du risque de rupture après exclusion endoluminale, ni du devenir des lombaires réalimentant à contre-courant la coque anévrysmale exclue. Des ruptures tardives sont cependant décrites, des embolisations distales également (dont deux fatales dans la série de Parodi) [ 68 ].
Dans la série de Blum et al, 26 prothèses dont 23 bifurquées ont été implantées, avec un suivi court de 8 jours à 8 mois. Le taux de succès initial est de 96 %. Des fuites de l'endoprothèse supérieures à 3 mois ont nécessité la mise en place de nouvelles prothèses. Chez sept des 26 patients, des fuites résiduelles mineures se sont spontanément thrombosées dans un délai de 7 jours. Mais le taux de complications reste important : 20 % [ 12 ].
Les premiers résultats du protocole multicentrique américain, sous contrôle de la Food and Drugs Administration (FDA), ont été publiés [ 64 ]. Il concerne 46 patientsâgés de 54 à 84 ans, avec des anévrysmes de 3,8 à 7,1 cm de diamètre. Les patients ont été traités par deux types de prothèses, qui sont en fait des modèles " évolutifs ". Le taux de succès d'implantation initial est de 85 %, avec une durée moyenne d'intervention de 194 minutes. Les conversions chirurgicales sont au nombre de sept. Elles sont dues à des sténoses iliaques associées, un mauvais déploiement, ou une migration du dispositif. Aucun décès n'est survenu. La durée moyenne du séjour hospitalier est de 3,8 jours. Il n'a pas été noté d'embolies distales graves, d'ischémie pelvienne ou digestive, ou d'amputations de membres. Les complications rapportées par les auteurs sont : un infarctus du myocarde, huit traumatismes artériels iliofémoraux, nécessitant tous une réparation chirurgicale, sept infections de scarpa. La persistance d'une prise de contraste périprothétique a été notée initialement sur 17 contrôles, mais neuf d'entre elles se sont résolues spontanément. Pour les huit malades restants, un a été réopéré en raison d'une augmentation de la taille de l'anévrysme, et un autre a eu une angioplastie transluminale afin de réexpandre l'endoprothèse. Six patients sont donc suivis de 6 à 27 mois avec des fuites périprothétiques ou des retours par les artères lombaires. Des fractures du système d'ancrage ont été identifiées chez neuf patients, nécessitant une ablation chirurgicale. L'endoprothèse dans le traitement de l'anévrysme aortique semble prometteuse, même si les conclusions de l'Agence nationale pour le développement et l'évaluation médicale (ANDEM) rapportées par Chiche et al font état de 38 % d'échecs dont 10 % de décès directement imputables à la procédure [ 19 ].


Infarctus du myocarde
C'est une complication grave, qui représente encore la principale cause de morbidité et de mortalité de ces malades. La moitié de ces décès postopératoires précoces ou tardifs sont d'origine coronarienne. Ce risque myocardique existe dès l'induction anesthésique, lors des phases de clampage et de déclampage aortique, et lors du réveil. C'est dire l'importance d'un monitoring précis et permanent [ 40 ]. La détection de toute souffrance myocardique préopératoire est donc une absolue nécessité, les revascularisations coronariennes étant réalisées avant la mise à plat-greffe.

Colite ischémique et complications digestives
C'est après la pathologie cardiaque, la deuxième cause de mortalité chez les opérés d'anévrysme de l'aorte [ 33 ]. Sa fréquence est de 0,3 à 10 % des séries selon Farkas et al, mais sa traduction clinique est d'environ 3 %. La durée du clampage, l'état de la vascularisation pelvienne (artère mésentérique inférieure, artères hypogastriques), le bas débit prolongé en sont les facteurs principaux. Le rôle des radicaux libres lors de l'ischémie-reperfusion est également évoqué. C'est une complication grave qui se traduit par une reprise trop rapide et diarrhéique du transit. L'état de choc et l'acidose métabolique complètent le tableau. La colonoscopie doitêtre faite au moindre doute. C'est elle qui guide l'attitude thérapeutique : abstention et surveillance, ou chirurgie d'exérèse, grevée d'une lourde mortalité, puisque le décès varie selon les séries de 30 à 100 % [ 33 ]. Le bénéfice préventif de la réimplantation de l'artère mésentérique inférieure reste discuté.

Complications pulmonaires
Elles sont fréquentes, plus de 50 %, mais pas toujours graves. Les pneumopathies de base sont les principales. Elles doiventêtre prévenues par un sevrage tabagique préopératoire, une préparation kinésithérapique intense. La voie rétropéritonéale ne semble pas diminuer de façon significative ces complications. La ventilation mécanique prolongée est en revanche un facteur de gravité [ 96 ].

Complications rénales
Elles sont plus rares ; elles peuventêtre favorisées par des artères rénales pathologiques (qui peuventêtre traitées en même temps que l'anévrysme), par un collapsus peropératoire ou par des emboles dans les lumières artérielles lors du clampage aortique. Le clampage supra-aortique pour le contrôle de l'aorte, la ligature de la veine rénale gauche sont parfois responsables de tubulopathies transitoires. La dialyse peutêtre nécessaire notamment après chirurgie d'anévrysme rompu. C'est un facteur de mauvais pronostic.

Complications dues à la prothèse
Elles nécessiteraient à elles seules un chapitre abondant, même si elles sont relativement rares.

- L'infection de prothèse : complication majeure. Elle reste rare (0,5 à 1,5 %) [ 90 ]. C'est une catastrophe responsable d'une lourde mortalité (70 % avant l'utilisation des allogreffes artérielles), et d'une morbidité importante (plus de la moitié des patients seront amputés). Elle ne correspond pas toujours à une faute chirurgicale, mais la contamination à partir de la peau est un élément majeur. L'existence d'un trouble trophique distal, un défaut de recouvrement de la prothèse dans l'abdomen sont également des facteurs de sepsis.
- Les faux anévrysmes anastomotiques, aux multiples étiologies (mécanique, infectieuse, dégénérescence artérielle) et qui correspondent à des dilatations constituées de thrombus, de prothèse, de paroi artérielle native, et de tissus inflammatoires. Ils nécessitent une prise en charge chirurgicale, car leurs risques évolutifs sont les mêmes que les " vrais " anévrysmes (fig 22).
- La thrombose de prothèse a des étiologies multiples : infection, embole d'origine cardiaque, ou d'un faux anévrysme anastomotique, détérioration du lit d'aval. Son traitement n'est pas univoque : remplacement, thrombectomie chirurgicale ou radio-interventionnelle.



Chylopéritoine
C'est une complication exceptionnelle. Dans une revue de littérature de 1981 à 1992, Pabst et al n'ont trouvé que 22 cas auxquels ils ont ajouté cinq cas personnels [ 67 ]. Cette complication correspond à un épanchement ascitique stérile de lymphe intrapéritonéale qui apparaît en moyenne 18 jours après l'intervention (avec des extrêmes de 7 à 120 jours). Leur traitement par nutrition parentérale et triglycérides à chaînes légères suffit le plus souvent, la chirurgie n'étant réservée qu'aux épanchements enkystés. Les épanchements récidivants nécessitent parfois des dérivations péritonéales par shunts.

Complications sexuelles
L'éjaculation rétrograde par section des nerfs présacrés est présente chez environ 30 % des patients opérés d'anévrysmes de l'aorte abdominale [ 61 ]. Sa prévention passe par l'absence de dissection de l'artère iliaque primitive gauche notamment, mais elle est parfois difficile à éviter. Il faut à notre avis en informer les patients en préopératoire.

Autres complications
Nous ne ferons que les citer, car elles sont très rares, voire exceptionnelles :

- l'ischémie médullaire, par naissance anormale d'une artère d'Adamkiewicz ;
- les lésions urétérales directes, qui peuvent se voir dans la chirurgie des anévrysmes iliaques.


Évolution de la maladie athéromateuse
C'est une complication évolutive tardive.
La détérioration du lit d'aval, l'apparition de nouvelles localisations athéromateuses imposent un suivi régulier de ces patients (fig 23). Seuls les antiagrégants plaquettaires ont prouvé leur efficacité à long terme dans la prévention coronarienne et cérébrovasculaire. Les mesures hygiénodiététiques, la prise en charge multidisciplinaire sont indispensables. Nous terminerons en insistant sur la prévention, l'éducation et la surveillance par le médecin traitant, le dépistage écho-doppler annuel des complications et la détection de nouvelles localisations anévrysmales.

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