Introduction
Nul n’ignore aujourd’hui les
dangers des expositions solaires : on
ne peut en effet parler de «
bronzage » sans évoquer les risques liés
aux rayonnements ultraviolets
(UV) : vieillissement cutané,
modifications des défenses
immunitaires, cancers cutanés,
notamment mélanome… Ce
véritable problème de santé publique
incite à prôner le retour à la
mode des carnations claires, des teints
d’ivoire si chers à nos
grands-mères.
Pourtant peu d’entre nous
adhèrent à ce concept. Une peau bronzée,
un teint hâlé sont synonymes
de bonne santé, de bien-être et ont
supplanté le simple phénomène
de mode. Dès lors, comment
préserver sa peau de la
morsure du soleil tout en ayant bonne mine
tout au long de l’année ? Les
autobronzants apportent une solution
à ce challenge. Ces dernières
années, leur succès ne fait que croître,
et ce d’autant que ces
produits sont aujourd’hui de plus en plus
performants et d’une parfaite
sécurité d’emploi.
Produits de bronzage
sans soleil
DÉFINITION
Qui dit bronzage sans soleil
dit en fait coloration de la peau sans
intervention de la
mélanogenèse. Ceci permet donc de ne pas les
confondre avec les «
accélérateurs de bronzage », produits formulés
à partir de précurseurs de la
mélanine (tyrosine…) ou d’agents
« photoactifs » tels que les
furocoumarines, naturelles (bergamote)
ou synthétiques (psoralènes).
La coloration « artificielle »
du tégument peut, en fait, être obtenue
de deux façons : per os ou par
voie topique. Les « pilules » de
bronzage, administrées par
voie orale et composées de bêtacarotène
(associé ou non à de la
canthaxantine) provoquent une coloration
jaune orangée du tégument. Si
elles sont employées dans certaines
indications (telles que la
lucite estivale bénigne [LEB]), elles ne sont
pas considérées comme de
véritables « autobronzants » et ne sont
pas dénuées totalement d’effets
secondaires (rétinopathies par dépôt
de canthaxantine, voire risque
hématologique…) [11]. Un
Agnès
Gougerot-Schwartz : Dermatologue, service de dermatologie, hôpital Delafontaine, 2,
rue Pierre-
Delafontaine, 93205
Saint-Denis cedex, France.
autobronzant peut donc se
définir comme « une substance d’usage
topique, destinée à colorer la
peau, sans intervention de la
mélanogenèse ».
CLASSIFICATION
Les autobronzants sont souvent
classés dans la catégorie des
« prolongateurs de bronzage ».
Là encore, une mise au point
s’impose. Il n’est pas
réellement possible de prolonger le bronzage
naturel : lorsque, privée des
stimuli des rayons UV, la mélanogenèse
se ralentit, l’élimination du
pigment mélanique existant, liée au turn
over épidermique, ne peut être
stoppée. Tout au plus l’emploi de
substances hydratantes,
freinant la desquamation, permet de
retarder quelque temps ce
renouvellement cellulaire physiologique.
Les autobronzants quant à eux
ne prolongent pas le « bronzage
naturel » mais, en procurant
un effet hâlé, ils se substituent au
bronzage en faisant illusion.
Ils sont aussi présents dans de
nombreux produits «
après-soleil ».
PRINCIPE GÉNÉRAL D’ACTION DES
AUTOBRONZANTS
Leurs principes actifs sont
soit des colorants simples type brou de
noix, henné, extrait de bogue
de châtaigne, peu pratiques
d’utilisation, soit des
molécules qui réagissent avec les acides aminés
(AA) des cellules épidermiques
en développant une coloration de
teinte et d’intensité
variables, et qui résiste à l’eau. De nombreuses
molécules ont été testées
(glutaraldéhyde, dialdéhyde tartrique,
mucondialdéhyde…) mais ont dû
être abandonnées en raison de
leur mauvaise tolérance (voire
de leur toxicité) ou de leurs
mauvaises qualités
cosmétiques. Ne sont retenus actuellement que
deux principes actifs : la
dihydroxyacétone, véritable « chef de file »
des autobronzants, et, plus
récemment, l’érythrulose [7].
Dihydroxyacétone ou
DHA
HISTORIQUE
Une publication de 1920 fait
état des propriétés d’un sucre réducteur
(la DHA) présent dans une
drogue (l’oxantine) prescrite dans le
traitement du diabète.
Cependant, il faut attendre
1927 pour que son pouvoir colorant soit
identifié au travers du
brunissement de la peau et des dents (effet
secondaire) observé chez les
patients traités par l’oxantine. Il n’y
avait dès lors qu’un pas à
franchir pour que la DHA passe dans le
camp des cosmétiques.
Pourtant, ce n’est qu’en 1960 aux États-Unis
qu’une lotion hydroalcoolique
« after-shave » nommée Man-Tant
voit le jour, destinée à
donner à la peau une coloration semblable à
un hâle naturel. Tan-O-Tant succède à Man-Tant et se lance à la
conquête de la France, mais le
marché des « sans-soleil » est alors
peu développé, et les
problèmes techniques et cosmétiques ne
facilitent pas la percée des
autobronzants. En fait, il faut attendre
ces 10 dernières années pour
que la DHA connaisse un nouvel essor
grâce à une meilleure maîtrise
technique, dans un contexte plus
favorable.
NATURE CHIMIQUE DE LA DHA ET
OBTENTION
La dihydroxyacétone (C3H6O2), ou 1,3 dihydroxy-2
propanone, est
un cétose, sucre de la famille
des kétones, dérivé du glycérol.
Autrefois obtenue par
oxydation ménagée du glycérol, elle est
actuellement produite par
biotechnologie : fermentation contrôlée du
glycérol par Acetobacter suboxydans [5], Gluconobacter genus ou
Gluconobacter suboxydans. À l’état pur, la DHA est
constituée d’un
mélange de monomères et de
dimères (plus nombreux) (fig 1). Seule
la forme monomérique étant
responsable de la coloration, il s’avère
nécessaire de convertir les
dimères en monomères. Ceci peut
s’obtenir par chauffage de la
forme cristalline, ou lors de sa mise en
solution dans l’eau froide, l’alcool,
l’éther ou l’acétone, dans lesquels
la DHA est très soluble [10, 13].
MODE D’ACTION DE LA DHA
Appliquée sur la peau, la DHA
se combine avec les acides aminés
(AA) libres de la kératine,
suivant une réaction d’oxydoréduction
conduisant à la formation de
pigments colorés : les mélanoïdines.
La formation de ces
mélanoïdines est donc totalement indépendante
du système enzymatique «
tyrosinase » de la mélanogenèse. Ces
pigments sont à distinguer
chimiquement de la mélanine naturelle,
même s’ils peuvent avoir des
propriétés communes et notamment
en matière de protection
vis-à-vis des radiations UV. Cette réaction
de la DHA avec la kératine est
considérée comme une variante de la
réaction de Maillard
(aminoacides + oses ® pigments colorés), bien
connue dans le domaine
agroalimentaire puisque responsable du
brunissement de denrées
alimentaires contenant du sucre, lors de la
cuisson [17]. Ce processus s’effectue dans
les couches superficielles
de l’épiderme et dépend du
nombre d’assises cornées. Ainsi, la
coloration obtenue sous l’effet
DHA s’avère plus intense aux paumes
et aux plantes [13]. Elle disparaît lors de stripping successifs de la
couche cornée ; en revanche, l’injection
intradermique de DHA ne
produit pas de pigmentation [4, 5]. Quant à la tonalité et à l’intensité
de la couleur obtenues, elles
dépendent de la teneur en AA pouvant
varier selon la zone
anatomique [2, 11].
Selon les auteurs, le rôle des
AA s’avère plus ou moins important.
Ainsi, la présence d’arginine
permet d’obtenir une réaction plus
rapide [19], la lysine plus intense [14, 18], la méthionine faisant
augmenter les deux paramètres [2]. D’autres AA, tels que la
phénylalanine, la leucine et
la valine, ne participent pas à la réaction.
Il est à noter que pour
Meybeck l’arginine est l’AA le moins
réactif [14], et que la leucine et la
valine permettent l’obtention d’une
quantité non négligeable de
mélanoïdines. La vitesse de réalisation
de la réaction n’est pas
immédiate et s’installe généralement en 2 à
6 heures à la surface de la
peau (ou plus vite sous lumière de Wood-
Levy) [11]. Du fait du renouvellement
épidermique, elle persiste
naturellement 4 à 6 jours
avant de disparaître. D’autres paramètres
influencent également la
réaction DHA-AA : la concentration de la
DHA, le pH de la formule et la
température ambiante. L’effet hâlé
obtenu dépend donc de
paramètres relatifs à la réaction chimique
elle-même, ainsi qu’à des facteurs
propres à l’individu :
pigmentation de départ de la
peau, épaisseur de la couche cornée,
pH cutané, qualité, quantité
et nature des AA de la kératine.
Produits à base de DHA
CONTRAINTES DE FORMULATION
La DHA étant hygroscopique,
elle a longtemps été incorporée
préférentiellement dans des
émulsions H/E (huile dans eau) avec
une phase aqueuse d’au moins
70 % pour plusieurs raisons : la
réaction DHA-AA ne peut se
faire qu’en présence d’eau, et il
convient d’éviter un effet
déshydratant de la couche cornée, la DHA
« pompant » l’eau ; enfin de
grandes quantités d’huiles ou de cires
réduisent l’intensité de la
coloration [10, 12] et ralentissent la
réaction [18]. Actuellement, l’emploi de
composants tels que les
silicones permet de réaliser
des émulsions comportant une phase
grasse plus importante,
apportant avec elle des qualités d’étalement
et d’homogénéité de la
coloration. Maes [12] précise qu’en fait, quel
que soit le type d’émulsion
choisie, la qualité de l’effet obtenu
dépend de la taille des
micelles contenant la DHA. La comparaison
entre deux émulsions
similaires conduit à des résultats très
supérieurs pour celle qui a
été fortement homogénéisée. Les formes
galéniques des produits à base
de DHA ont donc évolué : des
émulsions aux sprays en
passant par des gels ou des mousses
aérosols, le choix est
maintenant plus ouvert.
Autre particularité de la DHA,
sa mauvaise stabilité. La DHA tend,
en solution, à former deux
composants : le formaldéhyde et l’acide
formique (responsables de l’odeur
caractéristique d’insecte écrasé).
Afin d’éviter cette
transformation, la DHA doit être conservée à pH
acide (autour de 4). Cette
précaution réduit le risque de dégradation
et s’avère de surcroît
bénéfique pour l’utilisateur, car le pH modifie
la couleur de la réaction :
acide, il conduit à une teinte plus naturelle
et moins jaune [10]. Enfin, il a été démontré une
corrélation entre la
quantité de dérivés formés à
partir de la DHA et le degré d’irritation
de la peau.
Les autres composants utilisés
dans la formule devront donc être
stables en milieu acide, une
solution tampon à pH autour de 5 est
donc recommandée [10]. Enfin, d’autres paramètres
pouvant
influencer la stabilité de la
DHA sont à prendre en compte : la
conservation d’une préparation
à la DHA est meilleure à basse
température. Sont à éviter
tous les composants pouvant interférer
avec la DHA : dérivés aminés
ou amines qui forment des produits
colorés avec la DHA, présence
d’ions phosphates ou d’impuretés
métalliques [10, 18], tensioactifs ioniques,
oxydants et composés
oxygénés, UV. Ces derniers en
effet peuvent être responsables d’une
perte de CO2, H et CH4, avec une production finale
de glycol. Ceci
s’observe surtout pour les
solutions aqueuses de DHA, comme en
atteste leur jaunissement.
Ainsi, des précautions doivent
être prises pour la fabrication et la
conservation d’un produit à
base de DHA : contrôle de la
température (qui ne doit pas
dépasser 40 °C lors de la réalisation de
la formule), contrôle de l’environnement
microbien, choix des actifs
associés [10], stockage idéalement en verre
[18] ou en tube opaque.
Malgré cela, une perte d’activité
de la DHA est toujours possible.
Des contrôles destinés à
mesurer la quantité d’acide formique ou de
formaldéhyde sont réalisés
périodiquement par le fabricant sur les
produits conservés en
cosmétothèque ; enfin, s’il était préférable
autrefois de ne pas dépasser
des dates de péremption de 3 ans, les
systèmes actuels de
fabrication sous vide et de conditionnement
airless permettent aujourd’hui d’améliorer
la durée de conservation
de ces produits.
CH2OH
C
O
CH2OH
A
CH2OH
CH2OH
HOC
H2C COH
O
O
CH2
B
1 Nature chimique de la
dihydroxyacétone
(DHA) [5].
A. Forme monomère.
B. Forme dimère.
OPTIMISATION DE L’ACTION DE LA
DHA
MODE D’EMPLOI
Si les autobronzants ont été
quelque peu boudés par les
consommateurs jusqu’à ces
dernières années, c’est en raison de
problèmes d’agrément
cosmétique. Liés en partie aux contraintes
techniques déjà considérées
(cf supra), les problèmes avec les
produits à base de DHA sont de
trois ordres : odeur désagréable,
couleur virant au jaune,
répartition de la coloration inhomogène
(stries, traînées). Il a donc
été nécessaire de mieux maîtriser l’emploi
de la DHA, tout à la fois en
formulation et dans son mode
d’utilisation. Comment obtenir
une coloration durable et de la teinte
souhaitée ?
Il convient tout d’abord de
choisir la juste concentration de DHA.
Ce principe actif peut être
employé de 0,5 à 10 %, mais les
concentrations habituelles se
situent autour de 3 à 5%. Étant donné
la relation entre la
coloration et l’épaisseur de la couche cornée, il
est généralement nécessaire d’employer
une plus forte concentration
sur le visage que sur le corps
(jambe par exemple) [11, 13]. Il est à noter
que l’on obtiendra la même
coloration avec une couche d’un produit
fortement concentré en DHA ou
plusieurs couches successives d’un
produit faiblement concentré.
Enfin, il existe une pigmentation
« plafond » qui ne peut être
dépassée quel que soit le nombre
d’applications ou la
concentration de la DHA [13]. Le choix de la
bonne dose d’autobronzant
dépend donc tout autant de la zone à
colorer que de la carnation du
sujet. À ce sujet, il est à noter qu’en
ce qui concerne les
autobronzants pour « peau claire » ou pour
« peau mate », seule la
concentration de DHA varie.
Une fois la bonne
concentration choisie, mieux vaut savoir adapter
la fréquence des applications.
S’il a été vu qu’il existait un « plafond
» de coloration, il est
préférable d’atteindre celui-ci
progressivement, voire de
rester légèrement en dessous pour
conserver une coloration plus
naturelle. Par ailleurs, il a été
également précisé que
concentration et nombre d’applications sont
liés : une seule application
de DHA fortement dosée peut valoir
plusieurs applications à
faible concentration. Il n’existe donc pas de
règle établie. Le plus simple
est sans doute d’attendre les quelques
heures nécessaires à l’apparition
de la coloration avant de décider
d’une réapplication.
Généralement il est recommandé d’effectuer
deux à trois applications le
premier jour, une à deux applications le
second jour, puis une
application un jour sur deux ou trois selon la
carnation et le produit choisi
[13].
Si les points précédents
dépendent du produit utilisé, le résultat
obtenu dépend aussi de l’utilisateur.
La « préparation » de la peau
est un facteur important avant
l’emploi d’un autobronzant. Il est
classique de recommander un «
gommage ». Celui-ci permet en effet
d’éliminer les amas de
cellules cornées en voie de desquamation qui
pourraient être responsables
de zones de coloration inhomogène. Par
ailleurs une exfoliation
douce, lissant la surface cutanée, conduit à
une meilleure tenue de la
coloration, prolongée d’au moins
24 heures [12]. Il est bien entendu qu’une
fois le « hâle » installé, toute
opération visant à augmenter
la desquamation est proscrite, faute
de réduire notablement les
résultats obtenus.
Enfin, il sera tenu compte du
pH cutané dans l’obtention de la
coloration idéale. La
sensibilité de la DHA au pH conduit à certaines
précautions : Maes observe
ainsi que, sur une peau préalablement
nettoyée avec un savon
alcalin, tend à se développer une couleur
jaune orangé plutôt que brune
; de même si la peau est grasse [12]. Il
conseille donc, après
nettoyage avec tout savon ou détergent, d’en
éliminer toute trace à l’aide
d’un tonique hydroalcoolique à pH
acide.
Ainsi, quelques règles d’emploi
sont-elles nécessaires pour obtenir
un « hâle » naturel
indiscernable du bronzage. Mais qu’en est-il de
l’odeur et de la répartition
de la DHA sur la peau ? Ces deux
problèmes sont bien évidemment
dépendants contraintes techniques
liées à ses caractéristiques
chimiques (stabilité, répartition). En ce
qui concerne les traces se
développant après l’emploi des
autobronzants, elles peuvent
avoir pour origine la teneur en AA de
la peau qui peut ne pas être
homogène, elles sont majorées par des
difficultés d’étalement
pouvant être liées à la galénique du produit,
ainsi qu’à l’absence de
contrôle des zones d’applications de produits
incolores. Une solution peut
être trouvée en teintant les
autobronzants et en facilitant
ainsi la visualisation des zones
couvertes. Cependant, ceci
peut ne pas satisfaire tous les
consommateurs. Aussi faut-il
chercher remède du côté de la
galénique. De gros progrès ont
été accomplis dans ce domaine et
ont permis, simultanément, de
résoudre les problèmes de répartition
et d’odeur laissés par la DHA
lors de sa dégradation. Ils concernent
la qualité des émulsions, la
forme galénique du produit, la
vectorisation de la DHA. En
tout premier lieu, les émulsions
s’affinent : la taille de plus
en plus petite des particules permet une
homogénéisation presque
parfaite des émulsions et, de ce fait, une
meilleure répartition du
principe actif sur la peau. Les formes
galéniques évoluent : l’emploi
d’huiles de silicones, le
développement de formes très
fluides (spray) permettent une
application et un étalement
facilités. Enfin la DHA se « protège » :
sa vectorisation au sein de
liposomes, capsules ou microéponges,
accroît sa stabilité, offre
des possibilités d’action différée dans le
temps, la protège de la
dégradation et donc limite la formation des
odeurs. Une autre façon de
préserver la DHA de l’oxydation consiste
à l’associer à d’autres
composants de type copolymères réticulés ou
cyclodextrines qui la «
piègent » et augmentent ainsi sa stabilité.
Enfin procédés de fabrication
et conditionnement « sous vide »
viennent compléter les
nombreuses possibilités techniques de
protection de la DHA.
Propriétés des
autobronzants
LIÉES À LA DHA
En dehors de la teinte hâlée
qu’elle procure et qui représente la
fonction première de la DHA,
celle-ci possède d’autres qualités et
d’autres fonctions. Certaines
analogies de structure entre les
mélanines et les mélanoïdines
sont sans doute à l’origine des
propriétés antiradicalaires
attribuées aux autobronzants [14]. Ainsi
Kawashima compare les effets
antioxydants de préparations à base
de méthyglyoxal, glyoxal,
acide glyoxylique et DHA. De ces quatre
composants, la DHA possède la
meilleure activité [9].
Par ailleurs, la coloration
que procure la DHA offre un certain
pouvoir photoprotecteur :
celui-ci a été notamment étudié par
Johnson et Fusaro [8]. Ces auteurs attribuent aux
composés
pigmentés issus de la DHA un
pouvoir photoprotecteur vis-à-vis
des UVA, d’un indice SPF d’environ
3 ou 4, et s’étalant des UVA
courts jusqu’au spectre
visible. Ils montrent également l’intérêt de
l’emploi de la DHA associée à
de la 2-hydroxy-1,4-naphtoquinone
(dérivé du henné) au cours de
photodermatoses telles que la
protoporphyrie
érythropoïétique ou de dermatoses photosensibles
(photosensibilité à la
chlorpromazine) [3, 11]. Sebire et al ont étudié
l’action de la DHA en
spectrophotométrie en réflectance diffuse. Ces
auteurs montrent une
absorbance plus prononcée de la courbe DHA
par rapport à celle de la peau
exposée au soleil entre 300 et
380 nm [18].
Pour Meybeck, les mélanoïdines
absorbent, dans tout le spectre
visible ainsi que dans les UV,
avec un maximum à 320 nm [14].
Enfin, les propriétés de la
DHA vis-à-vis des UVA ont été étudiées
récemment dans la prévention
de la dermatose photo-induite par
les UVA. Un prétraitement par
la DHA des sujets porteurs de LEB,
suivi conjointement de l’application
de protecteurs solaires à large
spectre lors de l’exposition,
conduit à une prévention efficace de la
survenue de la LEB [16].
Malgré l’intérêt de toutes ces
publications, il est à noter toutefois
que ce pouvoir de protection
reste modéré et qu’il ne s’accompagne
d’aucune protection vis-à-vis
des UVB. La DHA ne saurait donc être
considérée comme un protecteur
solaire, et ce notamment vis-à-vis
du grand public.
Et puis, en dehors de ses
propriétés « cliniques », la DHA est
aujourd’hui utilisée dans
différentes méthodes d’objectivation.
L’étude du pouvoir exfoliant
des AHA (alphahydroxyacides), par
exemple, s’évalue en mesurant
par chromamétrie la cinétique
d’évolution de la coloration
liée à la DHA, qui exprime bien la
vitesse de desquamation de la
couche cornée.
DHA ET COMPOSANTS ASSOCIÉS
Puisque la DHA ne peut être
considérée comme un protecteur
solaire, pourquoi ne pas l’associer
à des filtres ou écrans solaires ?
Ceci a bien sûr été réalisé,
mais cette association fait l’objet de
controverses. En théorie, l’idée
est intéressante : « hâlés » par la
DHA, les sujets qui l’utilisent
seule se croient protégés du soleil et
risquent ainsi de s’exposer
sans retenue. La présence conjointe d’un
photoprotecteur solaire est
faite pour écarter tout risque de brûlures
liées à l’absence de
protection UVB de la DHA. D’autre part, le
vacancier qui débute ses
vacances ne pense qu’à tanner rapidement
et intensément sa peau claire.
Il a tendance alors à se détourner de
toute protection solaire.
L’association avec de la DHA,
en procurant en quelques heures le
début d’un « bronzage », lui
permet d’accepter plus facilement une
protection efficace et l’incite
à plus de modération. Cependant, en
pratique, la cohabitation
DHA-protecteur solaire est moins facile.
Leurs modalités d’utilisation
sont en effet différentes :
– les conditions d’application
à des heures différentes : la DHA est
souvent appliquée le soir afin
de laisser se développer la coloration
durant la nuit et le
protecteur solaire quelques minutes avant
l’exposition ;
– les réapplications de
produit sont difficiles : s’il est vrai que la
rémanence des produits
solaires permet d’espacer les applications
et que l’effet de coloration «
plafond » des AHA ne conduit pas à
une limitation de fréquence d’utilisation,
en pratique, les deux
modes d’emploi diffèrent ;
– enfin l’association des deux
principes actifs ne doit pas être
déstabilisante pour l’un comme
pour l’autre. Mieux vaut donc, pour
nombre d’auteurs aujourd’hui,
utiliser autobronzants et protecteurs
solaires séparément.
D’autres associations peuvent,
en revanche, être réalisées :
– DHA et tyrosine : en tant
que précurseur de la mélanine et sous
réserve de son efficacité
réelle, la tyrosine est choisie pour accélérer
la survenue du bronzage, en
toute innocuité. Associée à la DHA qui
fournit en quelques heures l’illusion
du bronzage, cette combinaison
doit pouvoir satisfaire le
vacancier pressé d’être bronzé en accélérant
le « faux » bronzage, puis le
« vrai » ;
– DHA et AHA : cette
association-là peut paraître déroutante : la
DHA a besoin pour agir d’une
couche cornée que les AHA
réduisent. En fait, les AHA
sont présents pour deux raisons : d’une
part préparer la peau par une
exfoliation de surface qui remplace le
gommage préalable nécessaire,
d’autre part parce que leur pH acide
participe à la stabilisation
de la DHA. Ils contribuent ainsi à une
surface cutanée plus lisse et
à l’obtention d’une coloration plus
uniforme.
Tolérance des
autobronzants
EFFETS SECONDAIRES MINIMES
La tolérance générale des
autobronzants est bonne. Quelques effets
secondaires peuvent se
manifester, restant peu importants. Les plus
souvent observés sont bien
modestes : pigmentation accrue des
comédons ouverts (teinte plus
foncée des bouchons de kératine) [5]
facilement contrôlée par les
gommages ou la présence des AHA ;
effet desséchant des formules,
liées à l’hygroscopie de la DHA,
aujourd’hui de mieux en mieux
contrôlé ; apparition de
papulopustules de type
acnéique, également de moins en moins
fréquente du fait de l’amélioration
des formes galéniques. Reste la
tolérance propre de la DHA qui
est excellente.
DHA ET ALLERGIE
La DHA n’est pas irritante et
apparaît très faiblement allergisante,
du fait de sa non-pénétration
au-delà de la couche cornée. Depuis
1960, de très rares
observations ont été publiées et en fait attribuées
à de simples irritations ou à
l’excipient [6, 11].
Seul Morren [15] fait état de deux cas d’allergie
à la DHA ce qui, en
regard de la fréquence d’utilisation
de ces produits, apparaît comme
exceptionnel. Quant à la
crainte par le grand public d’un effet
cancérigène de la DHA
(probablement par rapprochement avec la
littérature concernant les
psoralènes et donc par confusion), elle est
à réfuter totalement. L’étude
épidémiologique réalisée au plan
européen par « The EORTC
Melanoma Cooperative Group » [1]
précise bien l’absence totale
d’association entre le risque de survenue
d’un mélanome et l’utilisation
de produits autobronzants.
Indications des
autobronzants
et conseils pratiques
d’utilisation
INDICATIONS
Les adeptes des autobronzants
sont, avant tout, des « fous » de
bronzage voulant être hâlés
sans risquer les méfaits du soleil. Cette
indication concerne un vaste
public comprenant aussi bien les
hommes que les femmes, quel
que soit leur type de peau. D’un point
de vue plus médical, les
autobronzants s’avèrent bénéfiques pour
les « interdits de soleil »
(lupus, porphyries, sujets photosensibilisés),
et ce tant au plan esthétique
que du fait de leur effet protecteur [3].
Enfin, les autobronzants sont
employés comme technique de
« camouflage » : lésions de
vitiligo [13], de piébaldisme, nævi
achromiques et autres lésions
hypopigmentées peuvent être
dissimulées par les
autobronzants, mais nécessitent des techniques
précises d’application pour
que l’effet final soit le plus naturel et le
plus invisible possible.
CONSEILS D’UTILISATION
Sur le plan pratique, et en
plus des recommandations faites sur leur
mode d’emploi, quelques
conseils doivent être rappelés à tout
utilisateur :
Cas particulier : l’érythrulose
Connu depuis plusieurs années,
ce principe actif refait surface. La
L-érythrulose est un
kétotétrose, apparenté à la DHA dans son mode
d’action chimique, mais avec
cependant quelques différences : elle
est moins réactive que la DHA.
La réaction de coloration qu’elle
procure est de ce fait plus
longue à apparaître (entre 20 à
24 heures). Par ailleurs, l’intensité
de la coloration obtenue est moins
intense que celle de la DHA
mais aussi moins rouge, plus « naturelle
».
Enfin, cette substance
apparaît moins déshydratante que la DHA
car son « besoin » en eau est
plus progressif dans le temps. En fait,
l’intérêt de l’érythrulose
repose surtout dans son association avec la
DHA : l’emploi des deux actifs
procure une couleur finale plus
homogène, plus durable, plus
naturelle avec une peau moins
sèche [7].
L’érythrulose peut également
être employée seule dans des
indications spécifiques, et
notamment incorporée dans des soins de
jour afin de procurer un hâle
léger et permanent.
· Ne pas oublier, lors de l’application, des zones telles que les
oreilles,
la nuque, le cou et le
décolleté.
· Prendre garde aux zones plus épaisses : talons, genoux, coudes et
cicatrices qui sont plus
marquées par la coloration.
· Bien se rincer les mains après application (les paumes se teintent
de manière fort inesthétique).
· Essuyer la racine des cheveux et des sourcils.
· Laisser sécher le produit avant de se rhabiller faute de voir le
linge se
colorer de façon souvent
définitive.
50-170-D-10 Autobronzants Cosmétologie
4
Conclusion
Puisque aujourd’hui le
bronzage fait partie de la vie de millions de
personnes, rendre cette
pratique dénuée de risque doit être une
préoccupation majeure. Les
autobronzants nous offrent la solution
idéale : de plus en plus
efficaces et cosmétiques, d’une innocuité quasi
parfaite et doués de
propriétés ajoutées, ils ont toutes les raisons de
devenir incontournables. Leur
marché en atteste : leur évolution est de
plus en plus grande, l’éventail
des propositions plus vaste, les progrès
techniques toujours plus
avant-gardistes. Ce succès tient au fait qu’ils
représentent tout à la fois
une solution complémentaire des protecteurs
solaires et une alternative
aux surexpositions. En offrant aux adeptes
du teint hâlé la possibilité
d’économiser sur leur consommation d’UV,
ils dépassent le stade du
cosmétique de confort pour rentrer dans le
cadre des produits utiles à
la santé de tous.
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