Réplique cutanée : intérêt en dermatologie et en cosmétologie

Introduction
Le relief cutané est le reflet de la structure du derme et de
l’épiderme. Dermatologues, chirurgiens, cosmétologues et médecins
légistes cherchent des méthodes rigoureuses pour déterminer d’une
manière précise la structure de la surface cutanée afin de résoudre
certains problèmes spécifiques à leurs disciplines. Ils cherchent peu
à peu à se libérer de certaines contraintes, en particulier de la
présence indispensable du patient sur les lieux de l’étude. C’est ainsi
que les méthodes photographiques ont pris leur importance, en
permettant de suivre de manière simple le devenir de la surface de
la peau au cours du temps. Cependant, ces techniques ne permettent
pas d’apprécier suffisamment finement le relief de la surface cutanée.
Ainsi sont apparues les répliques de peau apportant la possibilité
de reproduire la microtopographie de l’épiderme et donc de
l’étudier tout en lui conservant son intégrité. La technique consiste
simplement à réaliser un moulage ou empreinte de la partie externe
de l’épiderme dont on veut connaître la structure superficielle. Les
techniques d’empreintes sont apparues dans les années 1960 et ont
été améliorées progressivement pour permettre des applications de
plus en plus diversifiées. Le principe de base est celui proposé par
Sarkany en 1962 [5], mais la technique a été remaniée, améliorée et
validée par Makki et al en 1979 [4] qui l’ont mise au point telle qu’elle
est couramment pratiquée en dermocosmétologie.

Intérêt pratique des répliques
cutanées
La technique des répliques est un procédé simple de reproduction et un
moyen pratique d’étudier une surface indépendamment de son support.
C’est une retranscription du relief cutané qui peut être soumise à
diverses manipulations physiques ou mécaniques que la peau n’aurait
pas supportées. Elle permet d’aboutir à des études qualitatives purement
descriptives de la surface cutanée à l’aide de la microscopie optique ou
électronique à balayage et à des études quantitatives précises de la
microstructure grâce à la profilométrie [1, 4].
En dermatologie, les répliques cutanées permettent de calquer la
microtopographie de la peau avec une fidélité d’autant plus
appréciable que la mise en oeuvre de la technique est aisée et ne
nécessite qu’un seul opérateur. De plus, elle est complètement
inoffensive, et la prise de l’empreinte est rapide et peut s’effectuer
en quelques minutes.
Matériels et méthodes
Les répliques s’effectuent en deux étapes : un premier moulage qui
est l’empreinte négative et correspond au relief inversé par rapport
au modèle original, et un positif correspondant à la réplique du
négatif et qui reproduit la surface de l’objet initial.
EMPREINTE NÉGATIVE
¦ Critères de sélection des matériaux
Les produits destinés à la confection de l’empreinte négative de la
surface cutanée doivent répondre à certaines exigences qui assurent
les qualités essentielles souhaitées. Le produit doit absolument être
dénué de toxicité vis-à-vis de la peau.

La qualité de la réplique est liée à la fidélité de reproduction d’une
part et à la fiabilité du matériau d’autre part. Dans un premier
temps, c’est la précision qui est mise en jeu, donc la reproductibilité
des plus fins détails. Dans un deuxième temps, c’est la stabilité
dimensionnelle du produit qui intervient. L’application du produit
doit être facile. Il doit être suffisamment liquide pour épouser
parfaitement les sillons de la surface de la peau. Le produit doit se
polymériser à la température du corps humain en un temps
relativement court. Il doit se détacher aisément et complètement
sans se déformer. Il ne doit pas introduire d’artefacts ou de bulles
d’air. D’autres critères peuvent s’ajouter comme la couleur, l’odeur,
le confort, etc.
¦ Produit sélectionné
Le produit sélectionné est un caoutchouc siliconé, le Silflot, qui se
présente sous forme d’un liquide pâteux. Cet élastomère polymérise
à température ambiante en présence d’un catalyseur spécifique. Le
Silflot est absolument dépourvu de toxicité vis-à-vis de la peau et
des muqueuses. C’est un produit couramment utilisé par les
dentistes pour réaliser les empreintes dentaires. Cet élastomère est
fourni sous forme de fluide pâteux de couleur beige, dans un flacon
en plastique de 250 cm3, accompagné d’un petit flacon comptegouttes
contenant un catalyseur liquide.
Le fabricant préconise le mode d’emploi suivant : si le mélange
s’effectue sur une plaque de verre, on utilise approximativement
2,5 cm3 de pâte pour une goutte de catalyseur. Dans ces conditions,
la réaction est complète en 3 à 4 minutes et conduit à la formation
d’un polymère de caoutchouc de couleur blanc beige parfaitement
inodore. Le Silflot doit être conservé au frais à l’abri des rayons du
soleil.
¦ Réalisation de l’empreinte négative (fig 1A à D)
Environ 1 mL de Silflot et deux à trois gouttes de catalyseur sont
mélangés sur une platine, en évitant de battre ce qui introduirait
des bulles d’air. Le mélange est immédiatement appliqué sur la zone
de peau étudiée. Une lame de verre est posée au-dessus, afin
d’obtenir un négatif à base plate et d’épaisseur relativement égale,
et de fournir un support évitant sa déformation lorsqu’il est détaché
de la peau. Il est important d’indiquer l’orientation du moulage par
rapport à un repère anatomique (par exemple l’axe du corps
correspond à l’angle 0°). Après 2 à 3 minutes environ, la réplique
négative devient solide et peut être enlevée.
EMPREINTE POSITIVE
Certaines méthodes d’analyse du relief cutané reposent sur un
procédé mécanique de palpation. Le recours à ce type d’appareillage
implique que la surface à explorer doit être assez solide pour
supporter la force appliquée, par la pointe du palpeur, sans se
déformer. L’empreinte négative de caoutchouc est trop souple pour
résister à la pression du palpeur, d’où la nécessité d’un second
moulage qui permet de passer d’une consistance fluide à une
consistance dure. Pour la profilométrie mécanique et la surfométrie,
le passage par le stade de réplique positive est obligatoire. Ce sont
des méthodes qui permettent de représenter et de quantifier la
rugosité de la peau par un profil (profilométrie) ou par une surface
(surfométrie). La quantification est réalisée grâce à certains
paramètres comme Ra, Rtm pour la profondeur des sillons, et Sm
pour leur espacement.
¦ Critères de sélection des matériaux
Comme pour l’empreinte négative, les matériaux utilisés pour les
répliques positives doivent avoir la viscosité la plus faible possible
pour reproduire les détails les plus fins, et donc une meilleure
résolution. Le produit ne doit pas introduire d’artefacts ou de bulles
d’air. Il doit être compatible avec l’élastomère constituant
l’empreinte négative, et enfin, il doit être stable en fonction du
temps.
¦ Produit sélectionné [4]
Parmi les produits aptes à être utilisés pour la confection de la
réplique positive, on peut citer les Aralditest qui satisfont les critères
précités. Elles appartiennent au groupe des polyépoxydes
caractérisées par la fonction époxy. La plupart des prépolymères
époxy sont préparés à partir de biphénol et d’épichlorhydrine [6].
La polymérisation des Aralditest peut être favorisée, accélérée ou
modifiée par certains produits tels que les durcisseurs, les
accélérateurs, les diluants, les plastifiants, les charges, etc.
Nous citerons l’exemple d’une Aralditet très utilisée, l’Aralditet
AY103 et son durcisseur HY 956. Comme toutes les époxyrésines, en
présence du durcisseur, l’Aralditet AY103 est toxique pour l’homme
lors de sa polymérisation en raison des dégagements gazeux nocifs
qui obligent à la manier avec beaucoup de précautions, notamment
une ventilation stricte. Cette toxicité respiratoire s’accompagne d’une
toxicité chimique de contact vis-à-vis de la peau.
1 Confection de la réplique négative.
A. Matériel utilisé : le Silflot, le catalyseur, le cadre
et le matériel pour faire le mélange.
B. Grâce à un ruban d’adhésif double face, on fixe
le cadre sur la région étudiée.
C. Étalement du Silflot sur la peau, puis dépôt d’une
lame de verre, parallèle à la surface de la peau.
D. On obtient une réplique négative ayant une épaisseur
sensiblement constante et une base plane.
*A
*B *C
*D

¦ Réalisation de l’empreinte positive (fig 2)
L’Aralditet AY103 se présente sous forme d’un liquide visqueux
transparent. Pour favoriser la polymérisation, un volume de
durcisseur est additionné à cinq volumes d’Aralditet. Après avoir
été suffisamment agité, le mélange obtenu est coulé sur le négatif
placé dans un moule destiné à cet effet. La polymérisation dure 24
heures, temps nécessaire pour le durcissement de l’Aralditet.

Confection de la réplique positive en Aralditet.
A. Matériel utilisé : l’AralditeAY 103,
son durcisseur HY 956, un moule et du
matériel pour réaliser le mélange.
B, C. L’empreinte négative de la peau est
déposée au fond du moule dans lequel on
verse le mélange Aralditet-durcisseur.
D. Après 24 heures de polymérisation, on
dispose d’une réplique positive rigide de la
surface cutanée.
*A
**C
*D
Conclusion
La technique des répliques cutanées a joué un rôle essentiel en
dermatologie et en cosmétologie. Sa contribution est remarquable, aussi
bien dans la recherche fondamentale qu’en dermatologie clinique. En
effet, la réplique négative en Silflot et la réplique positive en Aralditet
ont apporté une facilité d’examen pour le patient et pour l’opérateur.
Cette technique est rapide et permet d’obtenir aisément de nombreuses
répliques, sans retenir longtemps les sujets examinés. Cette étape a par
ailleurs l’avantage d’être indolore et atoxique, d’être réalisable à tout
âge et de pouvoir être répétée à plusieurs reprises au même endroit. Elle
présente une bonne fiabilité à condition de respecter les exigences
techniques, notamment éviter la présence de bulles d’air. Cette
technique a prouvé son utilité pour différentes études : caractérisation
de la surface de la peau normale et de ses variations en fonction du site,
de l’âge et du sexe [1] ; contribution à l’étude des propriétés
biomécaniques de la peau et de leurs relations avec la structure de la
surface cutanée ; mesure des altérations de surface induites par
certaines affections cutanées et de leur évolution [2] ; détection de
l’efficacité des produits dermocosmétiques sur la surface cutanée [3] ;
influence des excipients des préparations dermatologiques sur le
comportement du stratum corneum.
Ce procédé peut être utilisé pour d’autres études : en chirurgie
plastique, par exemple, pour apprécier la direction des lignes de Langer
et la restauration fonctionnelle des greffons de peau autologue ou
artificielle ;en génétique, pour l’étude des dermatoglyphes ; en recherche
sur la biomécanique cutanée.
Avec le développement de la bio-ingénierie, les méthodes d’étude de la
surface ne cessent de s’améliorer. Elles tendent à abandonner peu à peu
la phase mécanique au profit d’une investigation par un système
optique et, par conséquent, la réplique positive tend à disparaître.
Toutefois, la prise d’empreinte négative à l’aide d’élastomère siliconé
reste une étape constante, malgré l’apparition très récente de certaines
méthodes d’étude du relief cutané in vivo.
Références
[1] AgacheP,MignotJ, Makki S. Microtopography of the skinandaging. In : KligmanAM,Takase
Y eds. Cutaneous aging. Tokyo : University of Tokyo press, 1988 : 475-499
[2] Brehler R, Voss W, Müller S. Glove powder affects skin roughness, one parameter of skin irritation.
Contact Dermatitis 1998 ; 39 : 227-230
[3] Cook TH. Profilometry of skin. A useful tool for the substantation of cosmetic efficacy. J Soc
Cosmet Chem 1980 ; 31 : 3339-3359
[4] Makki S, Barbenel JC, Agache P. A quantitative method for assessment of the microtopography
of human skin. Acta Derm Venereol 1979 ; 59 : 285-291
[5] Sarkany I. A method for studing the microtopography of the skin. Br J Dermatol 1962 ; 74 :
254-259
[6] Trotignon JP, Piperaud M, Verdu J, Dobraczinski A. Précis de matières plastiques : structures,
propriétés, mise en oeuvre et normalisation. Paris : Nathan, 1986 : 1-219