Autobronzants

Introduction
Nul n’ignore aujourd’hui les dangers des expositions solaires : on
ne peut en effet parler de « bronzage » sans évoquer les risques liés
aux rayonnements ultraviolets (UV) : vieillissement cutané,
modifications des défenses immunitaires, cancers cutanés,
notamment mélanome… Ce véritable problème de santé publique
incite à prôner le retour à la mode des carnations claires, des teints
d’ivoire si chers à nos grands-mères.
Pourtant peu d’entre nous adhèrent à ce concept. Une peau bronzée,
un teint hâlé sont synonymes de bonne santé, de bien-être et ont
supplanté le simple phénomène de mode. Dès lors, comment
préserver sa peau de la morsure du soleil tout en ayant bonne mine
tout au long de l’année ? Les autobronzants apportent une solution
à ce challenge. Ces dernières années, leur succès ne fait que croître,
et ce d’autant que ces produits sont aujourd’hui de plus en plus
performants et d’une parfaite sécurité d’emploi.
Produits de bronzage sans soleil
DÉFINITION
Qui dit bronzage sans soleil dit en fait coloration de la peau sans
intervention de la mélanogenèse. Ceci permet donc de ne pas les
confondre avec les « accélérateurs de bronzage », produits formulés
à partir de précurseurs de la mélanine (tyrosine…) ou d’agents
« photoactifs » tels que les furocoumarines, naturelles (bergamote)
ou synthétiques (psoralènes).
La coloration « artificielle » du tégument peut, en fait, être obtenue
de deux façons : per os ou par voie topique. Les « pilules » de
bronzage, administrées par voie orale et composées de bêtacarotène
(associé ou non à de la canthaxantine) provoquent une coloration
jaune orangée du tégument. Si elles sont employées dans certaines
indications (telles que la lucite estivale bénigne [LEB]), elles ne sont
pas considérées comme de véritables « autobronzants » et ne sont
pas dénuées totalement d’effets secondaires (rétinopathies par dépôt
de canthaxantine, voire risque hématologique…) [11]. Un
Agnès Gougerot-Schwartz : Dermatologue, service de dermatologie, hôpital Delafontaine, 2, rue Pierre-
Delafontaine, 93205 Saint-Denis cedex, France.
autobronzant peut donc se définir comme « une substance d’usage
topique, destinée à colorer la peau, sans intervention de la
mélanogenèse ».
CLASSIFICATION
Les autobronzants sont souvent classés dans la catégorie des
« prolongateurs de bronzage ». Là encore, une mise au point
s’impose. Il n’est pas réellement possible de prolonger le bronzage
naturel : lorsque, privée des stimuli des rayons UV, la mélanogenèse
se ralentit, l’élimination du pigment mélanique existant, liée au turn
over épidermique, ne peut être stoppée. Tout au plus l’emploi de
substances hydratantes, freinant la desquamation, permet de
retarder quelque temps ce renouvellement cellulaire physiologique.
Les autobronzants quant à eux ne prolongent pas le « bronzage
naturel » mais, en procurant un effet hâlé, ils se substituent au
bronzage en faisant illusion. Ils sont aussi présents dans de
nombreux produits « après-soleil ».
PRINCIPE GÉNÉRAL D’ACTION DES AUTOBRONZANTS
Leurs principes actifs sont soit des colorants simples type brou de
noix, henné, extrait de bogue de châtaigne, peu pratiques
d’utilisation, soit des molécules qui réagissent avec les acides aminés
(AA) des cellules épidermiques en développant une coloration de
teinte et d’intensité variables, et qui résiste à l’eau. De nombreuses
molécules ont été testées (glutaraldéhyde, dialdéhyde tartrique,
mucondialdéhyde…) mais ont dû être abandonnées en raison de
leur mauvaise tolérance (voire de leur toxicité) ou de leurs
mauvaises qualités cosmétiques. Ne sont retenus actuellement que
deux principes actifs : la dihydroxyacétone, véritable « chef de file »
des autobronzants, et, plus récemment, l’érythrulose [7].
Dihydroxyacétone ou DHA
HISTORIQUE
Une publication de 1920 fait état des propriétés d’un sucre réducteur
(la DHA) présent dans une drogue (l’oxantine) prescrite dans le
traitement du diabète.

Cependant, il faut attendre 1927 pour que son pouvoir colorant soit
identifié au travers du brunissement de la peau et des dents (effet
secondaire) observé chez les patients traités par l’oxantine. Il n’y
avait dès lors qu’un pas à franchir pour que la DHA passe dans le
camp des cosmétiques. Pourtant, ce n’est qu’en 1960 aux États-Unis
qu’une lotion hydroalcoolique « after-shave » nommée Man-Tant
voit le jour, destinée à donner à la peau une coloration semblable à
un hâle naturel. Tan-O-Tant succède à Man-Tant et se lance à la
conquête de la France, mais le marché des « sans-soleil » est alors
peu développé, et les problèmes techniques et cosmétiques ne
facilitent pas la percée des autobronzants. En fait, il faut attendre
ces 10 dernières années pour que la DHA connaisse un nouvel essor
grâce à une meilleure maîtrise technique, dans un contexte plus
favorable.
NATURE CHIMIQUE DE LA DHA ET OBTENTION
La dihydroxyacétone (C3H6O2), ou 1,3 dihydroxy-2 propanone, est
un cétose, sucre de la famille des kétones, dérivé du glycérol.
Autrefois obtenue par oxydation ménagée du glycérol, elle est
actuellement produite par biotechnologie : fermentation contrôlée du
glycérol par Acetobacter suboxydans [5], Gluconobacter genus ou
Gluconobacter suboxydans. À l’état pur, la DHA est constituée d’un
mélange de monomères et de dimères (plus nombreux) (fig 1). Seule
la forme monomérique étant responsable de la coloration, il s’avère
nécessaire de convertir les dimères en monomères. Ceci peut
s’obtenir par chauffage de la forme cristalline, ou lors de sa mise en
solution dans l’eau froide, l’alcool, l’éther ou l’acétone, dans lesquels
la DHA est très soluble [10, 13].
MODE D’ACTION DE LA DHA
Appliquée sur la peau, la DHA se combine avec les acides aminés
(AA) libres de la kératine, suivant une réaction d’oxydoréduction
conduisant à la formation de pigments colorés : les mélanoïdines.
La formation de ces mélanoïdines est donc totalement indépendante
du système enzymatique « tyrosinase » de la mélanogenèse. Ces
pigments sont à distinguer chimiquement de la mélanine naturelle,
même s’ils peuvent avoir des propriétés communes et notamment
en matière de protection vis-à-vis des radiations UV. Cette réaction
de la DHA avec la kératine est considérée comme une variante de la
réaction de Maillard (aminoacides + oses ® pigments colorés), bien
connue dans le domaine agroalimentaire puisque responsable du
brunissement de denrées alimentaires contenant du sucre, lors de la
cuisson [17]. Ce processus s’effectue dans les couches superficielles
de l’épiderme et dépend du nombre d’assises cornées. Ainsi, la
coloration obtenue sous l’effet DHA s’avère plus intense aux paumes
et aux plantes [13]. Elle disparaît lors de stripping successifs de la
couche cornée ; en revanche, l’injection intradermique de DHA ne
produit pas de pigmentation [4, 5]. Quant à la tonalité et à l’intensité
de la couleur obtenues, elles dépendent de la teneur en AA pouvant
varier selon la zone anatomique [2, 11].
Selon les auteurs, le rôle des AA s’avère plus ou moins important.
Ainsi, la présence d’arginine permet d’obtenir une réaction plus
rapide [19], la lysine plus intense [14, 18], la méthionine faisant
augmenter les deux paramètres [2]. D’autres AA, tels que la
phénylalanine, la leucine et la valine, ne participent pas à la réaction.
Il est à noter que pour Meybeck l’arginine est l’AA le moins
réactif [14], et que la leucine et la valine permettent l’obtention d’une
quantité non négligeable de mélanoïdines. La vitesse de réalisation
de la réaction n’est pas immédiate et s’installe généralement en 2 à
6 heures à la surface de la peau (ou plus vite sous lumière de Wood-
Levy) [11]. Du fait du renouvellement épidermique, elle persiste
naturellement 4 à 6 jours avant de disparaître. D’autres paramètres
influencent également la réaction DHA-AA : la concentration de la
DHA, le pH de la formule et la température ambiante. L’effet hâlé
obtenu dépend donc de paramètres relatifs à la réaction chimique
elle-même, ainsi qu’à des facteurs propres à l’individu :
pigmentation de départ de la peau, épaisseur de la couche cornée,
pH cutané, qualité, quantité et nature des AA de la kératine.
Produits à base de DHA
CONTRAINTES DE FORMULATION
La DHA étant hygroscopique, elle a longtemps été incorporée
préférentiellement dans des émulsions H/E (huile dans eau) avec
une phase aqueuse d’au moins 70 % pour plusieurs raisons : la
réaction DHA-AA ne peut se faire qu’en présence d’eau, et il
convient d’éviter un effet déshydratant de la couche cornée, la DHA
« pompant » l’eau ; enfin de grandes quantités d’huiles ou de cires
réduisent l’intensité de la coloration [10, 12] et ralentissent la
réaction [18]. Actuellement, l’emploi de composants tels que les
silicones permet de réaliser des émulsions comportant une phase
grasse plus importante, apportant avec elle des qualités d’étalement
et d’homogénéité de la coloration. Maes [12] précise qu’en fait, quel
que soit le type d’émulsion choisie, la qualité de l’effet obtenu
dépend de la taille des micelles contenant la DHA. La comparaison
entre deux émulsions similaires conduit à des résultats très
supérieurs pour celle qui a été fortement homogénéisée. Les formes
galéniques des produits à base de DHA ont donc évolué : des
émulsions aux sprays en passant par des gels ou des mousses
aérosols, le choix est maintenant plus ouvert.
Autre particularité de la DHA, sa mauvaise stabilité. La DHA tend,
en solution, à former deux composants : le formaldéhyde et l’acide
formique (responsables de l’odeur caractéristique d’insecte écrasé).
Afin d’éviter cette transformation, la DHA doit être conservée à pH
acide (autour de 4). Cette précaution réduit le risque de dégradation
et s’avère de surcroît bénéfique pour l’utilisateur, car le pH modifie
la couleur de la réaction : acide, il conduit à une teinte plus naturelle
et moins jaune [10]. Enfin, il a été démontré une corrélation entre la
quantité de dérivés formés à partir de la DHA et le degré d’irritation
de la peau.
Les autres composants utilisés dans la formule devront donc être
stables en milieu acide, une solution tampon à pH autour de 5 est
donc recommandée [10]. Enfin, d’autres paramètres pouvant
influencer la stabilité de la DHA sont à prendre en compte : la
conservation d’une préparation à la DHA est meilleure à basse
température. Sont à éviter tous les composants pouvant interférer
avec la DHA : dérivés aminés ou amines qui forment des produits
colorés avec la DHA, présence d’ions phosphates ou d’impuretés
métalliques [10, 18], tensioactifs ioniques, oxydants et composés
oxygénés, UV. Ces derniers en effet peuvent être responsables d’une
perte de CO2, H et CH4, avec une production finale de glycol. Ceci
s’observe surtout pour les solutions aqueuses de DHA, comme en
atteste leur jaunissement.
Ainsi, des précautions doivent être prises pour la fabrication et la
conservation d’un produit à base de DHA : contrôle de la
température (qui ne doit pas dépasser 40 °C lors de la réalisation de
la formule), contrôle de l’environnement microbien, choix des actifs
associés [10], stockage idéalement en verre [18] ou en tube opaque.
Malgré cela, une perte d’activité de la DHA est toujours possible.
Des contrôles destinés à mesurer la quantité d’acide formique ou de
formaldéhyde sont réalisés périodiquement par le fabricant sur les
produits conservés en cosmétothèque ; enfin, s’il était préférable
autrefois de ne pas dépasser des dates de péremption de 3 ans, les
systèmes actuels de fabrication sous vide et de conditionnement
airless permettent aujourd’hui d’améliorer la durée de conservation
de ces produits.
CH2OH
C O
CH2OH
A
CH2OH
CH2OH
HOC
H2C COH
O O
CH2
B
1 Nature chimique de la dihydroxyacétone
(DHA) [5].
A. Forme monomère.
B. Forme dimère.

OPTIMISATION DE L’ACTION DE LA DHA
MODE D’EMPLOI
Si les autobronzants ont été quelque peu boudés par les
consommateurs jusqu’à ces dernières années, c’est en raison de
problèmes d’agrément cosmétique. Liés en partie aux contraintes
techniques déjà considérées (cf supra), les problèmes avec les
produits à base de DHA sont de trois ordres : odeur désagréable,
couleur virant au jaune, répartition de la coloration inhomogène
(stries, traînées). Il a donc été nécessaire de mieux maîtriser l’emploi
de la DHA, tout à la fois en formulation et dans son mode
d’utilisation. Comment obtenir une coloration durable et de la teinte
souhaitée ?
Il convient tout d’abord de choisir la juste concentration de DHA.
Ce principe actif peut être employé de 0,5 à 10 %, mais les
concentrations habituelles se situent autour de 3 à 5%. Étant donné
la relation entre la coloration et l’épaisseur de la couche cornée, il
est généralement nécessaire d’employer une plus forte concentration
sur le visage que sur le corps (jambe par exemple) [11, 13]. Il est à noter
que l’on obtiendra la même coloration avec une couche d’un produit
fortement concentré en DHA ou plusieurs couches successives d’un
produit faiblement concentré. Enfin, il existe une pigmentation
« plafond » qui ne peut être dépassée quel que soit le nombre
d’applications ou la concentration de la DHA [13]. Le choix de la
bonne dose d’autobronzant dépend donc tout autant de la zone à
colorer que de la carnation du sujet. À ce sujet, il est à noter qu’en
ce qui concerne les autobronzants pour « peau claire » ou pour
« peau mate », seule la concentration de DHA varie.
Une fois la bonne concentration choisie, mieux vaut savoir adapter
la fréquence des applications. S’il a été vu qu’il existait un « plafond
» de coloration, il est préférable d’atteindre celui-ci
progressivement, voire de rester légèrement en dessous pour
conserver une coloration plus naturelle. Par ailleurs, il a été
également précisé que concentration et nombre d’applications sont
liés : une seule application de DHA fortement dosée peut valoir
plusieurs applications à faible concentration. Il n’existe donc pas de
règle établie. Le plus simple est sans doute d’attendre les quelques
heures nécessaires à l’apparition de la coloration avant de décider
d’une réapplication. Généralement il est recommandé d’effectuer
deux à trois applications le premier jour, une à deux applications le
second jour, puis une application un jour sur deux ou trois selon la
carnation et le produit choisi [13].
Si les points précédents dépendent du produit utilisé, le résultat
obtenu dépend aussi de l’utilisateur. La « préparation » de la peau
est un facteur important avant l’emploi d’un autobronzant. Il est
classique de recommander un « gommage ». Celui-ci permet en effet
d’éliminer les amas de cellules cornées en voie de desquamation qui
pourraient être responsables de zones de coloration inhomogène. Par
ailleurs une exfoliation douce, lissant la surface cutanée, conduit à
une meilleure tenue de la coloration, prolongée d’au moins
24 heures [12]. Il est bien entendu qu’une fois le « hâle » installé, toute
opération visant à augmenter la desquamation est proscrite, faute
de réduire notablement les résultats obtenus.
Enfin, il sera tenu compte du pH cutané dans l’obtention de la
coloration idéale. La sensibilité de la DHA au pH conduit à certaines
précautions : Maes observe ainsi que, sur une peau préalablement
nettoyée avec un savon alcalin, tend à se développer une couleur
jaune orangé plutôt que brune ; de même si la peau est grasse [12]. Il
conseille donc, après nettoyage avec tout savon ou détergent, d’en
éliminer toute trace à l’aide d’un tonique hydroalcoolique à pH
acide.
Ainsi, quelques règles d’emploi sont-elles nécessaires pour obtenir
un « hâle » naturel indiscernable du bronzage. Mais qu’en est-il de
l’odeur et de la répartition de la DHA sur la peau ? Ces deux
problèmes sont bien évidemment dépendants contraintes techniques
liées à ses caractéristiques chimiques (stabilité, répartition). En ce
qui concerne les traces se développant après l’emploi des
autobronzants, elles peuvent avoir pour origine la teneur en AA de
la peau qui peut ne pas être homogène, elles sont majorées par des
difficultés d’étalement pouvant être liées à la galénique du produit,
ainsi qu’à l’absence de contrôle des zones d’applications de produits
incolores. Une solution peut être trouvée en teintant les
autobronzants et en facilitant ainsi la visualisation des zones
couvertes. Cependant, ceci peut ne pas satisfaire tous les
consommateurs. Aussi faut-il chercher remède du côté de la
galénique. De gros progrès ont été accomplis dans ce domaine et
ont permis, simultanément, de résoudre les problèmes de répartition
et d’odeur laissés par la DHA lors de sa dégradation. Ils concernent
la qualité des émulsions, la forme galénique du produit, la
vectorisation de la DHA. En tout premier lieu, les émulsions
s’affinent : la taille de plus en plus petite des particules permet une
homogénéisation presque parfaite des émulsions et, de ce fait, une
meilleure répartition du principe actif sur la peau. Les formes
galéniques évoluent : l’emploi d’huiles de silicones, le
développement de formes très fluides (spray) permettent une
application et un étalement facilités. Enfin la DHA se « protège » :
sa vectorisation au sein de liposomes, capsules ou microéponges,
accroît sa stabilité, offre des possibilités d’action différée dans le
temps, la protège de la dégradation et donc limite la formation des
odeurs. Une autre façon de préserver la DHA de l’oxydation consiste
à l’associer à d’autres composants de type copolymères réticulés ou
cyclodextrines qui la « piègent » et augmentent ainsi sa stabilité.
Enfin procédés de fabrication et conditionnement « sous vide »
viennent compléter les nombreuses possibilités techniques de
protection de la DHA.
Propriétés des autobronzants
LIÉES À LA DHA
En dehors de la teinte hâlée qu’elle procure et qui représente la
fonction première de la DHA, celle-ci possède d’autres qualités et
d’autres fonctions. Certaines analogies de structure entre les
mélanines et les mélanoïdines sont sans doute à l’origine des
propriétés antiradicalaires attribuées aux autobronzants [14]. Ainsi
Kawashima compare les effets antioxydants de préparations à base
de méthyglyoxal, glyoxal, acide glyoxylique et DHA. De ces quatre
composants, la DHA possède la meilleure activité [9].
Par ailleurs, la coloration que procure la DHA offre un certain
pouvoir photoprotecteur : celui-ci a été notamment étudié par
Johnson et Fusaro [8]. Ces auteurs attribuent aux composés
pigmentés issus de la DHA un pouvoir photoprotecteur vis-à-vis
des UVA, d’un indice SPF d’environ 3 ou 4, et s’étalant des UVA
courts jusqu’au spectre visible. Ils montrent également l’intérêt de
l’emploi de la DHA associée à de la 2-hydroxy-1,4-naphtoquinone
(dérivé du henné) au cours de photodermatoses telles que la
protoporphyrie érythropoïétique ou de dermatoses photosensibles
(photosensibilité à la chlorpromazine) [3, 11]. Sebire et al ont étudié
l’action de la DHA en spectrophotométrie en réflectance diffuse. Ces
auteurs montrent une absorbance plus prononcée de la courbe DHA
par rapport à celle de la peau exposée au soleil entre 300 et
380 nm [18].
Pour Meybeck, les mélanoïdines absorbent, dans tout le spectre
visible ainsi que dans les UV, avec un maximum à 320 nm [14].
Enfin, les propriétés de la DHA vis-à-vis des UVA ont été étudiées
récemment dans la prévention de la dermatose photo-induite par
les UVA. Un prétraitement par la DHA des sujets porteurs de LEB,
suivi conjointement de l’application de protecteurs solaires à large
spectre lors de l’exposition, conduit à une prévention efficace de la
survenue de la LEB [16].
Malgré l’intérêt de toutes ces publications, il est à noter toutefois
que ce pouvoir de protection reste modéré et qu’il ne s’accompagne
d’aucune protection vis-à-vis des UVB. La DHA ne saurait donc être
considérée comme un protecteur solaire, et ce notamment vis-à-vis
du grand public.
Et puis, en dehors de ses propriétés « cliniques », la DHA est
aujourd’hui utilisée dans différentes méthodes d’objectivation.
L’étude du pouvoir exfoliant des AHA (alphahydroxyacides), par
exemple, s’évalue en mesurant par chromamétrie la cinétique
d’évolution de la coloration liée à la DHA, qui exprime bien la
vitesse de desquamation de la couche cornée.
DHA ET COMPOSANTS ASSOCIÉS
Puisque la DHA ne peut être considérée comme un protecteur
solaire, pourquoi ne pas l’associer à des filtres ou écrans solaires ?
Ceci a bien sûr été réalisé, mais cette association fait l’objet de
controverses. En théorie, l’idée est intéressante : « hâlés » par la
DHA, les sujets qui l’utilisent seule se croient protégés du soleil et
risquent ainsi de s’exposer sans retenue. La présence conjointe d’un
photoprotecteur solaire est faite pour écarter tout risque de brûlures
liées à l’absence de protection UVB de la DHA. D’autre part, le
vacancier qui débute ses vacances ne pense qu’à tanner rapidement
et intensément sa peau claire. Il a tendance alors à se détourner de
toute protection solaire.
L’association avec de la DHA, en procurant en quelques heures le
début d’un « bronzage », lui permet d’accepter plus facilement une
protection efficace et l’incite à plus de modération. Cependant, en
pratique, la cohabitation DHA-protecteur solaire est moins facile.
Leurs modalités d’utilisation sont en effet différentes :
– les conditions d’application à des heures différentes : la DHA est
souvent appliquée le soir afin de laisser se développer la coloration
durant la nuit et le protecteur solaire quelques minutes avant
l’exposition ;
– les réapplications de produit sont difficiles : s’il est vrai que la
rémanence des produits solaires permet d’espacer les applications
et que l’effet de coloration « plafond » des AHA ne conduit pas à
une limitation de fréquence d’utilisation, en pratique, les deux
modes d’emploi diffèrent ;
– enfin l’association des deux principes actifs ne doit pas être
déstabilisante pour l’un comme pour l’autre. Mieux vaut donc, pour
nombre d’auteurs aujourd’hui, utiliser autobronzants et protecteurs
solaires séparément.
D’autres associations peuvent, en revanche, être réalisées :
– DHA et tyrosine : en tant que précurseur de la mélanine et sous
réserve de son efficacité réelle, la tyrosine est choisie pour accélérer
la survenue du bronzage, en toute innocuité. Associée à la DHA qui
fournit en quelques heures l’illusion du bronzage, cette combinaison
doit pouvoir satisfaire le vacancier pressé d’être bronzé en accélérant
le « faux » bronzage, puis le « vrai » ;
– DHA et AHA : cette association-là peut paraître déroutante : la
DHA a besoin pour agir d’une couche cornée que les AHA
réduisent. En fait, les AHA sont présents pour deux raisons : d’une
part préparer la peau par une exfoliation de surface qui remplace le
gommage préalable nécessaire, d’autre part parce que leur pH acide
participe à la stabilisation de la DHA. Ils contribuent ainsi à une
surface cutanée plus lisse et à l’obtention d’une coloration plus
uniforme.
Tolérance des autobronzants
EFFETS SECONDAIRES MINIMES
La tolérance générale des autobronzants est bonne. Quelques effets
secondaires peuvent se manifester, restant peu importants. Les plus
souvent observés sont bien modestes : pigmentation accrue des
comédons ouverts (teinte plus foncée des bouchons de kératine) [5]
facilement contrôlée par les gommages ou la présence des AHA ;
effet desséchant des formules, liées à l’hygroscopie de la DHA,
aujourd’hui de mieux en mieux contrôlé ; apparition de
papulopustules de type acnéique, également de moins en moins
fréquente du fait de l’amélioration des formes galéniques. Reste la
tolérance propre de la DHA qui est excellente.
DHA ET ALLERGIE
La DHA n’est pas irritante et apparaît très faiblement allergisante,
du fait de sa non-pénétration au-delà de la couche cornée. Depuis
1960, de très rares observations ont été publiées et en fait attribuées
à de simples irritations ou à l’excipient [6, 11].
Seul Morren [15] fait état de deux cas d’allergie à la DHA ce qui, en
regard de la fréquence d’utilisation de ces produits, apparaît comme
exceptionnel. Quant à la crainte par le grand public d’un effet
cancérigène de la DHA (probablement par rapprochement avec la
littérature concernant les psoralènes et donc par confusion), elle est
à réfuter totalement. L’étude épidémiologique réalisée au plan
européen par « The EORTC Melanoma Cooperative Group » [1]
précise bien l’absence totale d’association entre le risque de survenue
d’un mélanome et l’utilisation de produits autobronzants.
Indications des autobronzants
et conseils pratiques d’utilisation
INDICATIONS
Les adeptes des autobronzants sont, avant tout, des « fous » de
bronzage voulant être hâlés sans risquer les méfaits du soleil. Cette
indication concerne un vaste public comprenant aussi bien les
hommes que les femmes, quel que soit leur type de peau. D’un point
de vue plus médical, les autobronzants s’avèrent bénéfiques pour
les « interdits de soleil » (lupus, porphyries, sujets photosensibilisés),
et ce tant au plan esthétique que du fait de leur effet protecteur [3].
Enfin, les autobronzants sont employés comme technique de
« camouflage » : lésions de vitiligo [13], de piébaldisme, nævi
achromiques et autres lésions hypopigmentées peuvent être
dissimulées par les autobronzants, mais nécessitent des techniques
précises d’application pour que l’effet final soit le plus naturel et le
plus invisible possible.
CONSEILS D’UTILISATION
Sur le plan pratique, et en plus des recommandations faites sur leur
mode d’emploi, quelques conseils doivent être rappelés à tout
utilisateur :
Cas particulier : l’érythrulose
Connu depuis plusieurs années, ce principe actif refait surface. La
L-érythrulose est un kétotétrose, apparenté à la DHA dans son mode
d’action chimique, mais avec cependant quelques différences : elle
est moins réactive que la DHA. La réaction de coloration qu’elle
procure est de ce fait plus longue à apparaître (entre 20 à
24 heures). Par ailleurs, l’intensité de la coloration obtenue est moins
intense que celle de la DHA mais aussi moins rouge, plus « naturelle
».
Enfin, cette substance apparaît moins déshydratante que la DHA
car son « besoin » en eau est plus progressif dans le temps. En fait,
l’intérêt de l’érythrulose repose surtout dans son association avec la
DHA : l’emploi des deux actifs procure une couleur finale plus
homogène, plus durable, plus naturelle avec une peau moins
sèche [7].
L’érythrulose peut également être employée seule dans des
indications spécifiques, et notamment incorporée dans des soins de
jour afin de procurer un hâle léger et permanent.
· Ne pas oublier, lors de l’application, des zones telles que les oreilles,
la nuque, le cou et le décolleté.
· Prendre garde aux zones plus épaisses : talons, genoux, coudes et
cicatrices qui sont plus marquées par la coloration.
· Bien se rincer les mains après application (les paumes se teintent
de manière fort inesthétique).
· Essuyer la racine des cheveux et des sourcils.
· Laisser sécher le produit avant de se rhabiller faute de voir le linge se
colorer de façon souvent définitive.
50-170-D-10 Autobronzants Cosmétologie
4
Conclusion
Puisque aujourd’hui le bronzage fait partie de la vie de millions de
personnes, rendre cette pratique dénuée de risque doit être une
préoccupation majeure. Les autobronzants nous offrent la solution
idéale : de plus en plus efficaces et cosmétiques, d’une innocuité quasi
parfaite et doués de propriétés ajoutées, ils ont toutes les raisons de
devenir incontournables. Leur marché en atteste : leur évolution est de
plus en plus grande, l’éventail des propositions plus vaste, les progrès
techniques toujours plus avant-gardistes. Ce succès tient au fait qu’ils
représentent tout à la fois une solution complémentaire des protecteurs
solaires et une alternative aux surexpositions. En offrant aux adeptes
du teint hâlé la possibilité d’économiser sur leur consommation d’UV,
ils dépassent le stade du cosmétique de confort pour rentrer dans le
cadre des produits utiles à la santé de tous.
Références
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browning products prepared from low molecular carbonyl
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