Introduction
Les lipides présents à la
surface de la peau ont pour origine
l’épithélium kératinisant et
le sébum. Ils ont une composition
différente selon ces deux
sources. Les lipides épidermiques
comportent 50 % de céramides,
20 % de cholestérol et 25 % d’acides
gras libres. Le sébum renferme
environ 60 % de triglycérides
partiellement hydrolysés en
acide gras libres, 25 % de cires, 13 % de
squalène et 2 % d’ester de
cholestérol. Chez l’adulte, la contribution
relative des lipides
épidermiques dans la fraction des lipides de
surface est mineure sur les
zones cutanées riches en glandes
sébacées.
Sécrétion et excrétion
du sébum
Le sébum, produit par la
glande sébacée, transite et est modifié au
sein du réservoir que
représente l’infundibulum. Diverses influences
peuvent s’exercer sur ce
réservoir sans que la glande elle-même y
soit sensible. Dès lors, deux
notions différentes peuvent être
considérées : la sécrétion et
l’excrétion sébacées.
La sécrétion sébacée désigne le résultat de l’activité
glandulaire, c’està-
dire le débit de sébum
synthétisé et transitant par le canal sébacé.
L’excrétion sébacée désigne la quantité de sébum s’écoulant
de
l’ostium folliculaire après
stockage ou modification dans le réservoir
infundibulaire. Seul ce
dernier paramètre peut être mesuré par des
méthodes non invasives in vivo
[12, 37].
À la suite de son excrétion
folliculaire, le sébum s’étale à la surface
de la peau et est en partie
collecté dans la couche cornée pour être
ensuite partiellement résorbé [4]. Il en résulte que le sébum
peut être
qualifié de libre à l’abouchement
du réservoir folliculaire et à la
surface de la peau, alors qu’il
est lié lorsqu’il pénètre la couche
cornée.
Méthodes d’évaluation
de l’excrétion
sébacée
Cinq méthodes principales sont
actuellement disponibles pour
évaluer la quantité de sébum
excrétée à la surface de la peau.
L’analyse spectrale en
infrarouge est une autre méthode évaluant la
nature des lipides, mais dont
les résultats sont corrélés avec les
méthodes quantitatives
conventionnelles [2].
EXTRACTION PAR SOLVANTS
La méthode par extraction
consiste à appliquer sur la peau une
cupule contenant un solvant
neutre des lipides, et à la maintenir en
place pendant un temps
déterminé. La quantité de sébum récoltée
peut être alors mesurée. La
même manoeuvre peut être recommencée
après une période déterminée.
Cette technique enlève une grande
partie du sébum libre, c’est-à-dire
le sébum de la surface de la peau,
ainsi qu’un volume variable de
sébum contenu dans le réservoir
folliculaire. Les lipides
recueillis sont pesés ou étudiés par
chromatographie [13].
MÉTHODE GRAVIMÉTRIQUE
Les variantes de la méthode
gravimétrique [5, 9, 36] consistent à enlever
les lipides de la surface de
la peau, puis à placer à ce niveau des
papiers à cigarette ou une
plaque argileuse de bentonite [11, 14]
destinés à absorber le sébum
sortant des orifices folliculaires. La
collecte initiale, portant
souvent sur deux prélèvements successifs
de 15 minutes, par les papiers
à cigarette, ou un seul de 12 à
14 heures par l’argile, n’est
classiquement pas prise en compte. Le
dispositif final est maintenu
en place pendant une période
déterminée qui est souvent
fixée à 3 heures. On peut évaluer la
quantité de sébum par pesée
après extraction chimique par éthyl
éther.
La méthode gravimétrique est
peu utilisée aujourd’hui car elle est
remplacée avantageusement par
d’autres évaluations plus fiables.
MÉTHODE COLORIMÉTRIQUE
Les lipides absorbés sur un
papier et colorés par l’acide osmique
sont quantifiés par une
technique photoélectrique. Une variante
consiste à colorer une biopsie
de surface avec un colorant des lipides
et à en réaliser une mesure
par colorimétrie.
MÉTHODE PHOTOMÉTRIQUE
La méthode photométrique
consiste à transférer le sébum de la
surface cutanée sur un verre
dépoli ou un polymère liposensible. La
manipulation est unique ou
itérative au même endroit, suivie ou
non de la même manoeuvre après
un temps défini. La méthode
pionnière et standardisée du
Lipomètret
a été mise au point [26, 32] et
utilisée sur des sites
différents du corps [28, 30, 31]. Le Sebumetert
(C + K Electronic, Cologne)
est un appareil disponible commercialement
qui utilise le même principe
de mesure [6, 16, 33]. Les lipides
collectés par un prélèvement
ne représentent qu’une fraction de la
quantité totale présente à la
surface de la peau [16, 32]. Le premier
échantillonnage collecte entre
35 et 45 % du sébum total.
MÉTHODE DU FILM LIPOSENSIBLE
La méthode du film
liposensible consiste en l’application sur la peau
préalablement dégraissée d’une
languette d’un film polymérique
hydrophobe microporeux
absorbant les lipides [6, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23,
24, 25, 33]. Trois présentations existent sur le marché : le
Sebutapet
(Cuderm Corp, Dallas), le
Sebufixt
(C + K Electronic, Cologne) et
l’Instant Sebutapet. Le matériel reste en place
pendant une période
prédéterminée, de l’ordre de
30 à 60 minutes pour le Sebutapet,
alors qu’il n’est que de
quelques secondes pour le Sebufixt et
l’Instant Sebutapet. Les feuillets blancs et
opaques à l’origine
deviennent transparents au
contact du sébum libre contenu dans
l’acro-infundibulum. Les
lipides peuvent être extraits et quantifiés
par chromatographie en couche
mince [17]. Les techniques d’analyse
informatisée d’images [18, 21] ou de chromamétrie [23, 28] peuvent
également y être appliquées
pour des évaluations quantitatives
objectives. Cela permet une
étude précise du nombre et de l’activité
individuelle des follicules
sébacés. Il est possible d’adapter les films
Sebufixt sur la tête d’une caméra vidéo
équipée d’un éclairage en
lumière ultraviolette (C + K
Electronic, Cologne) et reliée à un
analyseur d’images. L’interprétation
des résultats est alors
instantanée.
Paramètres
quantitatifs de l’excrétion
du sébum
Sept paramètres peuvent être
considérés. Il s’agit :
– du niveau courant (casual level) ;
– du taux d’excrétion sébacée,
encore appelé débit sébacé provoqué
(sebum excretion rate) ;
– du temps de reconstitution (replacement time) ;
– du flux sébacé initial
folliculaire, synonyme du taux d’excrétion
folliculaire (follicular excretion rate) ;
– du débit de vidange du
réservoir folliculaire ;
– du nombre de follicules
sébacés actifs ;
– du débit continu de
sécrétion sébacée (sustainable rate of sebum
secretion).
NIVEAU COURANT
Le niveau courant représente
la quantité totale de lipides libres à la
surface cutanée à un instant
donné. La méthode photométrique est
bien adaptée à sa mesure. Il
est souvent bien corrélé avec l’aspect
clinique de la peau. Les quantités
qui peuvent être recueillies sur le
front varient habituellement
entre 100 et 600 μg/cm2. Elles sont
beaucoup plus faibles sur d’autres
endroits du corps. Pour des
études précises, cette
variable est relativement peu fiable. En effet,
elle est soumise au risque de
multiples artefacts et, en particulier,
celui lié aux événements ayant
précédé la mesure. Le fait d’avoir
essuyé machinalement la zone
testée peut entraîner des variations
majeures. Les variables
suivantes sont plus reproductibles.
TAUX D’EXCRÉTION SÉBACÉE
Le taux d’excrétion sébacée,
également appelé débit sébacé
provoqué, représente la
quantité de sébum sortant des réservoirs
folliculaires en une période
de temps définie [8, 9, 10, 26]. Ce débit, chez
un individu normoséborrhéique,
est de l’ordre de 0,8 à
1 μg/cm2/min sur le front, alors qu’il
est souvent inférieur à
0,4 μg/cm2/min sur le cuir chevelu [3, 28, 31, 34]. Ce paramètre est
relativement stable dans le
temps pour un même site chez un même
individu placé dans des conditions
standardisées [19]. Il dépend du
débit de sécrétion des glandes
sébacées et du volume du réservoir
infundibulaire. En cas de
séborrhée, le débit sébacé peut atteindre
des valeurs supérieures à 2,5 μg/cm2/min.
TEMPS DE RECONSTITUTION
Le temps de reconstitution du
film lipidique de surface correspond
à la période nécessaire à la
reformation du niveau courant après
dégraissage de la peau. Il se
situe aux environs de 4 heures pour un
sujet normoséborrhéique.
FLUX SÉBACÉ INITIAL
FOLLICULAIRE
Le flux sébacé initial
folliculaire, également appelé taux d’excrétion
folliculaire, est évalué par
morphométrie sur les films liposensibles.
Aucune des autres techniques
de prélèvement ne permet une telle
évaluation à l’échelle de
chaque follicule. Il existe normalement une
hétérogénéité entre des
follicules adjacents, le plus grand nombre
de ceux-ci ayant un flux
sébacé faible [18, 19]. Ce paramètre dépend à
la fois de la production de
sébum par la glande, du volume du
réservoir infundibulaire et de
la taille de l’orifice du follicule.
DÉBIT DE VIDANGE DU RÉSERVOIR
FOLLICULAIRE
Lorsque le flux sébacé
folliculaire est mesuré de manière répétitive
et cumulative en remplaçant le
film liposensible chaque heure sur le
même site cutané, il est
possible d’établir une cinétique du débit de
vidange du réservoir
folliculaire [22, 27]. Ce paramètre est défini
comme étant la pente de la
corrélation linéaire entre le temps et la
valeur cumulative de la
surface des taches de sébum (fig 1). Cette
valeur n’est pas toujours
corrélée à celle du flux sébacé initial
folliculaire [22].
DENSITÉ DE FOLLICULES SÉBACÉS
ACTIFS
Le nombre de follicules
sébacés actifs par unité de surface peut être
évalué sur les films
liposensibles. On en retrouve habituellement de
150 à 250/cm2 sur le front. Ce chiffre
paraît inférieur au nombre de
glandes sébacées, ce qui
implique que certaines d’entre elles sont, à
certains moments, en phase
quiescente.
DÉBIT CONTINU DE SÉCRÉTION
SÉBACÉE
Le débit continu de sécrétion
sébacée peut être calculé par la
méthode du gel de bentonite et
correspond à un plateau stable
d’excrétion de sébum, obtenu
après une collecte préalable du sébum
entreposé dans le réservoir
infundibulaire pendant une douzaine
d’heures [14, 35].
Surface
(valeurs cumulatives)
AS
ISD
0 1 2 3 4
Temps (h)
FER
1 Débit de vidange du réservoir
folliculaire. La droite de régression est tracée selon
les valeurs cumulatives des
surfaces des taches de sébum sur le film liposensible (AS).
Sa pente correspond au débit
de vidange du réservoir folliculaire (FER).
Son extrapolation au temps T0
(R) reflète la quantité de sébum affleurant la peau aux
sites des folliculessébacés
(ISD).
Régulation
physicochimique
de l’excrétion sébacée
Le débit d’excrétion sébacée
dépend des propriétés
physicochimiques du sébum. Les
variations de ses composants
moléculaires et de la
température cutanée influencent la viscosité et
l’écoulement des lipides à la
surface de la peau [7, 9].
Le calibre de l’ostium
folliculaire peut modifier le flux selon la loi
de Poiseuille. Celle-ci
établit une relation inversement
proportionnelle entre le flux
et la quatrième puissance du rayon
d’un tube. Des modifications
de la kératinisation et de l’état
d’hydratation des cornéocytes [1], qui surviennent au cours du
cycle
menstruel [29, 39], après occlusion ou
photochimiothérapie [38], ainsi
qu’au cours de l’acné et de la
dermite séborrhéique, influencent
vraisemblablement l’écoulement
de sébum.
La possibilité d’une
régulation par rétrocontrôle a été évoquée et
reste controversée. Elle
repose sur le fait que le niveau courant d’un
individu au cours de la
journée révèle une valeur relativement
stable, mais très inférieure à
ce que le débit sébacé provoqué
laisserait prévoir. L’atteinte
d’un plateau de regraissage, reflet d’un
état d’équilibre, a parfois
été interprétée comme une régulation du
débit sébacé par la quantité
de sébum présente sur la peau, donc
par le niveau courant. Il a
été postulé que les tensions de surface
des lipides exercent une
contre-pression équilibrant la poussée et le
flux d’excrétion des lipides.
Si ce phénomène de régulation existe
réellement, il est douteux qu’il
puisse concerner l’activité de la
glande sébacée elle-même, eu
égard aux grandes différences de
temps entre la formation des
sébocytes, la sécrétion et l’excrétion.
Seul le réservoir
folliculaire, siège de l’excrétion, devrait être
concerné par ce mécanisme de rétrocontrôle.
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