Exploration fonctionnelle de la glande
thyroïde (en dehors de l'imagerie)
A Léger R é s u m é. – L’exploration fonctionnelle de la thyroïde a été transformée au cours de la
dernière décennie. Le dosage ultrasensible de la thyroid stimulating hormone (TSH)
(deuxième génération), fait en première intention dans tous les cas, permet d’emblée le
diagnostic d’hyperthyroïdie même fruste, et a presque totalement supprimé le test à la
thyreostimulin releasing hormone (TRH) ; cependant la TSH peut être perturbée par des
facteurs non thyroïdiens. L’utilité des dosages de TSH de troisième et quatrième générations
nous semble discutable. Le dosage des hormones thyroïdiennes libres T4 et T3 a remplacé
les dosages d’hormones totales ; les multiples méthodes, directes (les plus chères) et
indirectes, ont leurs avantages et leurs inconvénients ; la difficulté de leur interprétation, en
cas de pathologies non thyroïdiennes associées, provient d’interférences multiples. Les
progrès faits dans la connaissance des maladies thyroïdiennes auto-immunes, avec les
dosages d’anticorps (Ac) antithyroperoxydase, antithyroglobuline, antirécepteurs de la TSH
et antihormones thyroïdiennes facilitent la compréhension et le traitement de la maladie de
Basedow et des thyroïdopathies auto-immunes, et la surveillance de la thyroglobuline dans
les cancers thyroïdiens différenciés. La compréhension de la fonction thyroïdienne chez le
foetus, la femme enceinte, le sujet âgé s’est grandement améliorée, ainsi que l’interprétation
du bilan thyroïdien dans les maladies graves non thyroïdiennes. La calcitonine et ses
précurseurs font l’objet de dosages spécifiques. Les progrès faits en génétique ont
transformé le diagnostic des formes familiales de cancer médullaire de la thyroïde, en
mettant en évidence des mutations du gène ret.
Introduction
L’exploration fonctionnelle de la thyroïde a considérablement changé au
cours de la dernière décennie. Le diagnostic des dysfonctionnements a été
radicalement transformé par le dosage ultrasensible de la TSH. Les dosages
des hormones libres a permis dans la majorité des cas de se libérer des
problèmes posés par les protéines porteuses. Les progrès faits dans la mise en
évidence de l’auto-immunité a amélioré le diagnostic et le traitement des
maladies de Basedow et de Hashimoto. Les progrès de la génétique ont permis
de reconnaître des pathologies autrefois méconnues, comme les
hyperthyroïdies génétiques, de mieux comprendre la pathogénie des zones de
parenchyme thyroïdien autonome, de dépister les sujets à risque dans les
formes familiales de cancer médullaire de la thyroïde.
Dosage de la TSH [17, 27, 43, 54]
Techniques de dosage
Le dosage de laTSH repose principalement sur la méthode immunométrique.
Le principe de cette méthode consiste à obtenir une liaison en « sandwich »
de laTSH entre deuxAc monoclonaux anti-TSH en excès, dirigés contre deux
épitopes différents de la TSH, l’un étant fixé sur un support physique, l’autre
étant marqué par divers traceurs : de l’iode 125 radioactif (radio-
Aubène Léger : Médecin des Hôpitaux, hôpital Necker-Enfants Malades, 149, rue de Sèvres,
75743 Paris cedex 15, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Léger A. Exploration fonctionnelle de
la glande thyroïde (en dehors de l’imagerie). Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris),
Endocrinologie-Nutrition, 10-002-E-10, 1999, 5 p.
immunologie), une enzyme (immunoenzymologie), une substance
fluorescente (immunofluorescence) ou luminescente (immunoluminescence).
Les traceurs radioactifs restent les traceurs de référence, mais sont
d’utilisation plus complexe que les traceurs non radioactifs.Aucune méthode
n’est parfaite. Les améliorations de qualité des Ac et de la détection ont fait
apparaître des générations successives de dosages de TSH. La sensibilité dite
« fonctionnelle » (SF), plus petite valeur de TSH détectable de façon répétée
avec un coefficient de variation inférieur à 20 %, diminue avec les
générations.
Le dosage radio-immunologique classique de la TSH (première génération),
qui ne décelait que les élévations de la TSH, est abandonné.
Le dosage ultrasensible de la TSH (dit de deuxième génération) permet de
distinguer les valeurs normales des valeurs abaissées et nulles, à une SF de
0,2 mUI/L.
Le dosage ultra-ultrasensible de laTSH (dit de troisième génération) a une SF
de 0,02 mUI/L. Encore plus récemment est apparue une TSH de quatrième
génération.
La TSH est abaissée ou nulle dans presque toutes les hyperthyroïdies. Il n’y a
en principe pas de zone de recouvrement entre l’euthyroïdie et
l’hyperthyroïdie.
Les valeurs normales de la TSH ultrasensible sont :
– euthyroïdie : limite inférieure 0,2 à 0,5 mU/L ; limite supérieure 3 à
5 mU/L ;
– hyperthyroïdie : valeur inférieure à la limite basse de la normale ;
hypothyroïdie : valeur supérieure à la limite haute de la normale.
Le dosage deTSH dite de troisième génération donne des résultats semblables
au dosage ultrasensible de deuxième génération, avec un chiffre significatif
de plus.
Dans l’hyperthyroïdie, la TSH est abaissée, inférieure à la limite normale du
laboratoire, sauf dans les cas de sécrétion inappropriée deTSH (résistance aux
HT et adénome thyréotrope hypophysaire).
La TSH de troisième génération permettrait de distinguer les hyperthyroïdies
vraies à TSH nulle, des TSH abaissées dans le cadre de maladies graves
10-002-E-10
© Elsevier, Paris ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 10-002-E-10
non thyroïdiennes (cf infra). En fait laTSH des hyperthyroïdies est loin d’être
toujours nulle et l’utilité de ce dosage ne nous paraît actuellement pas
démontrée.
Test à la TRH [54]
Ce test était utilisé avant le dosage ultrasensible de la TSH pour faire le
diagnostic d’hyperthyroïdie. L’injection intraveineuse de TRH (200 à
400 íg) provoque normalement une élévation de la TSH avec un maximum à
30 minutes et un retour à la normale en 2 heures. Dans l’hyperthyroïdie, cette
élévation ne se produit pas. Dans l’hypothyroïdie primaire, elle est augmentée
et prolongée.
Le test à la TRH n’est plus utilisé que dans les pathologies
hypothalamohypophysaires, où la réponse est variable.
Résultats normaux : le pic est obtenu normalement à 20 ou 30 minutes. Selon
les auteurs, les résultats normaux sont exprimés :
– en valeur brute d’ascension par rapport au taux de TSH basale,
normalement d’environ 10 mU/L ;
– ou comme un rapport du maximum de la TSH à la TSH de base ; le facteur
normal est habituellement estimé à 10 ou plus.
Hormones thyroïdiennes T4 et T3
T4 totale, T3 test, index de T4 libre, T3 totale [3, 29]
La T4 plasmatique circule liée à des protéines, principalement la Thyroxin
Binding Globulin (TBG). La forme active de la T4 est la forme libre : 0,03 %
de la T4 totale. Pour une même concentration de T4 libre, la T4 totale varie
parallèlement à la TBG, suivant la loi d’action de masse :
(T4 libre) ´ (TBG libre) / (T4 liée à TBG) = constante k
Le dosage de la T4 totale est radio-imunologique. Le T3-test et l’index de
thyroxine libre permettent de corriger les variations de T4 totale dues aux
variations de la TBG. Cependant, dans les variations importantes de TBG, la
correction apportée par l’indice de thyroxine libre (ITL) est insuffisante ; ces
méthodes sont donc actuellement abandonnées et remplacées par le dosage
de T4 libre.
La T3 plasmatique circule, liée aux mêmes protéines que la T4 : 0,3 %environ
de la T3 est libre. Le coefficient de liaison de la T3 étant plus faible que celui
de la T4, les variations de TBG modifient moins la T3 totale. Cependant, le
dosage radio-immunologique de T3 totale est remplacé par le dosage de T3
libre.
Les valeurs normales suivantes sont données à titre d’indication :
– T4 totale : environ 65 à 155 nmol/L, soit 50 à 120 íg/L ;
– le T3-test et l’index de thyroxine libre sont des index, sans dimension, dont
les limites sont définies par chaque laboratoire ;
– la T3 totale : environ 1,8 à 2,8 nmol/L, soit 1,2 à 1,8 íg/L.
T3 et T4 libres [2, 3, 6, 9, 13, 16, 30, 38, 41, 48, 50]
L’immunoanalyse indirecte consiste à séparer physiquement la fraction
hormonale libre de la fraction liée, par dialyse à l’équilibre, chromatographie
sur colonnes ou liaison à unAc ; cette technique de référence est peu utilisable
en routine.
L’immunoanalyse directe est plus utilisée :
– en deux étapes : la première étape fixe l’hormone libre sur un Ac antihormone,
lui-même fixé sur les parois du tube ; l’hormone liée est rincée et
éliminée ; dans la seconde étape, le traceur (l’hormone marquée) se fixe sur
les sites de l’Ac restés vacants. Cette technique est assez peu sensible car l’HT
à doser et le traceur ont la même affinité pour l’Ac antihormone ;
– les dosages directs en une étape sont fondés sur la propriété d’un
« analogue » de l’hormone de réagir avec l’Ac utilisé dans le dosage sans
avoir d’affinité pour les protéines porteuses : celles-ci deviennent en principe
une cause d’erreur négligeable. Cependant, certains analogues se lient en
partie aux protéines, d’où des résultats sont parfois erronés, principalement
dans des circonstances comme les déficits ou excès congénitaux de TBG, la
présence d’autoanticorps anti-T3 ou anti-T4, les maladies non thyroïdiennes.
Aucune méthode de dosage desHTlibres ne donne de bons résultats dans tous
les cas. Les résultats sont à interpréter en fonction des normes du laboratoire,
de l’âge du patient, des traitements en cours. Les valeurs normales sont de
l’ordre de :
– T4 libre : 10 à 20 pmol/L, soit 7,8 à 15,6 ng/L ;
– T3 libre : 3 à 9 pmol/L, soit 2 à 6 ng/L.
Les résultats sont élevés dans l’hyperthyroïdie, abaissés dans l’hypothyroïdie.
Reverse T3
Elle est normalement présente dans le sérum. Dans diverses circonstances, la
désiodation de la T4 se fait vers la rT3 plutôt que vers la T3, entraînant une
élévation de la rT3.
Le résultat normal est : 460 à 770 pmol/L, soit 300 à 500 ng/L.
Thyroglobuline (Tg)
Le résultat normal est d’environ 10 à 60 íg/L.
Auto-immunité thyroïdienne
Anticorps antithyroglobuline, antimicrosomaux
et antithyroperoxydase [5, 25, 31, 32, 35, 45]
LesAc antimicrosomaux et lesAc antithyroglobulines (anti-Tg) peuvent être
titrés par hémagglutination, ou dosés par immunologie. L’antigène
microsomal est maintenant identifié à la thyroperoxydase (TPO). Le dosage
immunologique des Ac anti-TPO est plus spécifique que celui des Ac
antimicrosomaux. Les dosages ne sont pas standardisés et le seuil de
normalité n’est pas bien défini. La définition même de la thyroïdopathie autoimmune
reste elle aussi, de ce fait, très floue.
Les Ac antimicrosomaux sont retrouvés dans presque toutes les thyroïdites
chroniques auto-immunes, souvent dans le myxoedème atrophique, la
thyroïdite du post-partum, la maladie de Basedow. La recherche d’Ac anti-Tg
est moins souvent positive et est en règle inutile. En revanche, le dosage des
Ac anti-Tg est très important dans la surveillance des cancers thyroïdiens
différenciés, dont la Tg est le marqueur tumoral. Les Ac anti-Tg interfèrent
avec le dosage de Tg, avec une erreur par excès ou par défaut selon les
techniques de dosage. Le test de récupération permet une correction partielle
de cette erreur : on ajoute une quantité connue de Tg et on refait les dosages
pour voir si on « récupère » bien la quantité de Tg ajoutée ; ce test est imprécis
car la Tg ajoutée n’est pas strictement identique à celle du malade. Le résultat
normal varie selon les laboratoires (environ 90 à 110 %).
Anticorps antirécepteur de la TSH [46, 57]
Une terminologie complexe désigne ces Ac et varie selon les méthodes
utilisées. La méthode la plus simple est fondée sur la compétition avec de la
TSH marquée au niveau du récepteur de la TSH, que les Ac soient bloquants
ou stimulants. La seconde méthode, plus lourde, comporte un dosage de
l’adénosine monophosphorique cyclique (AMPc), augmenté en cas d’Ac
stimulants, diminué en cas d’Ac bloquants.
Ces Ac sont retrouvés chez 70 à 100 % des malades présentant une maladie
de Basedow non traitée. La persistance de ces Ac au cours du traitement
médical a une signification pronostique et permet de prédire une forte
probabilité de rechute après arrêt du traitement. Leur présence chez une
femme enceinte ayant présenté une maladie de Basedow fait craindre leur
passage transplacentaire et une hyperthyroïdie néonatale.
Anticorps antihormones thyroïdiennes [23, 48, 49]
Les Ac anti-T3 et anti-T4 peuvent interférer dans les dosages de T3 et T4 en
se comportant comme des protéines porteuses, et en interférant avec l’Ac
utilisé dans le dosage. Les erreurs entraînées sont d’importance très variable.
Thyroxin binding globulin (TBG)
Le dosage est radio-immunologique. Le taux de TBG s’élève principalement
au cours de l’oestrogénothérapie et de la grossesse.
Le résultat normal chez les sujets euthyroïdiens est 10 à 30 mg/L.
Le résultat normal au cours de la grossesse est 20 à 75 mg/L, avec une
élévation progressive au cours de la grossesse.
Dosages chimiques de l’iode
Iodémie totale [44]
Le dosage est fondé sur la réduction par l’iode de sulfates céreux. On ne peut
pas distinguer les différentes formes chimiques de l’iode. L’iode sérique total
est composé de l’iode hormonal, principalement l’iode de T4 (65 % de la T4
totale), de l’iodure alimentaire, de l’iode sous d’autres formes chimiques.
Le résultat normal de l’iodémie totale et de l’iodémie hormonale est de 230 à
620 nmol/L (30 à 80 íg/L).
Iodurie
Ce dosage, dérivé du précédent, dose tout l’iode urinaire, quelle que soit la
forme chimique de l’iode. On dose l’iodurie sur une miction ou sur un recueil
des 24 heures. L’iodurie permet de faire la preuve d’une surcharge ou d’une
carence iodée. Elle n’est pas modifiée en cas de dysthyroïdie.
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Le résultat normal de l’iodurie des 24 heures dépend du bilan alimentaire, en
l’absence de surcharge iodée iatrogène. L’iodurie est, en France, d’environ
800 nmol (100 íg) par 24 heures chez l’adulte.
Calcitonine (CT) [39, 42, 52]
Calcitonine marqueur du cancer médullaire
de la thyroïde (CMT)
La CT est le marqueur le plus sensible. Elle est sporadique ou héréditaire
(dans au moins 25 % des cas) dans le cadre d’une néoplasie endocrinienne
multiple de type 2 (NEM 2a, la plus fréquente ; NEM 2b et CMT familial
isolé, plus rares).
Les radio-immunodosages (RIA) utilisant des Ac polyclonaux manquent de
spécificité et dosent la CT mature, la procalcitonine et divers peptides
précurseurs ou dérivés. Le dosage immunométrique « sandwich » utilisant
deux Ac monoclonaux permet un dosage spécifique de la CT mature. Les
résultats dépendent des kits utilisés. Il faut donc être prudent dans les
définitions des normes.
La CT est stimulée par la pentagastrine (Pg). Le test à la Pg comporte
l’injection de 0,5 íg/kg de poids de Pg, avec prélèvements de sang entre 0 et
10 minutes. Une injection par voie intraveineuse lente minimise les effets
secondaires (nausées, chaleur).
Avec les kits immunoradiometric assay (IRMA) de CIS Bioindustrie,
spécifiques de la CT mature, la valeur normale de CT de base est inférieure à
10 ng/L, et la valeur du pic après Pg (pic moins taux de base) est inférieure à
30 ng/L. Une CT de base supérieure à 50 ng/L et/ou une réponse à la Pg
supérieure à 100 ng/L sont en faveur deCMT. Les valeurs intermédiaires sont
à interpréter en fonction du contexte. Le seuil de CT suspect est évidemment
plus bas au cours de l’enquête familiale d’un CMT que dans un cas isolé.
Devant une valeur intermédiaire dans un cas isolé, on se contente d’une
surveillance de la CT, le test à la Pg, désagréable, étant difficile à répéter.
L’antigène carcinoembryonnaire (ACE) peut être également élevé dans le
CMT.
Dans le cas d’un CMT, après thyroïdectomie totale, la CT se normalise en 24
heures, l’ACE se normalise en quelques semaines. Une élévation ultérieure
indique une récidive ou une métastase.
Étude génétique de mutation du gène ret [51]
Elle doit être systématique devant tout CMT. Le proto-oncogène Ret est
localisé sur le chromosome 10 et code pour un récepteur membranaire à
activité tyrosine kinase. La mutation la plus fréquente est celle du codon 634
de l’exon 11 dans la NEM 2a.
Hypercalcitoninémie en dehors du cancer
médullaire [42, 52]
En dehors des CMT, une augmentation de la CT correspond le plus souvent à
une hyperplasie des cellules C. Une augmentation de la CT mature ou de ses
précurseurs peut se voir aussi dans l’insuffisance rénale, l’hypercalcémie,
certaines tumeurs malignes (cancers bronchiques à petites cellules, tumeurs
neuroendocrines). Le test à la Pg est négatif ; il n’y a pas de mutation du gène
ret.
Au cours de l’infection et des syndromes inflammatoires, la procalcitonine et
les peptides dérivés sont élevés, la calcitonine mature est normale ou à peine
élevée.
Effets tissulaires des hormones
thyroïdiennes [1, 12, 26, 28]
Nous citerons très brièvement les effets tissulaires et métaboliques des
hormones thyroïdiennes.
Au niveau de l’os et du métabolisme phosphocalcique, la T3 agit au niveau
des ostéoclastes, accélérant la résorption osseuse. En hyperthyroïdie, une
hypercalcémie est fréquente, associée à une hypercalciurie, une
hyperphosphorémie et une hyperphosphaturie ; l’hydroxyprolinurie est
élevée, ainsi que les phosphatases alcalines et l’ostéocalcine. La balance
calcique négative et l’ostéoporose sont à prendre en considération au cours
du traitement par la L-T4 à visée freinatrice de la TSH dans les cancers
thyroïdiens différenciés au long cours.
Les hormones thyroïdiennes augmentent le métabolisme de base et la
calorigenèse. Au niveau du métabolisme glucidique, l’hyperthyroïdie peut
s’accompagner d’une tendance à l’hyperglycémie avec augmentation de la
néoglucogenèse ; l’hypothyroïdie peut s’accompagner d’une hypoglycémie.
Sur le plan du métabolisme lipidique, on observe au cours de l’hyperthyroïdie
une augmentation de la lipolyse, avec élévation des acides gras libres
plasmatiques et des corps cétoniques ; le cholestérol et les low density
lipoproteins (LDL) sont diminués.
De nombreuses enzymes peuvent être modifiées au cours des dysthyroïdies :
la créatine phosphokinase peut être franchement élevée au cours d’une
hypothyroïdie et, à un moindre degré, la lacticodéshydrogénase. Citons
également, au cours de l’hyperthyroïdie, l’élévation des transaminases, des
phosphatases alcalines et des gammaglutamyltransférases.
En hyperthyroïdie la sex hormone binding protein (SHBG) s’élève ; le
catabolisme du cortisol et sa sécrétion sont augmentés ; la cortisolémie est
normale.
Au niveau du système hématopoïétique, une anémie est fréquemment
retrouvée au cours de l’hypothyroïdie. Dans l’hyperthyroïdie, une
leuconeutropénie avec lymphocytose relative est fréquente, ainsi qu’une
thrombopénie modérée, d’origine périphérique ; la masse sanguine est
augmentée, avec ou non polyglobulie ; cependant, on peut voir aussi une
anémie de type variable.
Tests in vitro de l’action des hormones thyroïdiennes
L’étude de la liaison de la T3 aux noyaux de cellules mononucléées et/ou de
fibroblastes a donné des résultats discutés.
La réponse cellulaire aux hormones thyroïdiennes est mieux étudiée par la
mesure de l’inhibition par la T3 de la synthèse de fibronectine dans les
fibroblastes en cultures.
Variations du bilan thyroïdien selon le terrain
Variations selon l’âge [33, 53]
Chez le nouveau-né, la TSH s’élève, passe par un maximum à 60 minutes, et
revient à la normale vers j3-j4, d’où la date de dépistage de l’hypothyroïdie
congénitale vers j5.
La T3 diminue avec l’âge tout au long de la vie : chez l’enfant, la T3 est
supérieure à la valeur de l’adulte ; chez l’adulte, la T3 diminue
progressivement avec l’âge ; chez le sujet âgé, la T3 passe au-dessous des
valeurs normales de l’adulte.
Chez le sujet âgé, la sécrétion de TSH et la réponse au TRH diminuent.
Grossesse, foetus, nouveau-né [7, 18, 36, 53]
Divers facteurs modifient la fonction thyroïdienne. L’augmentation de
synthèse hépatique de laTBG diminue la saturation de laTBG par la T4, avec
diminution des T3 et T4 libres, d’où une élévation discrète de la TSH. La
gonadotrophine chorionique humaine (hCG) a un effet thyréotrope ; elle peut
être responsable d’une élévation de la T4 et d’un abaissement de la TSH
(surtout dans une grossesse gémellaire). La thyroïde s’hypertrophie,
régressera en partie après la grossesse. Les besoins en iode augmentent
(hormonogenèse accrue, fuite vers le foetus, augmentation de la filtration
glomérulaire de l’iodure) : la carence iodée habituelle en France est donc
majorée.
Après l’accouchement, un rebond de l’immunité est responsable de
dysthyroïdies dans les mois qui suivent. La thyroïdite du post-partum est
assimilée à une thyroïdite indolore, avec une phase d’hyperthyroïdie suivie
d’une phase d’hypothyroïdie.
Hyperthyroïdie
Dans l’hyperthyroïdie franche, les hormones thyroïdiennes T4 et T3 sont
élevées. La TSH est parfois nulle, parfois seulement abaissée, dans tous les
cas au-dessous de la limite inférieure normale du laboratoire, sauf dans les
cas – rares – de sécrétion inappropriée de TSH (résistance aux hormones
thyroïdiennes, adénome hypophysaire à TSH). Dans les formes frustes
d’hyperthyroïdie, seule la TSH est abaissée, les hormones libres restant dans
les limites normales. Lorsque l’hyperthyroïdie est due à la présence de tissu
thyroïdien autonome (goitre ancien secondairement autonomisé, adénome
toxique), on observe parfois une sécrétion préférentielle de T3, d’autant plus
volontiers qu’il existe une carence iodée alimentaire.
Nous ne ferons qu’évoquer brièvement ici le diagnostic étiologique de
l’hyperthyroïdie. Il est parfois évident lorsqu’il s’agit d’une maladie de
Basedow typique avec goitre homogène et vasculaire, exophtalmie, présence
d’Ac antirécepteurs de la TSH. Lorsqu’il existe un ou plusieurs nodules, une
scintigraphie est utile pour mettre en évidence un adénome toxique ou un
goitre ancien multinodulaire secondairement autonomisé. Une
hyperthyroïdie associée à une fixation de l’iode basse ou nulle et une
scintigraphie thyroïdienne blanche fait évoquer une thyroïdite subaiguë de De
Quervain, indolente, ou du post-partum, une hyperthyroïdie induite par
surcharge iodée, une thyrotoxicose factice (dans ce cas, la thyroglobuline est
basse ou nulle). Le dosage des Ac antithyroïdiens permet de confirmer le
caractère auto-immun de l’hyperthyroïdie, surtout lesAc antirécepteurs de la
TSH ; ceux-ci s’abaissent en général au cours du traitement médical ; leur
persistance en fin de traitement est un argument en faveur d’une rechute
prévisible et peut faire hâter la décision d’un traitement radical.
Endocrinologie-Nutrition EXPLORATION FONCTIONNELLE DE LA GLANDE THYROÏDE (EN DEHORS DE L’IMAGERIE) 10-002-E-10
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Hypothyroïdie
Dans l’hypothyroïdie d’origine basse, les hormones thyroïdiennes T4 et T3
sont abaissées. La TSH est élevée au-dessus de la limite normale supérieure
du laboratoire. Dans l’hypothyroïdie fruste, seule la TSH est élevée ; les
hormones thyroïdiennes peuvent être normales. Dans l’hypothyroïdie
d’origine hypothalamohypophysaire, la TSH est rarement effondrée,
fréquemment normale, voire élevée ; la réponse à la TRH est variable.
Le diagnostic étiologique précis de l’hypothyroïdie d’origine basse est fondé
sur l’examen clinique et l’interrogatoire : on retrouve le plus souvent chez
l’adulte : une hypothyroïdie iatrogène, après thyroïdectomie ou traitement par
iode 131, au cours d’un traitement par antithyroïdiens de synthèse, une
hypothyroïdie induite par l’iode ou au décours d’une hyperthyroïdie induite
par l’iode ; une hypothyroïdie non iatrogène au décours d’une thyroïdite
subaiguë ou en post-partum. Le bilan immunologique permet de faire le
diagnostic de thyroïdite auto-immune, le bilan iodé celui de carence iodée.
Les hypothyroïdies induites par le lithium ou des cytokines sont plus rares.
La scintigraphie est souvent utile pour établir un diagnostic précis.
Chez le nouveau-né, la scintigraphie est nécessaire, étant donnée la fréquence
des dysgénésies.
Amiodarone [22, 40]
L’amiodarone diminue la désiodation de la T4 en T3. La T4 totale et libre est
augmentée, souvent au-dessus de la limite normale. L’amiodarone est très
riche en iode (75 mg/comprimé). La surcharge iodée qui en résulte peut
induire des dysthyroïdies. La TSH s’élève un peu en début de traitement.
Ces modifications surviennent dès les premières heures du traitement par
l’amiodarone, et persiste pendant plusieurs mois après l’arrêt du traitement.
L’iodémie et l’iodurie servent à étudier la vitesse d’élimination de
l’amiodarone, dont la demi-vie est estimée à plusieurs mois.
Apprécier la vitesse d’élimination peut être utile dans le traitement d’une
dysthyroïdie induite par l’amiodarone.
Dans l’hyperthyroïdie induite par l’amiodarone, l’élévation de la T4 ne suffit
pas à faire le diagnostic. Il faut exiger un effondrement de laTSH ultrasensible
et une élévation de la T3, en tenant compte de l’âge.
Dans l’hypothyroïdie induite par l’amiodarone, le principal élément
diagnostic est l’élévation de la TSH. Une T3 basse chez le sujet âgé doit être
interprétée avec prudence.
Maladies graves non thyroïdiennes (MNT) [8, 14, 19, 34, 61]
Les perturbations du bilan thyroïdien dans les MNT sont fréquemment
appelées « syndrome de basse T3 ». La diminution de la T3 est fréquente mais
ne résume pas la complexité des situations observées dans les MNT.
Schématiquement, on observe le plus souvent une diminution de la T3 avec
augmentation de la rT3, par diminution de l’activité de la 5’désiodase de type
1 avec conversion préférentielle de T4 en T3. La T4 totale et libre peut être
diminuée dans les maladies très graves, ce qui est de mauvais pronostic. La
mesure des HT libres dépend des méthodes utilisées ; la référence reste la
dialyse à l’équilibre. Des anomalies interviennent à tous les niveaux :
hypothalamohypophysaire, hormonogenèse thyroïdienne, transport et
catabolisme des hormones. La réduction des apports glucidiques, le stress et
les médicaments associés ont un impact à chacun de ces niveaux. Lorsqu’une
dysthyroïdie s’associe à la MNT, le diagnostic est difficile. En cas
d’hyperthyroïdie, la TSH est effondrée, alors qu’elle est normale dans les
MNT, sauf dans un petit pourcentage de cas souvent traités par des
corticoïdes, de la dopamine, de la phénytoïne. Mais la TSH peut aussi être un
peu élevée dans les MNT. Le diagnostic d’hypothyroïdie primaire est très
probable si la TSH dépasse 25 mU/L. Une hypothyroïdie d’origine haute est
de diagnostic très difficile dans ce cadre. La stratégie générale est de faire
plusieurs tests pour distinguer dysthyroïdie et MNT.
Infections par le VIH [21]
Il y a parfois une augmentation de la T4 et de la TBG ; la rT3 est diminuée. À
une phase avancée, le bilan thyroïdien évoque une hypothyroïdie.
Néphropathies [24]
Dans l’insuffisance rénale chronique, la T3 libre est abaissée, la T4 libre et la
rT3 sont normales ou un peu abaissées. La TSH peut être un peu élevée. Une
hypothyroïdie peut se voir au cours de poussées de syndrome néphrotique.
Interféron [10, 11, 37]
Une dysthyroïdie se voit chez environ 10 %des patients traités par interféron,
pendant le traitement ou à son décours. Il s’agit d’une hypothyroïdie dans les
deux tiers des cas, d’une hyperthyroïdie dans un tiers des cas, cette dernière
parfois suivie d’une phase d’hypothyroïdie. Les Ac sont souvent positifs.
Protocole d’exploration
Bilan initial [15, 43, 58]
Lors du bilan initial, la TSH ultrasensible est toujours le paramètre à doser de
première intention. On peut ou non y adjoindre d’emblée un dosage de la T4
selon le contexte. La démarche diagnostique est représentée
schématiquement sur le tableau I.
Bilan thyroïdien au cours d’un traitement
par les antithyroïdiens de synthèse (ATS)
Le premier paramètre à doser est la TSH. Si elle est normale, le traitement est
adéquat.
Si la TSH est augmentée, il faut diminuer la posologie enATS. Si la TSH est
abaissée, on complète le bilan par un dosage de T4 libre:
– si la T4 est élevée, il faut augmenter la posologie enATS ;
– si la T4 est normale, on continue lesATS à la même posologie ;
– si la T4 est abaissée, on peut continuer la même posologie ou la diminuer,
en fonction de l’état clinique.
Bilan au cours d’un traitement substitutif par L-T4 [4, 20, 60]
Le premier paramètre à doser est la TSH. Si elle est normale, on peut continuer
la même posologie. Si elle est augmentée, il faut augmenter la posologie de
L-T4. Si elle est abaissée, il faut diminuer la posologie. Si on dose la T4, il
faut interpréter le résultat en tenant compte du délai entre la prise de la T4 et
l’absorption de nourriture, dont dépend le pic de T4. S’il s’agit d’une
pathologie hypothalamohypophysaire, la TSH est inutile. On se fonde sur la
T4 et/ou la T3.
Difficultés d’interprétation d’un bilan
thyroïdien [3, 4, 6, 13, 30, 38, 47, 48, 54, 56, 59]
Elles proviennent de facteurs multiples :
– les interférences, au niveau de l’axe hypothalamohypophysaire, de la
sérotonine, la noradrénaline, la dopamine, la somatostatine, les oestrogènes,
les androgènes, les glucocorticoïdes. Ainsi, la TSH peut être diminuée au
cours de prise de glucocorticoïdes, dopamine et dopaminergiques, opiacés,
D-thyroxine, en début de grossesse, au cours de maladies graves non
thyroïdiennes, notamment les maladies psychiatriques. La TSH peut être
augmentée au cours de la prise d’antagonistes de la dopamine, de
neuroleptiques, de lithium, d’amiodarone en début de traitement ;
– la difficulté de doser la fraction libre des hormones thyroïdiennes et les
interférences dues aux pathologies associées ou aux médicaments :
– augmentation de la T4 libre au cours de la prise d’amiodarone
(Cordaronet), de propranolol (Alvocardylt), des hépatites aiguës et
chroniques actives ;
– diminution de la T4 libre au cours de la prise de diphénylhydantoïne, de
phénobarbital, de carbamazépine, des pathologies rénales ;
– augmentation de la T3 libre au cours de la prise d’acide triiodothyroacétique,
de D-thyroxine ;
– diminution de la T3 libre au cours de la prise d’amiodarone, de
propranolol, au cours du jeûne, dans les MNT :
Tableau I. – Démarche diagnostique initiale.
TSH
élevée - T4 abaissée ou normale basse : hypothyroïdie
- T4 élevée :
- contrôler le bilan
- rechercher :
- une interférence médicamenteuse
- une anomalie des protéines porteuses
- des Ac anti-T4
- sinon : sécrétion inappropriée de TSH
- résistance hypophysaire aux hormones thyroïdiennes
- adénome hypophysaire à TSH
normale euthyroïdie
(si dysthyroïdie clinique, contrôler la T4)
abaissée - T4 et/ou T3 augmentée : hyperthyroïdie
- T4 et/ou T3 diminuée :
- hypothyroïdie d’origine centrale
- maladie grave non thyroïdienne
- T4 et/ou T3 normale :
- rechercher :
- une grossesse
- une interférence médicamenteuse
- une maladie grave non thyroïdienne
- une maladie psychiatrique
- compléter le bilan : bilan iodé, immunologique, scintigraphie
- diagnostic le plus probable :
- hyperthyroïdie fruste autonome ou auto-immune
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– l’effet des surcharges iodées et des carences iodées ;
Devant un bilan thyroïdien dissocié, il faut compléter l’investigation par une
reprise de l’interrogatoire à la recherche de maladies associées ou de prises
médicamenteuses, contrôler les résultats si possible avec une technique
différente, surtout pour les hormones thyroïdiennes libres, compléter le bilan
en fonction du contexte par un bilan immunologique, un bilan iodé, une
recherche d’anomalies des protéines porteuses, une scintigraphie ;
Un deuxième bilan, un peu à distance, permettra souvent un diagnostic.
Nomenclature des actes
T4 libre = T3 libre = TSH = BR 70 = 126 F
Deux hormones parmi T4 libre, T3 libre, TSH = BR 130 = 234 F
Trois hormones T4 libre + T3 libre + TSH = BR 190 = 342 F
TRH = 2 temps : BR 175 = 315 F, 3 temps ou plus : BR 210 = 378 F
T3 reverse (rT3) = BR 150 = 270 F
Thyroglobuline = BR 140 = 252 F
Ac anti-Tg et antimicrosomes par hémagglutination passive = B 40 = 72 F
Ac antiperoxydase = B 70 = 126 F
Ac antithyroglobuline par RIA = BR 150 = 270 F
Ac antirécepteurs de la TSH = BR 150 = 270 F
Ac antihormones T3 et T4 = BR 150
Thyrocalcitonine = BR 140 = 252 F
Iodémie totale = BHN 60
Iodurie = BHN 25
Prix calculés au 1er mai 1998 avec les valeurs suivantes :
B = BR =1,80 F ; BHN (hors nomenclature) = 0 F.
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